Un homme aux positions et aux propositions qui se sont toujours avérées justes

Un homme aux positions et aux propositions qui se sont toujours avérées justes

Par Hamadache Abdelkader, ancien membre de la direction du FFS et ancien sénateur, El Watan, 3 janvier 2016

En ce 1er janvier 2016, l’Algérie vient de dire à l’un de ses meilleurs enfants, Hocine Aït Ahmed, de reposer en paix. C’était un homme d’exception, hors du commun, un nationaliste. Il était militant de l’Algérie révolutionnaire et de l’Algérie indépendante. Il la voulait libre, plurielle, démocratique et heureuse.

Il est né et a grandi dans une maison de pèlerinage à cause de son grand-oncle maternel, le très vénéré Cheikh Mohand Ou L’Hocine, un des chefs spirituels de l’une des grandes confréries maghrébines la Rahmania. Sa scolarité commence à l’âge de quatre ans à l’école coranique. Il dit, je le cite : «C’est grâce aux valeurs culturelles que je ne suis pas entré en aveugle dans le monde des idées et de l’idéologie.»
En 1939, il a passé et obtenu le certificat d’études à titre d’indigène et à titre français (admis à se présenter aux deux), puis a réussi au concours d’entrée au lycée d’Alger.

A cet âge, il connaissait déjà l’existence du mouvement nationaliste de Messali Hadj, le PPA, grâce à son oncle Ouzzine, un personnage qui l’a beaucoup marqué. Il lui doit sa première leçon de patriotisme. Une semaine après les événements sanglants du 8 Mai 1945, il abandonne ses études et rejoint le maquis en compagnie de Ali Laïmche, Amar Ould Hamouda et Omar Oussedik sous la houlette de Ouali Bennaï qui assurait la liaison entre les organisations estudiantines et le Parti. Il était convaincu qu’il faut abandonner l’action légaliste et l’attentisme messaliste et s’orienter vers l’action révolutionnaire.

C’est le début d’une grande aventure et l’apparition de l’homme visionnaire. Fidèle à son engagement révolutionnaire, il préconise, dans son intervention faite au nom du district de Kabylie, au 1er congrès du PPA tenu le 15 février 1947, la lutte armée et pour y parvenir, la création d’une structure paramilitaire (l’OS) dont il deviendra, le 13 novembre 1947, le chef national. Un année plus tard, il présente au comité central élargi du PPA, tenu à Zeddine (wilaya de Aïn Defla), en décembre 1948, un rapport décisif sur les formes et la stratégie de la lutte armée pour l’indépendance.

En quelques mois. Il met en place, à l’échèle nationale, les structures nécessaires pour la formation politique et militaire qui permettront le passage à l’acte. Il sera l’un des principaux chefs historiques (groupe des 9) du déclenchement de la lutte armée le 1er Novembre 1954. Membre de la délégation extérieure basée au Caire, il est en charge de la diplomatie. A ce titre, Il dirige la délégation algérienne à diverses conférences internationales et sillonne plusieurs capitales pour faire entendre la voix de la Révolution algérienne. Il réussit, ainsi, à faire inscrire, en septembre 1956, la question algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU en dépit d’une grande opposition de la France.

En octobre 1956, il est arrêté par les autorités françaises en compagnie de Boudiaf, Ben Bella, Khider et Lacheraf dans l’avion qui les conduisait du Maroc vers la Tunisie. Il sera détenu en France, de 1956 à 1962, à la prison de la Santé, puis à l’île d’Aix, ensuite au château de Turcan et enfin au château d’Aulnois. Des cinq détenus, Il est le seul à approuver dans sa globalité la Plateforme de la Soummam adressée par le CCE. C’est lui qui, de sa cellule de prison, préconisa la création d’un gouvernement provisoire pour porter plus haut et plus fort la question algérienne dans le concert des nations.

A l’indépendance du pays en 1962, il s’oppose, sans concession, aux dérives totalitaires du régime en place et revendique une Assemblée constituante et le retour à la légitimité populaire. Il démissionne du GPRA et s’engage dans le combat démocratique pour la construction d’un état de droit. La création du FFS en septembre 1963 est une volonté et un engagement fort à l’esprit de Novembre. Arrêté en avril 1964, condamné à mort puis gracié, il s’évade de la prison d’El Harrach le 1er mai 1966.

Il s’exile en Suisse pour poursuivre son combat pour une Algérie démocratique et sociale et reprendre ses études (après avoir passé et obtenu, en détention, son baccalauréat en 1965, il obtient une licence de droit à Lausanne et en 1975 un doctorat de l’université de Nancy). Son retour, en décembre 1989, après 23 ans d’exil, a fait renaître un immense espoir pour la majorité des Algériennes et des Algériens, après les événements d’Octobre 1988. Fidèle à son idéal démocratique, il s’oppose et condamne énergiquement l’arrêt du processus électoral de janvier 1992, comme il refuse et rejette catégoriquement la présidence du HCE qui lui a été proposée. Rares sont les hommes qui peuvent décliner les honneurs et les prestiges de ce poste.

Militant irréprochable et défenseur de la légitimité populaire. Il initie la plateforme du contrat national conclu à Rome en 1995, comme il participe à l’élection présidentielle de 1999 pour un retour à la paix sociale et l’instauration d’un dialogue national, avant de se retirer avec les cinq autres candidats pour soutien avéré au candidat du système. Militant infatigable de l’unité et de la cause nationale, de la démocratie, des droits de l’homme et de la justice sociale, il a été un guide, un leader national. Il nous a appris à faire de la politique, à aimer la politique, à défendre le droit d’avoir des droits, à donner un sens au dialogue, au compromis, mais jamais de compromission.

Il aimait profondément son pays l’Algérie, notre Algérie. Il l’a servie honorablement par son combat libérateur et après son indépendance. Il était visionnaire, intègre, sage, honnête et propre. Le meilleur hommage que nous devons lui rendre, c’est de capitaliser son ouvre et de continuer son combat pour la construction d’un Etat souverain doté d’institutions pérennes.

Par sa mort, il nous offre une chance pour y parvenir. Les reconnaissances et hommages post-mortem des plus émouvants à ce grand homme national d’une grandeur internationale en sont la meilleure preuve, pour peu que l’on passe du stade des paroles à celui des actes. Si L’Hocine, après une vie bien pleine et des hommages de tout le peuple algérien, comme en témoignera, pour toujours, Thissirth n’Cheikh, tu es porté au panthéon de l’histoire. Repose en paix.
Hamadache Abdelkader