La paille et la poutre

La paille et la poutre

par Par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 21 mai 2007

Le G8 s’inquiète de l’intérêt économique de la Chine pour l’Afrique. Officiellement, ce serait parce que Pékin favoriserait un « surendettement » des pays africains et qu’elle ne serait pas regardante en matière de droits de l’homme et de « bonne gouvernance ».

Ce type de sermon d’éthique antichinoise, c’est Paul Wolfowitz, patron de la Banque mondiale, qui le tenait il y a quelques mois. Pris en flagrant délit de népotisme et contraint à la démission, le très peu convaincant Wolfowitz n’assiste pas au sommet du G8, mais son douteux moralisme y est bien représenté.

Ainsi, selon les pays qui sont les principaux responsables des désastres africains, la Chine investirait « trop » massivement dans le continent noir, elle prêterait « trop » d’argent… Voilà comment s’énonce la sollicitude des pays industrialisés qui n’ont pas été particulièrement à cheval sur les questions des droits de l’homme et en font un usage à géométrie très variable. Pour le reste, la Chine connaît un essor économique puissant qui la pousse très naturellement à s’assurer des approvisionnements en ressources énergétiques et en matières premières. Elle met en oeuvre une stratégie à long terme avec dynamisme en investissant massivement dans le continent et en proposant des partenariats qui sont profitables aux économies africaines. La Chine ne prétend pas démocratiser les pays avec lesquels elle commerce, elle reste sur un registre économique et elle joue la concurrence. Il est totalement inconvenant d’en faire le reproche aux Chinois.

Et ce ne sont pas les Africains, en premier lieu ceux qui se battent, chez eux, pour la démocratie et la « bonne gouvernance » qui vont subitement se mettre à croire à l’angélisme des pays occidentaux. Dans un monde en mouvement où la raréfaction des ressources naturelles annonce les confrontations de demain, l’Afrique ne peut plus demeurer la chasse gardée des ex-métropoles. Cela, les Occidentaux, grands discoureurs sur les logiques du marché, ne semblent pas encore prêts à l’admettre.

Pourquoi donc la Chine (ou l’Inde, ou le Brésil) ne ferait pas des affaires en Afrique ? Au nom de quel interdit elle devrait se priver de chercher des moyens de garantir ses besoins croissants en minerais et en ressources énergétiques ? On peut constater qu’elle ne fait pas de guerre pour y parvenir, qu’elle ne cherche pas à soumettre mais qu’elle fait tout simplement du business. Elle le fait de manière plus correcte que les Occidentaux. Ce qui rend encore plus malvenu le discours sur « l’éthique » dont ils se drapent pour contester la présence chinoise sur le continent.

Le bilan de l’action des membres du G8 en matière d’aide au développement et à la démocratisation des pays africains devrait inciter à un peu plus de retenue. Que l’on sache, les dictateurs et leurs comptes bancaires trouvent systématiquement refuge chez ces nouveaux parangons de vertu qui s’effrayent de la paille dans l’oeil du dragon chinois, en ignorant la poutre qui les empêche de se faire plutôt les contempteurs de leurs propres turpitudes.