L’Empire et l’Afrique
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 25 avril 2007
Le Pentagone est en quête d’un candidat africain pour installer son commandement régional pour l’Afrique (Africom), et apparemment les postulants ne manquent pas. L’Algérie n’en fait pas partie puisqu’elle a très officiellement et publiquement fait savoir qu’elle ne voulait ni intégrer l’Africom, ni accueillir de bases américaines. La mise au point faite début mars par le ministre algérien des Affaires étrangères avait suscité une réaction américaine sur le mode du « on n’a rien demandé ».
Depuis, il y a eu les attentats du 11 avril et « l’alerte imminente » de l’ambassade américaine qui ont relancé les spéculations. Louisa Hanoune a été à deux doigts d’accuser les Etats-Unis d’être les instigateurs des attentats car ils n’auraient apprécié ni la remise en cause, ni la « renationalisation » des hydrocarbures, ni le refus de l’Algérie d’accueillir des bases américaines. C’est ce qu’on appelle une « grille de lecture » à travers laquelle sont interprétés les faits. La « Qaïda du Maghreb » deviendrait ce prétexte idéal qui justifierait une présence accrue de l’armée américaine. De là à suspecter le gendarme d’encourager le criminel…
Spéculations non étayées ? C’est vrai. Celles qui présentent la zone du Sahel comme particulièrement infestée de djihadistes ne le sont pas davantage et s’appuient sur des sources « sécuritaires » qu’ont peut légitimement suspecter d’exagération, d’une sorte de justification budgétaire.
Bref, le champ des spéculations est très ouvert. L’Amérique est puissante, ses actions dans notre environnement n’ayant rien de désintéressé – bien au contraire -, ces lectures font florès et cela va de la légitime suspicion à l’accusation de complot. Bien entendu, ces grilles de lecture sont très éloignées de la réalité des liens entre les Etats, notamment en matière de coopération sécuritaire. Elles ont cependant le mérite, quand elles s’expriment, de donner une idée plus précise de la vision de l’opinion nationale.
Mais la suspicion n’est pas l’apanage des Algériens. Pour les milieux altermondialistes, la création de l’Africom sous la bannière de la « global war » contre le terrorisme est très directement liée au souci de contrôle des ressources énergétiques. Les futures guerres du pétrole auront lieu en Afrique, disent-ils, et l’intérêt que les Américains manifestent pour le continent africain n’est guère différent de celui qu’ils ont manifesté pour le Moyen-Orient, avec les conséquences que l’on sait.
Actuellement, les Etats-Unis importent 15% de leur pétrole d’Afrique et la part ne ferait qu’augmenter durant les prochaines décennies. L’Africom serait donc l’outil politico-militaire pour assurer un contrôle direct d’un continent devenu un élément de la sécurité énergétique des Etats-Unis.
Très symboliquement, les Etats-Unis ont choisi d’annoncer la création au moment où le président chinois achevait une grande tournée en Afrique. Manière de signifier au futur grand adversaire chinois que l’Empire s’octroie les moyens de créer une nouvelle chasse gardée ? Les officiels américains nient. Mais pour reprendre la fameuse formulation de l’alerte de l’ambassade américaine, « selon des informations non confirmées », les prochaines guerres du pétrole se préparent en Afrique…