Leçons chinoises
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 29 octobre 2008
La baisse des prix du pétrole a un impact négatif sur les recettes du pays, mais elle a au moins l’effet bénéfique de faire taire le discours inconsistant d’une Algérie miraculeusement «à l’abri» de la tempête mondiale. La faible intégration des banques algériennes au système financier mondial a été brandie comme une sorte de ligne Maginot imaginaire qui nous épargnerait des tumultes dévastateurs. On aura même perçu une sorte de satisfaction saugrenue pour le sous-développement et le retard qui nous éviteraient des moments pénibles.
La baisse des prix du pétrole est survenue donc comme un rappel à la réalité : l’Algérie, pas plus que le Venezuela, le Nigéria ou la Russie, n’est pas à l’abri des aléas d’un marché mondialisé. L’économie internationale est dans une pente récessive et, selon toute probabilité, le retour à une croissance pétrolière équivalente à celles de ces dernières années n’est pas pour bientôt. L’Opep devra rester sur la brèche et agir régulièrement pour comprimer l’offre afin d’éviter des chutes catastrophiques des prix, semblable à celles des cycles précédents où ils ont plongé vers des niveaux désastreux. Il faut, bien sûr, espérer qu’elle y parvienne.
Mais quel enseignement tirer d’une crise qui n’a pas encore déployé tous ses effets ? Qui s’en tire le mieux quand des pays donnés pour «modèles» par le FMI ou la Banque mondiale se retrouvent en situation de cessation de paiement ? La réponse est là, évidente. C’est la Chine, pays qui achète beaucoup de pétrole, qui résiste le mieux à la tornade. Les pays industriels avancés comptent sur le Céleste Empire pour amortir les effets de la récession globale. Quelles sont les structures de l’économie chinoise ? Un Etat, très présent, qui a admis que l’économie de marché est source d’efficacité et de créativité, mais où la régulation, qui existe bel et bien, a empêché l’arrivée déstabilisatrice des capitaux spéculatifs. Et last but not least, ce sont de grandes entreprises publiques qui fonctionnent efficacement suivant les règles du marché.
Si aujourd’hui l’ultralibéralisme est en pleine déconfiture, le modèle chinois est là pour rappeler que l’économie administrée – et la tentation est présente chez nous – n’est pas la panacée. La Chine a développé un modèle original d’économie mixte articulé sur un cadre juridique rassurant aussi bien pour les investisseurs locaux qu’étrangers.
Pékin a aussi apporté la démonstration que des grands groupes publics, dirigés par un management responsable et autonome, pouvaient non seulement porter la croissance interne, mais également étendre le poids économique de la Chine dans le monde. Les tropismes locaux empêchent de voir que la Chine peut nous apprendre ou nous rappeler un certain nombre de principes fondamentaux. A commencer par le fait qu’une économie croît avant tout par le soutien à la production interne. C’est elle qui draine les investissements étrangers et non l’inverse.