Capitaux arabes, tropisme européen

Capitaux arabes, tropisme européen

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 9 juin 2007

On attendait les capitaux européens, mais ce sont les capitaux arabes qui viennent le plus. C’est le constat, un tantinet étonné, que font des responsables algériens à la lumière des chiffres récents sur l’Investissement direct étranger (IDE) en Algérie.

Les capitalistes arabes saisissent des opportunités en Algérie en évaluant de manière raisonnée le risque sécuritaire. Leur regard change par rapport à la dernière décennie. Culturellement, ils ne se sentent pas dépaysés et c’est un atout que les Algériens n’ont pas saisi. Nos voisins tunisiens et marocains l’ont compris depuis longtemps. En matière de quête d’investissements étrangers, ils n’ont pas le tropisme européen ou occidental qui a durablement marqué les décideurs politiques et économiques algériens.

Si les investisseurs arabes ont pris acte de l’évolution de la donne sécuritaire en Algérie comme de la libéralisation en marche de son économie, c’est plutôt en Algérie que les regards tardent à changer. Il a fallu, bien entendu, cette incursion arabe dans le domaine des télécoms pour que l’on se rende compte que des possibilités existent ailleurs qu’en Europe. Faut-il être surpris, comme le sont certains, que malgré l’accord d’association avec l’Union européenne, ce sont plutôt les capitaux arabes qui se manifestent ? S’il est évident que le capitalisme n’a pas d’états d’âme, ses détenteurs n’en baignent pas moins dans une culture. Les capitaux européens ont tendance à trouver plus « naturel » d’aller vers des pays européens de l’Est que vers le sud de la Méditerranée. Les capitaux arabes, eux aussi, pourvu que les législations nationales le permettent, pourraient aussi faire dans cette « préférence » culturelle qui existe bel et bien. L’Algérie pourrait en bénéficier en changeant – et c’est en cours apparemment – de regard sur les investisseurs arabes.

Bien sûr, on continue de leur reprocher, parfois avec mauvaise foi, de ne s’intéresser qu’aux services, à l’immobilier, au tourisme et à la téléphonie, mais ce sont des domaines où ils se sont spécialisés et il est normal qu’ils aient leurs préférences. Mais surtout pourquoi faire la fine bouche, par exemple, sur les 28 milliards de dollars d’investissements en dollars que projetterait Emaar, dès lors que des besoins existent en Algérie dans ces secteurs ? Ce n’est d’ailleurs pas une règle d’airain, les capitaux arabes s’investissent aussi dans le domaine industriel, comme c’est le cas pour le projet de réalisation du complexe intégré de production d’aluminium à Béni-Saf. Un projet de 5 milliards de dollars dans lequel un consortium émirati (Mubadala et Dubal) détient 70%. Orascom est également avec Sonatrach dans le projet d’ammoniac d’Arzew pour un investissement de 1,5 milliard de dollars.

L’on sait que les capitaux arabes (on parle de 500 milliards de dollars) sont en quête de diversification en raison des suspicions nées à leur encontre aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Il était pour le moins malvenu que le fameux tropisme occidental fasse rater à l’économie algérienne le seul effet collatéral « positif » du 11 septembre, celle d’une réorientation des capitaux arabes vers des destinations plus accueillantes. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’afflux de capitaux arabes et aussi chinois dans la région du Maghreb commence à susciter des interrogations, voire des inquiétudes en Europe. Ce n’est pas négatif que nos vieux partenaires de la vieille Europe découvrent que le terrain est également ouvert aux autres…