Belaïd Abdesselam: La réponse au général Touati

Belaïd Abdesselam: La réponse au général Touati

Le Soir d’Algérie, 18 août 2007

L’ancien chef du gouvernement a tenu à réagir à la “réponse à Belaïd Abdesselam” du général Mohamed Touati publiée dans ces mêmes colonnes.

J’en arrive au texte diffusé par le général Touati sous la forme de jugements de valeur. Bien évidemment, je ne lui reconnais aucune qualité lui donnant le droit de donner des leçons et de prononcer des appréciations sur mes actes et mon comportement. Pour ce qui est de l’usage d’un langage vulgaire, j’invite seulement le lecteur à se reporter à l’interview du général Touati publiée dans l’édition datée du 27 septembre 2001 du quotidien El Watan pour savoir de quel côté un tel langage se manifeste pour la première fois. Le général Touati décrit à longueur de colonnes les souffrances endurées pendant notre guerre de libération par les habitants de sa région, y compris leurs chèvres et leurs vaches. Une nouvelle fois, je salue très respectueusement et je m’incline pieusement devant les souffrances endurées et les sacrifices consentis par les habitants de la région dont est originaire Mohamed Touati, de la même manière que je salue et que je m’incline devant les souffrances et les sacrifices de toutes les régions d’Algérie qui ont eu à connaître des épreuves semblables à celles décrites par Monsieur Touati. En particulier, j’exprime mon respect et mes hommages à la grand-mère courage citée par Mohamed Touati, qu’elle soit ou non sa propre grand-mère. Cela étant dit, Monsieur Mohamed Touati ne dit pratiquement rien de ce qu’il était advenu de lui-même, sauf son arrestation avec neuf de ses camarades à Paris le 26 janvier 1957, son transfert à Alger pour être conduit au centre d’internement de Béni-Messous. Son séjour dans ce centre avait été d’une particulière utilité pour son éducation patriotique puisqu’il lui «donna l’occasion de constater l’extraordinaire adhésion populaire à notre cause, celle du FLN». Mais, il ne nous dit pas comment, ensuite, il passa de ce centre d’internement, aux rangs de l’armée française et ce qu’il fit au sein de cette armée avant de rejoindre notre ALN à l’extérieur à une date que beaucoup, notamment parmi ses collègues militaires, situent en février 1961, c’est-à-dire au moment où allaient s’ouvrir les premières négociations officielles et publiques entre le GPRA et le gouvernement français. Pour ma part, je n’attache pas une importance démesurée à cette date. L’essentiel est que Mohamed Touati avait fait son devoir. Jusqu’à la veille du cessez-le-feu intervenu le 19 mars 1962 entre nous et les Français et même au lendemain de ce cessez-le-feu, le FLN appelait les Algériens se trouvant encore intégrés dans les structures des différents appareils du système colonial à rejoindre les rangs de notre Révolution. On considérait qu’il était du devoir patriotique de chaque Algérien, même s’il n’avait rien fait pendant les sept années et demie de notre guerre de Libération, de soutenir cette libération en l’appuyant de son vote positif en faveur de l’indépendance de l’Algérie lors du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962. Selon l’adage bien connu, mieux vaut tard que jamais. Quel que fût le moment où il rejoignit les rangs de notre Révolution, le général Touati lui avait apporté la contribution de son apport. On peut noter simplement que Mohamed Touati s’était présenté à l’ALN juste à temps pour pouvoir postuler, plus tard et en son sein, au grade de général. Quant à la description qu’il donne de mon itinéraire en faisant de moi un adepte de la fameuse formule «armons-nous et partez», sans m’abaisser à répondre à ses assertions mesquines et calomnieuses, il me suffit de dire simplement que ceux qui furent mes camarades de lutte savent que penser de ses vaines tentatives. Ils savent que celles-ci ne sont rien d’autre que les minables clabauderies d’un individu réduit à abuser de la tromperie pour donner à son texte l’allure d’un contenu plus ou moins crédible. Quant à moi, je regrette seulement de constater, à la lecture de ses propos de dénigreur avéré, qu’il ne s’est pas donné la peine de lire l’annexe n°17 de mon livre, ce qui lui aurait permis de savoir où je me trouvais quand il se faisait conduire au centre de Béni-Messous, avant de rejoindre, peut-être malgré lui et à son corps défendant, les rangs de l’armée française. Certains des martyrs ou des moudjahids dont il cite les noms savaient ou savent que mon propre sang avait dégouliné sur mes vêtements quand j’avais à peine dixsept ans, que j’avais connu les centres d’internement, les cellules policières et les prisons quand j’étais, selon les propres termes de l’un de mes juges militaires, un mineur de 18 ans, que j’avais eu à comparaître devant un tribunal militaire avec d’autres compagnons d’épreuves en 1945, que je fus condamné à quatre ans d’emprisonnement pour «port d’arme dans un mouvement insurrectionnel», et que ces aléas ayant affecté ma vie étaient l’effet de mon engagement comme militant de la cause nationale. Boumediene que le général Touati m’avait déclaré avoir admiré après sa mort, quand je lui avais reproché un jour de le détester, m’avait souligné que mon devoir consistait à servir là où la Révolution avait besoin de moi, lorsque je lui avais affirmé que j’étais revenu de l’extérieur, c’est-à-dire de France, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis à mon encontre par le tribunal répressif chargé, au niveau du parquet de Paris, de traquer les membres du FLN, en vue d’aller rejoindre ceux dont le général Touati cite les noms afin, croit-il, de me les jeter à la figure comme des exemples que je n’avais pas suivis. Dois-je encore ajouter que mon séjour dans notre capitale, durant ce que l’on appelle «la Bataille d’Alger», m’avait valu un nouveau mandat d’arrêt, lancé cette fois par le Tribunal permanent des Forces armées d’Alger en date du 2 juillet 1957 pour «association de malfaiteurs» ? Quand je m’étais permis de sortir de la villa où il m’avait affecté aux côtés d’un autre transfuge de l’administration coloniale et dont le nom anime la chronique actuelle de notre vie nationale, Boumediene considéra, un moment, que j’avais «déserté» ses services, tout en continuant, même à distance, à me faire bénéficier de ses égards, en attendant de pouvoir me «récupérer » dans le cadre des organismes dont il avait directement la charge. Les liens d’amitié, d’affection et de collaboration qui s’étaient établis entre nous s’étaient consolidés toujours davantage au long des années pendant lesquelles nous avions travaillé ensemble. Ils me dispensent aujourd’hui de répondre aux allégations émanant d’individus du genre de Touati ou de ses semblables. Dans le cadre d’une révolution qui a valu à notre pays plus d’un million de martyrs, le déplacement de plus de deux millions et demi de personnes avec la destruction de milliers de villages réduits à néant dans le cadre des zones interdites, des centaines de milliers de réfugiés hors de leur pays, il serait indécent de ma part de me prévaloir de quelque fait que ce soit pour marquer ma place dans la lutte de notre peuple. Ce serait contraire à mon éducation depuis ma prime jeunesse. Néanmoins, j’ai cru devoir me livrer aux développements qui précèdent uniquement parce que j’estime nécessaire d’éclairer les personnes de nos générations actuelles qui seraient susceptibles d’être induites en erreur par les propos qu’utilise Monsieur Touati pour déblatérer contre ma personne. Abordant l’aspect qu’il qualifie de professionnel dans le cadre de notre controverse, le général Touati utilise une pirouette pour évoquer sa démarche en 1993 auprès du Trésor français. Il déclare qu’une structure comme le Trésor français ne peut dialoguer avec un général étranger quel qu’il soit. Or, dans mon livre, je ne fais que paraphraser les propos qu’il m’avait lui-même tenus à ce sujet lors de notre rencontre après le retour de ses «48 heures de vacances à Paris» : «J’ai touché le Trésor français» m’avait-il dit explicitement de sa propre bouche. Dans mon livre, je fais dire au général Touati : «Au cours de mon récent séjour en France, j’ai approché le Trésor français qui m’a fait savoir… ». Je ne crois pas, en écrivant cela, avoir trahi sa pensée à travers les termes qu’il avait utilisés au cours de notre entretien. Dans le texte qu’il a confié au Soir d’Algérie daté du 30 juillet dernier, il élude de répondre sur ce point. Dans la foulée, le général Touati dément avoir rencontré Monsieur Juppe à Paris. Or, dans mon livre je n’ai aucunement prétendu qu’il avait rencontré à Paris, celui qui était alors le ministre des Affaires étrangères du gouvernement français. Cependant, à la suite de la diatribe par laquelle Monsieur Juppe s’était ingéré dans nos affaires intérieures en portant un jugement sur la politique économique de mon gouvernement deux ou trois semaines à peine avant le renvoi de ce gouvernement, je me suis demandé s’il n’y avait pas un rapport entre l’ingérence de Monsieur Juppe et les vacances de quarante-huit heures de notre général à Paris. Monsieur Juppe était venu me rendre visite à Alger quelques mois après ma nomination à la tête du gouvernement, comme envoyé personnel de Jacques Chirac qui était, alors, maire de Paris, président du RPR et candidat pratiquement déclaré à la succession de François Mitterand à la présidence de la République française. Dans cette éventualité, il avait entrepris une tournée au Maghreb. Ne trouvant pas le temps de venir lui-même à Alger, il m’avait envoyé Alain Juppe qu’il considérait comme son homme de confiance. Le déjeuner qui lui avait été offert à l’occasion de sa visite dans notre capitale, l’avait été sur ma demande. Comme il était accompagné d’une autre personnalité française proche de Jacques Chirac que le général Touati avait connue comme condisciple à l’Ecole de gendarmerie en France, ce dernier a été invité à prendre part au déjeuner offert à Monsieur Juppe en vue de lui donner la possibilité de retrouver et de saluer un camarade d’études. Cette personnalité était devenue ensuite ministre dans le gouvernement d’Edouard Balladur formé après le succès de la droite aux élections législatives françaises du printemps 1993. Aussi, n’étais-je pas en droit de m’interroger, à la vue des déclarations intempestives de Alain Juppe à l’encontre de mon gouvernement, si le général Touati n’avait pas profité de son séjour à Paris pour mettre «au parfum» le gouvernement français, sur le sort réservé à mon gouvernement ; ne serait-ce que par une confidence glissée à son ancien camarade d’études à l’Ecole de la gendarmerie ? Personne, dans notre opinion nationale et auprès des chancelleries installées dans notre capitale, n’ignore que le général Touati était considéré comme l’inspirateur sinon le concepteur des décisions émanant de nos dirigeants. Je prends acte du démenti qu’apporte le général Touati, par son texte dans Le Soir d’Algérie daté du 30 juillet 2007, à toute rencontre à Paris avec Alain Juppe. Quant aux autorités françaises, être un «révolutionnaire intransigeant» n’interdit pas de les évoquer lorsque le besoin s’en fait sentir. Pour le général Touati, il semblerait peu révolutionnaire d’invoquer leur opinion quand celle-ci ne concorde pas avec les thèses défendues par le FMI et par ceux qui, en Algérie, agissent en relais de ce dernier. Pour ce qui est de ce que les Algériens pensent de moi, l’idée que s’en fait le général Touati m’importe vraiment très peu. Le général Touati se lance, ensuite, dans une tirade sur les compétences de l’actuel vicegouverneur de la Banque d’Algérie ; il cite le scepticisme noté par celui-ci chez les spécialistes au sujet des contorsions et des «montages financiers inédits, spécifiques et atypiques et inévitablement hypothétiques» inventés, sans qu’il dise par qui, en vue d’honorer les échéances de l’Algérie vis-à-vis de ses fournisseurs ou de ses créanciers étrangers. Pour ce qui est du scepticisme exprimé par Ali Touati au sujet de la politique économique de mon gouvernement, je l’ai bien mentionné dans mon livre, en indiquant que Rédha Malek en avait fait état sans en mentionner l’origine devant le HCE, lors de la réunion tenue par celui-ci le 18 juillet 1993. J’avais précisé que le général Touati m’en avait parlé également en me disant, à la différence de Rédha Malek, que ce scepticisme lui avait été exprimé par l’un de ses parents travaillant comme cadre à la Banque d’Algérie. Par pudeur et par respect envers la famille du général Touati, je me suis volontairement abstenu de faire référence dans mon livre à la parenté unissant ce dernier au cadre de notre Banque Centrale qui l’alimentait de ses confidences sur notre politique économique. Dans sa lancée, le général Touati, probablement sur les indications fournies par son parent de la Banque d’Algérie, nous décrit comme des faux les documents que la Banque d’Algérie fournit au gouvernement sur l’état des finances extérieures du pays. Dans l’annexe n° 41 à mon livre, j’ai donné les graphiques et les tableaux portant sur la situation de nos réserves de change depuis l’année 1989 et mois par mois. Ces graphiques et ces tableaux correspondaient à la période pendant laquelle j’avais exercé mes fonctions de Chef du gouvernement et de ministre de l’Economie ; ils ne correspondent nullement aux circonstances actuelles pour les besoins de la controverse avec le général Touati. Ils mentionnent les chiffres correspondant à chaque rubrique :
– Situation brute donnant le montant total des réserves détenues par la Banque d’Algérie.
– «Suspens» : terme établissant ouvertement le montant des factures arrivées à échéance et dont le paiement a été délibérément retardé en vue de cumuler des arriérés de paiement par roulement sans dépasser une périodicité de soixante jours et éviter d’être déclaré en sinistre et échapper à de très lourdes sanctions financières.
– Swaps sur l’or : expression retraçant le montant des sommes en devises acquises par la Banque d’Algérie en accordant aux bailleurs qui les lui ont versées un gage sur sa réserve d’or.
– Situation nette : on retrouve dans cette rubrique le montant net des sommes en devises détenues par la Banque d’Algérie, montant net dégagé de toute somme correspondant à des «suspens» ou à des «swaps sur l’or». L’examen de ces différents graphiques et tableaux qui m’avaient été fournis le 4 septembre 1993, soit plus d’une semaine après mon limogeage montre l’évolution suivante depuis juin 1991, date à laquelle le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali avait succédé au gouvernement de Mouloud Hamrouche.
Juin 1991, arrivée du gouvernement Ghozali
– situation brute : 478 millions de dollars
– suspens : 750 millions de dollars
– swaps sur l’or : 365 millions de dollars
– situation nette : – 741 millions de dollars (c’est-à-dire un montant négatif)
Juillet 1992, arrivée de mon gouvernement
– situation brute : 1 319 millions de dollars
– suspens : 20,5 millions de dollars
– swaps sur l’or : 435,5 millions de dollars
– situation nette : 819,5 millions de dollars (soit un montant devenu positif)
Août 1993, départ de mon gouvernement
– situation brute : 2 103,5 millions de dollars
– suspens néant :
– swaps sur l’or : 709,5 millions de dollars
– situation nette : 1 332,5 millions de dollars (soit un montant en augmentation par rapport à celui existant au moment de l’entrée en fonction de mon gouvernement).
A la vue de ces tableaux, figurant à l’annexe n°41 de mon livre, on constate que les «suspens», que Monsieur Touati présente, avec probablement l’aide de son parent à la Banque d’Algérie, comme des factures au paiement différé, ont pratiquement disparu pendant toute la durée de mon gouvernement. Seul le chiffre de 61,5 millions de dollars figure sur le tableau synthétique présenté en premier dans la série constituant l’annexe, probablement en raison d’un glissement technique dans la concordance des chiffres ou des dates des échéances concernées. L’augmentation du montant figurant au titre du «swap de l’or» à la fin de l’existence de mon gouvernement (passant de 368 à 709,5 millions de dollars US) correspond à une demande que j’avais faite au Gouverneur de la Banque d’Algérie d’acquérir des devises en les gageant sur une partie de notre réserve en or, en prévision des lourdes échéances qui nous attendaient à la fin de l’année 1993. La réduction des «suspens» aboutissant à leur disparition totale durant l’existence du gouvernement Ghozali est due probablement à l’utilisation du prêt italien de 2,5 milliards de dollars gagé sur les recettes de Sonatrach en contrepartie de la vente du gaz naturel algérien à l’Italie. Le contrat, qui a permis à l’Algérie d’obtenir ce prêt italien grâce à l’intervention du président Andreotti assisté de l’intermédiaire libyen bien connu, avait donné lieu au versement d’une commission dont j’avais approuvé le principe et le montant, alors que cette opération s’était déroulée avant mon accession à la direction du gouvernement. Aussi, en conclusion de tout cela, une question fondamentale se pose : les tableaux qui m’avaient été fournis par la Banque d’Algérie à la fin de mon gouvernement sont-ils des faux ? Si c’est le cas, qui a élaboré et fourni ces faux ? Existe-t-il d’autres graphiques et tableaux communiqués à d’autres autorités, en l’occurrence le HCE, et dont je n’avais pas été informé ? Sinon, en vertu de quoi le général Touati et le général Nezzar se permettent- ils de contester les chiffres qu’ils donnent sur la situation de l’Algérie en matière de moyens de paiements extérieurs au moment de la fin de mon gouvernement ? Enfin, il me reste à relever le procédé utilisé, au sujet de ces chiffres, par le général Touati. En effet, il parle des suspens et des contorsions qui, selon lui et suivant les indications que lui aurait communiquées son parent de la Banque d’Algérie ; mais, il ne précise pas la période de temps où ces contorsions auraient été effectuées. Il fait l’amalgame entre le départ de mon gouvernement et la pratique de ces fameuses contorsions qu’il lie aux «suspens», sans indiquer explicitement la date ou les dates où ces «suspens» ont été pratiqués. Il m’accuse sans fournir la moindre preuve d’avoir laissé l’Algérie «en cessation de paiement larvée, obligeant la Banque d’Algérie à recourir à la pratique périlleuse des «suspens». Désarçonné par les tableaux que j’ai fournis en annexe n° 41 à mon livre et ne pouvant y opposer aucun chiffre véridique et vérifiable, il s’adonne à l’utilisation de termes ambigus tels que «cessation de paiement larvée», en même temps qu’il évite de situer précisément dans le temps le moment où la Banque d’Algérie avait eu recours à la pratique périlleuse des «suspens». Or, l’examen de tableaux annexés à mon livre et provenant des services mêmes de la Banque d’Algérie montrent que cette pratique, qualifiée par le général Touati de périlleuse, n’a pu se produire que pendant deux périodes bien déterminées : la première durant l’existence du gouvernement Ghozali qui a eu à liquider les «suspens» hérités de son prédécesseur ; ensuite, cette même pratique a dû certainement avoir été utilisée lorsque le matelas de devises, que j’avais laissé à mon départ, avait été liquidé par l’effet de la ruée sur les importations consécutives à l’ouverture du commerce extérieur aux spéculateurs privés de l’importexport, ouverture qui avait suivi le renvoi de mon gouvernement. A l’appui de ce texte, on trouvera une édition du journal Le Monde datée du 31 janvier 1994, soit plus de cinq mois après mon limogeage ; dans cette édition, le quotidien parisien du soir annonce que l’Algérie suspend le paiement de sa dette extérieure, en même temps qu’il cite la remarque d’un banquier disant que les économies que j’avais léguées à mon successeur avaient «fondu de façon surprenante ». Ces économies avaient effectivement «fondu de façon surprenante» parce que le général Touati a imposé ses vues en matière de gestion de notre commerce extérieur, au grand bénéfice des importateurs avec lesquels il déclare ne posséder aucun lien. Je ne conteste nullement ses protestations quand il affirme n’avoir jamais eu « le moindre rapport avec les milieux d’importation». Mais, personne ne peut contester que les idées dont il s’était fait le héraut et qu’il avait réussi à faire appliquer avaient bien servi ces «milieux d’importation» dont les opérations ont été certainement à l’origine des «suspens» qui ont conduit la Banque d’Algérie à se déclarer en état de ne plus pouvoir honorer les échéances de la dette extérieure de l’Algérie. Acculé par les arguments développés dans mon livre, le Général Touati se livre, à travers son texte publié dans Le Soir d’Algériedu 30 juillet 2007, à des «montages» de phrases ambiguës et alambiquées de manière à tenter de se dégager des soupçons légitimes qui pèsent sur lui à propos de la manière dont il avait présenté la politique économique de mon gouvernement et de la façon dont il avait justifié le renvoi de mon gouvernement pour le compte de ceux qui avaient fait de lui leur conseiller. Il sait, en particulier, qu’il avait trompé ses collègues militaires en leur déclarant que mon gouvernement avait conduit l’Algérie à un état de cessation de paiement vis-à-vis de l’extérieur, c’est-à-dire, à la faillite. Il a certainement été pris de panique à l’idée que ceux qu’il avait trompés allaient découvrir, dans mon livre et dans ses annexes, qu’ils avaient été induits en erreur. D’où toute la phraséologie parfois pseudo-technique par laquelle il tente de convaincre, mais en vain, que l’Algérie était en «cessation de paiement larvée» au moment du renvoi de mon gouvernement. Par ailleurs, le général Touati, dans son interview au quotidien El Watan daté du 27 septembre 2001, déclare que selon le conseiller de la Présidence, Bouzidi, le montant des dépôts en devises des privés auprès de la Banque d’Algérie aurait été de 600 millions de dollars, quand j’avais été invité par le HCE à prendre part à sa réunion du 18 juillet 1993. Dans son texte diffusé par Le Soir d’Algériedu 30 juillet écoulé, il signale que le montant de ces dépôts privés aurait été d’un milliard de dollars US. Comment explique-t-il cette différence qui va pratiquement du simple au double ? Il déclare, sans doute pour esquiver sa responsabilité, que ces informations émanaient d’experts algériens invités à se prononcer sur l’opportunité ou non d’un rééchelonnement de la dette. De qui ces experts tenaient-ils ces informations, qui ne pouvaient émaner que de la Banque d’Algérie ? Ces experts ayant été consultés sur l’opportunité du rééchelonnement, c’est-à-dire en 1993 ou début 1994 au plus tard, pourquoi a-t-il attendu aujourd’hui pour parler de telles informations. Pourquoi ne les avait-il pas révélées lors de son interview au journal El Watan du 27 septembre 2001 ? Puisqu’il se réfugie derrière les experts algériens pour tenter de donner un semblant de crédibilité à ses affirmations, pourquoi n’avait-il pas accepté que le débat de ces experts se déroulât en séance publique et en direct à la télévision, lorsque le problème s’était posé en 1993 d’organiser un séminaire d’experts sur la dette extérieure ? Sans doute, va-t-il encore essayer de se dérober et invoquer, à cet effet, la nécessité de ne pas révéler à l’étranger et même à notre peuple, l’état de délabrement de nos finances extérieures à la fin de l’existence de mon gouvernement ? Mais, les experts dont il fait maintenant son paravent et son alibi, savent bien que les étrangers connaissent notre situation financière mieux que nos propres responsables et, parfois, mieux que ces experts. Peut-il prétendre qu’il ignore cette réalité ? Le général Touati, en vient à affirmer que j’accuse le gouverneur de la Banque d’Algérie de «trahison». J’ai considéré dans mon livre que la Banque d’Algérie n’avait pas fait diligence pour la réalisation de l’opération changement des billets de banque ; mais, cela ne signifie nullement qu’il y a eu trahison. Par contre, la présentation de la situation de nos finances en devises que fait Touati, probablement avec l’assistance de son parent au sein de la Banque d’Algérie, tend à accuser la Banque d’Algérie de falsification de documents officiels. Cela serait un comportement déloyal caractérisé, sinon une «trahison» pure et simple. Pour ce qui est des rapports que le général Touati entretient avec le RCD ou avec les groupes liés au RCD, j’ai été simplement amené à me poser certaines questions, en raison des interventions dont il avait pris l’initiative auprès de moi au sujet du RCD et, il faut bien le dire, en raison aussi des sympathies qu’il ne cachait pas à l’égard des options idéologiques de ce parti. Quant au document élaboré et présenté par le ministre de l’Intérieur, il ne peut que constituer un document de travail parmi d’autres. La règle dans tout travail gouvernemental et, dans les circonstances où nous nous trouvions alors, c’est-à-dire, en 1992 et 1993, tout travail relatif sous quel que angle que ce soit au problème sécuritaire, est la concertation ou la consultation préalable avant débat et décision. Quand un document est élaboré, comme le rapport qui serait daté du 12 mai 1993 cité par le général Touati, il a du être envoyé aux autorités concernées par son objet ou par une partie de son contenu. Lorsqu’un document envoyé par mes soins, tombe entre les mains du général Touati, celui-ci le reçoit, même sous un pli portant son nom «intuitu personae », mais en sa qualité de collaborateur du ministre de la Défense nationale qui est membre du gouvernement. Dans son interview au quotidien El Watan du 27 septembre 2001, le général Touati m’accuse personnellement d’avoir «lanterné» sur l’application des mesures protectrices qu’il aurait préconisées en faveur des DEC ; dans son texte publié dans Le Soir d’Algérie du 30 juillet 2007, il reporte cette accusation sur le ministre de l’Intérieur et le ministre délégué à la sécurité. M’hamed Tolba l’a déjà remis en place sur ce point. Je souscris d’autant plus aux observations de M’hamed Tolba qu’il m’a été donné parfois de le froisser, dans ses prérogatives et dans son action de ministre chargé de la Sécurité et de Directeur général de la Sûreté nationale, en faveur des structures de l’ANP relevant, alors, du général Mohamed Lamari, dans l’espoir que cette attitude de ma part permettrait à l’ANP d’améliorer davantage l’efficacité de ses interventions. En lisant ce que le général Touati écrit à ce sujet dans Le Soir d’Algériedu 30 juillet écoulé, on ne peut s’empêcher de penser qu’il considérait son point de vue comme un impératif s’imposant à tous, y compris à des ministres membres du gouvernement exerçant des actions concrètes sur le terrain.
Ni Mohamed Hardi, tombé victime des terroristes, ni M’hamed Tolba n’avait de leçon à recevoir du général Touati. Des suggestions peut-être ; mais non de subir ses humeurs au point qu’il pouvait juger qu’il n’avait plus à les rencontrer au sein du groupe de travail constitué en vue de faire face aux problèmes sécuritaires. Lui qui m’accuse d’avoir une conception césariste dans l’exercice du pouvoir, se surprend à se présenter comme le «Mokh» qu’on ne pouvait contester et comme le Pharaon dont les propositions étaient des ordres indiscutables et incontournables. Je m’associe tout naturellement à l’hommage rendu par M’hamed Tolba au regretté Mohamed Hardi et à tous ceux qui sont tombés dans la défense de notre Etat, notamment dans les rangs de notre police nationale. Ce que dit le général Touati de notre organisation économique de la période dite de Boumediene, fait partie de la panoplie des arguments développés après la disparition de ce dernier en vue de liquider son œuvre. La meilleure critique à l’encontre de cette organisation qui, par ailleurs, a produit bien des résultats positifs pour le bien du peuple et pour l’édification du pays, se trouve dans le texte de la Charte nationale adoptée en 1976, Charte à la rédaction de laquelle je n’ai pas été étranger. Je me contente d’ajouter que là où il était alors, le général Touati ne pouvait ignorer que j’étais contre toute répression de la corruption par le procédé des boucs émissaires, de même que j’étais pour un nouveau système de rémunération permettant à nos organismes économiques de fonctionner suivant des règles plus efficaces et plus rentables. Je ne sais toujours pas ce que Touati appelle ma «façon despotique de gouverner». Mon opposition au rééchelonnement avait été exposée publiquement dans un document écrit par les services concernés du gouvernement, sur la base des orientations que je leur avais données, mais aussi, en tenant compte de leurs indications et de leurs suggestions. Ces services, du reste, étaient, pour l’essentiel sinon dans leur totalité, ceux-là mêmes dont j’avais hérités des gouvernements ayant précédé le mien. Ensuite, j’avais eu à exposer publiquement ma position en ce qui concernait le rééchelonnement à travers une intervention orale qui avait été effectuée au cours d’une réunion ouverte à tous les représentants de la presse et qui avait été diffusée par tous les médias nationaux. Il est pour le moins curieux que le général Touati ne dise aucun mot à propos de ce document publié sous le titre : «Note de présentation des principales orientations de la politique économique du gouvernement», ni au sujet de mon intervention effectuée en juin 1993 devant les cadres de la wilaya d’Alger. D’ailleurs, et peut-être n’est-ce pas là un simple hasard, le silence du général Touati sur ces deux points coïncide parfaitement avec l’attitude de la presse privée qui les avait pratiquement ignorés comme je le signale dans mon livre. De la même manière, le général Touati prétend que je n’ai pas cherché à mettre en place une économie de guerre. Une fois de plus, il veut ignorer que l’instauration même du «comité ad hoc» pour contrôler les importations constitue la première pierre de cette économie de guerre ; il ne dit rien non plus des imprécations que m’avaient valu la création de ce comité de la part de ceux des opérateurs dits économiques qui, avec lui, agissaient en vue de parvenir à nous imposer la fameuse thérapeutique du FMI. Enfin, le général Touati spécule sur ce qu’il serait advenu du pays s’il n’y avait pas eu le rééchelonnement. Il aurait mieux fait de s’étendre sur ce qu’il est advenu au pays à la suite du rééchelonnement dont il fut l’un des partisans et l’un des éléments ayant agi en vue de son adoption. Seules l’augmentation de nos exportations pétrolières et gazières et la revalorisation continue du prix du pétrole nous ont sauvés du désastre dans lequel devaient nous précipiter ce rééchelonnement et les autres rééchelonnements qui l’ont suivi ou devaient le suivre, chose que Monsieur Touati passe complètement sous silence. Au lieu d’épiloguer sur le mur de Berlin, sur l’effondrement de l’URSS ou la Chine de MAO, il ferait mieux de s’interroger sur le déclin du FMI qui a fait le malheur de tous les pays qui ont eu la malchance d’avoir à leur tête des responsables qui les ont acculés à subir ses thérapeutiques. Aujourd’hui, des voix autorisées au sein même des pays occidentaux développés sont de plus en plus nombreuses à dénoncer la nocivité des ajustements dits structurels imposés par le FMI. Mais, le général Touati n’en a cure. Je n’avais jamais exclu la nécessité de passer à l’économie de marché. Cependant, j’étais contre et je demeure opposé aux conditions que l’on a imposées à notre peuple pour le faire passer à une économie de bazar qui n’a rien à voir avec la véritable économie de marché, qui fait la prospérité des peuples à partir des produits de leur propre travail. Il était largement possible d’éviter à notre peuple une grande partie des épreuves qu’on lui a fait subir, sous la contrainte de la situation sécuritaire, en vue de lui faire avaler la potion amère de ce que l’on lui a présenté comme la calamité à endurer en vue de passer à l’économie de marché. Le général Touati avec tous ceux qui lui emboîtent le pas et lui prêtent l’oreille aurait été mieux inspiré de songer à l’exemple de la Malaisie qui a connu une grande crise dans ses finances extérieures et qui a su dire non au FMI. Son gouvernement dirigé par un leader de valeur a réussi à surmonter cette crise sans livrer son pays à l’emprise du FMI. Il est vrai qu’il n’avait pas eu recours, comme nous le rappellent les généraux Touati et Nezzar, à la constitution d’un comité chargé de proposer les mesures à appliquer pour assurer le salut du pays, à l’instar de ce qui s’était passé chez nous. Aujourd’hui, ce Leader de valeur, Mohamed Mahatir, a quitté volontairement le pouvoir après avoir réussi le redressement et le salut de son pays. La Malaisie jouit du prestige qu’elle a acquis en raison de la politique que lui avait fait suivre son leader. La chance de saisir une occasion semblable à celle de la Malaisie s’était offerte à l’Algérie. Le Mokh du général Touati avait réussi à l’en priver, c’est la seule réussite notoire que ce dernier peut inscrire à son actif. Pour ce qui est des résultats obtenus du FMI en faveur du Trésor algérien, le mieux pour les apprécier serait de demander à l’ensemble des Algériens de dire ce qu’ils en pensent et le bien qu’ils en ont effectivement tiré. Il serait judicieux, également, de consulter nos registres de commerce afin de découvrir le nombre des sociétés d’import-export qui s’y sont fait enregistrer dans le sillage de l’accord passé avec le FMI et même au cours de la période qui a suivi immédiatement le renvoi de mon gouvernement. Tous les spéculateurs avides de s’emparer des ressources de notre pays avaient salué mon renvoi comme le prélude à l’accord avec le FMI et à l’ouverture de notre commerce extérieur. Pour en rester toujours dans le cas des résultats dont le Trésor algérien aurait bénéficié grâce à l’accord conclu avec le FMI , si l’on croit les affirmations du général Touati, ce dernier ne nous dit pas les retombées négatives et désastreuses qu’a subies le peuple algérien par suite de cet accord, comme il ne dit rien des nouveaux accords de rééchelonnement qui allaient de nouveau être passés avec le FMI, de la même manière qu’il laisse planer un voile d’opacité sur les conditions draconiennes qui allaient en découler, une fois de plus, sur le peuple, si le relèvement du prix du pétrole n’avait pas sauvé notre population d’une telle nouvelle et éventuelle catastrophe. Du reste, tout au long de sa prétendue démonstration étalée dans le journal Le Soir d’Algérie du 30 juillet 2007, il demeure d’une pudeur angélique sur les catégories d’Algériens qui ont réellement tiré un avantage quelconque du rééchelonnement. Quant aux besoins des opérations sécuritaires, le programme de mon gouvernement leur avait réservé une priorité absolue. Les forces de sécurité n’avaient jamais fait état de la moindre lacune dans les moyens qui leur étaient affectés. Par contre, le général Touati ne nous dit rien des chantiers nombreux, lesquels à croire les thèses qu’il développait alors à l’attention de ses collègues militaires engagés sur le terrain de la lutte contre les menées terroristes, devaient s’ouvrir et couvrir le pays comme le résultat fabuleux de l’accord avec le FMI, afin d’offrir des emplois par milliers aux jeunes Algériens en vue de les dissuader de rejoindre les maquis de la subversion. La jonction assurée, d’après lui, avec «la reprise de la production des hydrocarbures et la remontée du prix du baril», grâce à l’accord du FMI a certes fonctionné ; mais au bénéfice de ceux qui piaffaient de s’emparer des revenus découlant des importations. Le peuple, comme chacun le sait, n’en a retiré que la misère dans laquelle l’ont précipité ceux qui l’ont leurré et trompé avec leurs démonstrations abusives sur les avantages à obtenir du FMI, au moment où des voix fusant du sein même des puissances occidentales, commençaient à dénoncer les méfaits de la fameuse thérapie du FMI. Le général Touati, emporté par sa hargne et aveuglé sans doute par son empressement à se débarrasser des casseroles du FMI qu’il traîne derrière lui, en arrive à déformer certains de mes propos en premier lieu en ce qui concerne le rôle de l’armée dans ma nomination à la tête du gouvernement et, en second lieu, au sujet de la candidature de Bouteflika à l’élection présidentielle de 1999. Dans les deux cas, mes déclarations ont été enregistrées ; elles peuvent être réentendues et permettre de découvrir les déformations de la vérité par lesquelles le général Touati tente toujours d’emporter l’adhésion de ceux qui lui prêtent l’oreille ou se fient à ses écrits. En particulier, au cours de l’élection présidentielle de 1999, j’avais critiqué une intervention intempestive qui avait perturbé le déroulement de la campagne électorale en laissant planer un doute sur la régularité du scrutin. Quant à mon choix, j’avais déclaré publiquement que mon vote pourrait se porter sur Bouteflika, ce qui advint effectivement. Hargneux et rongé par le ressentiment d’avoir été démasqué, il ose insinuer que mes rapports avec l’actuel président de la République seraient liés à des raisons «terre à terre». C’est ce qu’on appelle une allusion calomnieuse qui n’est pas étonnante de sa part. Dans cet ordre d’idées concernant la nature de son personnage, il est un autre passage de son texte qui mérite d’être relevé et souligné : c’est quand il écrit m’avoir affirmé «qu’il n’y avait pas d’autres solutions que le rééchelonnement », je lui aurais répondu : «Tu es donc pour le blanchiment d’argent». D’abord, ce type de réponse ne correspond pas à ma manière de parler. En outre, le sujet de notre conversation n’était pas le rééchelonnement, mais le code des investissements. Quand, il m’avait répondu que l’Algérie ayant besoin de capitaux pour son développement n’avait pas à s’enquérir de l’origine de ces capitaux, il est possible que je lui aurais répondu : «Cela laisserait la voie ouverte au blanchiment. » Ce type de réponse correspond parfaitement au fond de ma pensée. Mais, le général Touati déforme ma pensée à travers les termes qu’il m’attribue et la situe mal à propos, en présentant cet échange de vues comme portant sur le rééchelonnement et non sur le code des investissements. Cela concorde complètement avec sa manière de traiter les affaires dont il avait la charge, la mauvaise foi constituant la règle d’or de ses démarches, surtout quand il se sent aux abois. Au sujet de la proposition de prendre le ministère de l’Intérieur, je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai écrit dans le livre. Je note seulement que le général Touati ne dit rien de son intention qu’il m’avait alors confiée de songer à quitter l’armée dans le cas où certaines modifications qu’il estimait rigoureusement indispensables ne seraient pas retenues pour la révision de la Constitution. Avant de conclure son texte, le général Touati n’hésite pas à se donner l’allure d’un homme d’Etat envoyé par le destin pour le salut de l’Algérie. Il écrit en effet : «Dans une situation économique et politique extrêmement précaire, je me devais en ma qualité de conseiller et de représentant du ministre de la Défense nationale, au sein du groupe faire preuve d’engagement certes, mais aussi de circonspection, voire aussi de vigilance. La solution sécuritaire recherchée ne pouvait être dissociée des aspects socioéconomiques ou des possibilités financières». En un mot, il se donne bien, ainsi, le rôle d’un dirigeant politique du pays. A cet effet, je voudrais simplement rappeler à sa mémoire, si elle n’est pas obnubilée par la mythomanie qui semble s’être emparée de son esprit, que, lors de l’un de nos échanges de vues qui s’étaient déroulés entre nous de manière correcte et courtoise, je lui avais dit : «Tout le monde sait que le pouvoir vous appartient, vous les militaires, alors pourquoi ne prenez pas vous-même personnellement la tête du gouvernement au lieu de continuer à agir de derrière le rideau ?» Je parlais sincèrement, car je pensais éviter, de la sorte, les grincements survenant parfois entre nous dans la conduite des affaires de l’Etat. Il m’avait répondu : «Oui, ce pouvoir est entre nos mais, mais nous vous l’avons délégué». «Eh bien ! lui avais-je répondu, dans ces conditions, laissez-nous la faculté de l’exercer tranquillement !» Si le général Touati ou un autre militaire avait pris la direction du gouvernement, cela aurait peut-être constitué la meilleure solution. En ce qui me concerne, dans ma décision d’accepter d’assumer cette direction, résiderait sans doute mon erreur véritable et fondamentale et là aussi, se trouverait peut-être également la source de l’échec principal que l’on pourrait me reprocher.
Bélaïd Abdesselam
(Ancien chef du gouvernement)