Pourquoi un procès par contumace pour Abderazak « le Para »

Pourquoi un procès par contumace pour Abderazak « le Para »

Djamaledine Benchenouf, 1 avril 2007
http://esperal2003.blogspot.com/

Les voies de la Justice algérienne sont décidément insondables. Il ne faut s’étonner de rien de tout ce qui la concerne. Pendant le procès Khalifa, tout le monde s’est étonné que des coupables avérés, et qui ont été à l’origine du détournement de plusieurs centaines de millions de dollars, n’aient pas été inquiétés de la plus petite manière. La réponse de la Justice et même du syndicat de la Justice, a été que la juge ne pouvait pas sortir de l’arrêt de renvoi. Tout le monde a reconnu que la Justice n’avait pas pu se faire, parce qu »il y avait « l’obstacle de cet arrêt de renvoi. » Sans plus de façons! Comme si l’arrêt de renvoi était un extrait authentique du Coran. Encore que celui-ci peut être sujet à interprétation. Aujourd’hui, pour l’affaire Saïfi Amari, alias « le para », on nous explique que ce monsieur sera jugé par contumace «car les procédures judiciaires engagées dans le cadre de cette affaire ont débuté avant que Aderazak le Para ne soit remis aux autorités algériennes et, donc, considéré comme étant en fuite». Le fait qu’il soit entre les mains des « autorités algériennes » ou plutôt de ses « services » ne change rien à la question. Il est toujours en fuite et sera jugé par contumace. Il ne pourra pas se défendre, ni faire devant la justice une quelconque déclaration. Prenez le comme vous voulez, mais considerez que ce monsieur est en fuite, même s’il se trouve dans les locaux des services de sécurité.

En réalité, dans l’affaire Khalifa, comme dans celle du Para, la Justice a été gravement violée, violentée, piétinée, éclaboussée et salie, et avec elle la Constitution et toutes les lois fondamentales de leur République de pacotille. Pour l’affaire Khalifa, des centres du pouvoir ont enjoint au juge d’Instruction, puis à la chambre d’accusation, de ne pas inquiéter certaines personnalités qui étaient mouillées jusqu’au cou, de ne pas pousser les investigations qui auraient pu établir la responsabilité d’ordonateurs occultes et d’en accabler d’autres dont l’implication ne semble pas avérée. Comme celle des Keramane. Ou celle du DG de la CNAS qui a reçu un ordre écrit du Conseil d’administration et un aval, tout aussi écrit, de son ministre. L’arrêt de renvoi, c’est ce travail fait par la chamre d’accusation, sur injonction des maîtres du pays. Comme cette histoire de Liquidateur qui fait incinérer des milliers de documents comptables, sans l’autorisation de la Justice, et auquel on ne demande pas de s’expliquer.

Dans l’affaire »el Para », si le profil de l’affaire est différent de celle de Khalifa, le fond en est le même, sauf que les tenants et les aboutissants en sont autrement plus graves. Oui, oui, beaucoup plus graves que les milliers de milliards de l’affaire Khalifa, aussi extravagant que cela puisse paraître. Parce que l’affaire d’ « el para »est extrêmement délicate pour tous ceux qui ont déclenché une guerre sans merci contre les civils, qui ont instrumenté le terrorisme et qui continuent de le télécommander, aux seules fins d’asseoir et de maintenir leur pouvoir sur le pays. Parce que l’affaire « el Para » est une des clés du massacre des dizaines de milliers de civils par la junte!

Amari Saïfi, alias Abederazak le Para dit Abou Haidara, passe pour être une créature du DRS. Cela n’est peut-être pas vrai. Mais cela est peut être-vrai! Jugez-en!
Avant de déserter de l’armée algérienne où il avait le grade d’aspirant, dans une troupe aéroportée d’élite, il passait pour un pistonné et en est même arrivé de brutaliser impunément ses propres supérieurs. On dit de lui qu’il était le fiancé de la fille du général Nezzar. Après sa désertion, sa première opération importante eut lieu en 1992, dans les monts du Z’barbar. En 1992. Pourtant, des informations indiquent que sur sa fiche militaire, sa radiation des cadres porte la date de 1998! En fait, il a rejoint, avec d’autres déserteurs de l’Armée, le GIA, en 1991. Le GIA, rappelons-le, dont on saura plus tard, par le Lieutenant Colonel Samraoui, entre autres, qu’il avait été crée de toutes pièces par le DRS. Tigha abonde dans le même sens et donne des détails troublants sur l’affaire des moines trappistes qui avaient été enlevés par le GIA, justement. Il ressort en tous les cas que ce groupe terroriste avait été fortement infiltré, pour le moins qu’on puisse dire. Rappelons également que le GIA s’était illustré de façon particulièrement cruelle, dans le massacre de populations civiles. Abderazak le Para y officiait en qualité d’entraineur en techniques de combat et de Chef artificier. En 1996, après les remous et les guerres intestines qui secouèrent le GIA, Abderazak le Para fut l’un des éléments qui furent à l’origine de la création du GSPC. Le GIA n’était plus viable. Le monde entier avait appris qu’il était manipulé par le DRS. Il fallait, selon toute vraisemblance, créer un groupe de rechange. A cette période, certains décideurs de l’Armée commencèrent à montrer leur hostilité à la stratégie du massacre des populations civiles. Certains le payèrent de leur vie. L’opinion internationale commençait à s’émouvoir et la stratégie de la terreur n’avait plus de raison d’être, y compris aux yeux qui l’avaient initiée: Les populations rurales qui étaient les principales soutiens des islamistes armés avaient été retournées à force de carnages, la campagne avait été vidée de sa population, toutes les forces sociales qui ne s’étaient pas ralliées de leur propre chef à la junte avaient été mises au pas, à force d’assassinats inscrits à l’actif des islamistes, comme ce fut le cas de journalistes, d’artistes, de personnalités populaires. Les soutiens internationaux de la junte, comme certains intellectuels, journalistes et autres philosophes se faisaient plus distants et des gouvernements « amis » appelaient à plus de retenue. Le massacre de Bentalha en 1997 marqua un tournant. Dès lors, la « péremption », extermination dans le jargon du DRS, devait se faire plus discrète, moins massive. Ceux qui compromettront le régime seront lâchés! Le GSPC, qui venait de naître, fit savoir qu’il ne s’en prendrait jamais aux civils. Mais il allait se rattrapper, en plus de ses attaques contre les forces de sécurité, dans le racket, la contrebande et le trafic de drogue. Trois monopoles des services de sécurité. Comme par hasard. Abderazak le Para passa maître dans l’art de faire de l’argent. Au point où cela lui valut l’animosité de ses chefs, mais néanmoins concurrents, comme Hassan Hattab. Il est éloigné de l’Algérois et de la Kabylie et se retrouve dans la région de Tebessa, qui couvre celle d’El Oued. Il devient le voisin de l’énigmatique Mokhtar Bel Mokhtar, l’Emir islamiste le plus mobile et le plus insaisissable du GSPC; Mais aussi des plus indépendants, puisque celui-ci ne reconnait pratiquement aucune autorité. Dès son arrivée à Tebessa, Abderazak le Para s’attaqua au puissant lobby Soufi qui a la réalité du pouvoir sur le GSPC de l’Est. Il réaménage par des purges sanglantes le staff de l’organisation et prend en main le contrôle de la contrebande, dont la région est la plaque tournante. Tout y transite, denrées alimentaires, importations frauduleuses en provenance du sud-est asiatique et qui transitent par la Tunisie avant d’entrer frauduleusement en Algérie par les postes des GGF, Kif, cheptel, friperie etc. Les gros trabendistes de Bir El Ater, riches en centaines de millions de dollars, associés à des personnalités tunisiennes proches de la famille et de la belle famille du Président Tunisien, avaient mis en place un réseau très efficace qui consistait, par le moyen de fausses domiciliations, de faire sortir du pays d’énormes sommes d’argent, pour pouvoir payer cash leurs importations. Le système, bien rôdé existait depuis la fin des années 80. Plusieurs Banques avaient été instrumentées pour cela. De très hautes personnalités du régime couvraient ce trafic et en profitaient par l’intermédiaire de prête-nom de Bi El Ater, Tadjenanet, Blida, Mohammedia et autres bastions du trabendo, pour faire transférer les fortunes qu’ils avaient amassées dans le pays, vers leurs comptes bancaires de Suisse et d’ailleurs. Le GSPC n’était pas en reste et utilisait la même filière et les mêmes méthodes, pour transférer son trésor de guerre vers l’étranger, en bonnes devises délivrées par les banques algériennes. Une même filière pour exporter de l’argent en devises pour les terroristes, les trabendistes et les Chefs de l’Armée. Le scandale des fausses domiciliations qui éclata en 2001 et qui entraîna l’arrestation et l’inculpation de plusieurs notables, fut étouffé dans l’oeuf. Quelques lampistes furent, comme d’habitude, jetés en pâture à la presse, les principaux accusés, dont le fameux Menas, furent relaxés, et on ne parla plus de l’affaire. Une affaire qui en révéla d’autres, puisque il s’avéra que les mêmes réseaux de contrebande financaient le GSPC. C’est à cette occasion que se révéla l’incroyable complicité entre des membres d’un monde interlope, des barons du régime, des notables tunisiens, des trabendistes de tout bord, des responsables de la GGF( Gendarmerie Garde Frontières), des officiers supérieurs du DRS, des patrons de banques et des terroristes du GSPC, dans un réseau de contrebande de très grosse ampleur et de transferts illégaux de fonds vers l’étranger. A la même période, Abderazak le Para décida d’attaquer le poste frontalier tunisien de S’raï. Pour imposer, dit-on, sa vision de la coopération. Mais son attaque était attendue de pied ferme par les Tunisiens. Le GSPC laissa cinq hommes sur le carreau, eut plusieurs blessés et dut abandonner sur place un lot relativement important d’armes et de munitions. On ne sait toujours pas pourquoi Abderzak le Para, qui avait conclu un deal avec les Tunisiens, avait décidé soudainement de les attaquer. Mais on sait que ce sont des trabendistes qui collaboraient avec lui qui avaient vendu la mèche aux Tunisiens. Il comprit la leçon et ne repeta plus l’expérience. Quelque temps plus tard, le Sénateur Boudiar qui revenait de Tunisie à bord de son véhicule, fut enlevé par le GSPC, en compagnie de deux de ses associés, dont le très énigmatique Moussa Mesbah, richissime homme d’affaires d’origine d’El Oued, très lié aux patrons de la SM et de la GGF. Bizarrement, celui ci, très obèse et qui ne pouvait faire quelques pas sans s’essouffler, réussira à s’enfuir en plein maquis. Plus bizarrement encore, ce Monsieur qui se trouvait, quelques mois plus tôt, à bord d’un véhicule en compagnie d’un capitaine de la Sécurité militaire, sur la route entre Tebessa et Bir El Ater était tombé sur un faux barrage tendu par des « terroristes » non identifiés. Le capitaine y fut assassiné et Moussa Mosbah avait réussi …à s’enfuir. D’un faux barrage tendu en rase campagne! Un As de l’évasion. C’était lui qui avait invité le capitaine à l’accompagner. Ce capitaine avait déclenché une enquête sur certains officiers de la SM et de la GGF sur leur implication dans les réseaux de contrebande. Une enquête qui avait été diligentée par le haut commandement à la suite de son assassinat fut interrompue et classée sans suite. Beaucoup de choses ont été dites par la presse sur les causes de l’enlèvement du sénateur Boudiar. Certains journalistes qui avaient réussi, à force d’investigation, à obtenir des informations capitales, se virent opposer une fin de non recevoir par leurs rédactions respectives. Leurs articles n’étaient pas publiables. En fait, parce que Abderazak le Para n’avait enlevé le Sénateur que parce que celui-ci et le réseau de grosse contrebande avec lequel il travaillait n’avaient pas honoré l’ardoise qu’ils devaient au GSPC. Les gros importateurs de Bir El Ater qui faisaient passaient chaque nuit leurs containers par les postes des GGF, jouissaient également de la protection du GSPC, lorsqu’ils empruntaient les chemins détournés, en plein maquis. Ils devaient payer la dîme aux uns et aux autres. C’est parce que ces dettes n’avaient pas été honorées que le Sénateur fut enlevé. Il ne fut relâché que lorsque les « dettes » furent payées.
C’est ainsi que durant tout le temps que dura la présence de Abderazak le Para dans la région de Tebessa, la contrebande carbura à plein tubes. Tout le monde trouvait son compte. Les affectations d’officiers dans les postes de GGF de la région se vendaient à prix d’or. El Oued qui était une autre plaque tournante du trafic de kif et de cigarettes de contrebande activait dans la même logique, avec une extension sur le grand sud, tenu par Mokhtar Bel Mokhtar. C’est ainsi que se noua, tout naturellement, une relation très fructueuse pour les deux hommes. Particulièrement pour Abderazak le Para qui devait honorer rubis sur l’ongle, de nombreuses relations dans les services de sécurité. Et c’est ainsi que cet émir d’un genre très particulier a pu profiter des réseaux de grosse contrebande et de leur intimité avec les services de sécurité et de surveillance du territoire, pour amasser un trésor de guerre et l’exfliltrer vers des comptes bancaires à l’étranger. C’est de cette manière également qu’il déborda progressivement vers le grand sud, où il put prétendre à une part du gâteau dans le trafic intense de la cigarette de contrebande et dans celui du kif, tous deux tenus par des généraux de l’armée algérienne.

Mais au Sahara, en contact avec le groupe de Mokhtar Bel Mokhtar, acquis aux idées Djihadistes et dont on dit qu’il avait noué des relations avec El Qaeda, le Para allait prendre du grade. C’est en cette période que Abderazak le Para commença à se poser en Chef incontournable de tout le GSPC. C’est à cette période qu’il décida de prendre en otage les 32 touristes européens. Cela consistait à réussir plusieurs coups en une seule action d’éclat. Cela devait servir à supplanter définitivement son concurrent, Hassan Hattab, à demander une forte rançon, à faire parler de lui dans le monde entier et à entrer de plain pied dans la boutique djihadiste. Mais cela a aussi et surtout l’avantage, de tomber curieusement à pic avec les désirs les plus intimes du DRS de faire passer le GSPC pour une menace contre l’occident, une base stratégique de premier plan qui ne manquerait pas d’être exploitée par El Qaeda et tutti quanti. A ce moment-là, les Néos-Cons américains semblaient découvrir la redoutable efficacité des Services algériens contre le terrorisme. A ce moment-là, comme par hasard, les évènements se précipitèrent et Abderazak le Para décida de déclencher cette action contre les touristes européens. Contre l’avis de Mokhtar Bel Mokhtar et en dépit de tout bon sens, car cela ne pouvait pas lui être favorable, à terme. Les tergiversations des services algériens, leur souci affiché de ne pas mettre en péril la vie des otages et les pressions des occidentaux sur l’Algérie et le Mali pour ne pas déclencher d’action armée intempestive contre les preneurs d’otages, allaient laisser le temps au GSPC de faire admettre à l’opinion internationale, l’image d’une organisation terroriste de grande ampleur, susceptible de représenter un menace sérieuse pour l’occident. Abderzak le Para déambula ainsi dans le Sahara et le Tibesti, pendant des mois, semblant narguer l’Armée algérienne et celle des pays frontaliers, dictant des conditions et des exigences, pour enfin relâcher les otages qui n’avaient pas encore été libérés, en contrepartie d’une forte rançon. Sa capture par un mouvement rebelle tchadien, le MDJT, a posé plus de problèmes qu’elle n’en a réglé. Personne ne voulait de Abderazak le Para. Le MDJT en est arrivé presque à supplier les Algériens de le récupérer.

Les récents attentats du GSPC en Kabylie, comme ceux qui ont été perpétrés en Tunisie et au Maroc, ainsi que les professions de foi djihadistes et Quaedistes du GSPC, sont une suite logique de ce qui se trame pendant des années. Une logique qui tente, vaille que vaille de faire accréditer la thèse d’une dynamique djihadiste internationale en Algérie, et par conséquent de suggérer le recours à la seule force qui puisse la terrasser, comme, celle des Services de sécurité algériens!

Pourquoi alors vouloir juger Abderazak le Para par contumace? Alors qu’il est l’invité du DRS? Depuis plus de deux ans! En violation de la Loi, y compris des mesures d’exeption de l’Etat de siège. Il avait déjà été jugé et condamné, une première fois, par contumace, en avril 2005, alors qu’il se trouvait dans les locaux du DRS. En villégiature de luxe selon certaines informations. Mort et entérré, selon d’autres. Pourquoi le DRS refuse t il de le livrer à la Justice, après l’avoir gardé si longtemps? Alors que celle ci lui obeit au doigt et à l’oeil et qu’il peut obtenir d’elle qu’elle le condamne ou qu’elle l’absolve! Qui a décidé de la faire juger en ce moment précis, alors qu’il aurait été plus simple de laisser courir? Qu’est devenu Hassan Hattab? Si ce dernier est encore vivant, pourquoi a-t-il été relâché dans la nature, alors qu’il était l’invité de marque du DRS, pendant des mois. Presque ouvertement. Pourquoi Abderazak le Para n’a t il pas bénéficié des mesures amnistiantes de la charte pour la Reconciliation? A-t-on peur que des révélations compromettantes ne filtrent à la faveur d’un proçes public? Est ce pour ne pas gêner l’Allemagne qui évite soigneusement de parler de demande d’extradition, alors qu’elle a été contrainte de payer une rançon et que l’un de ses ressortissants est décedé pendant qu’il était gardé en otage. Sachant que le DRS n’acceptera jamais que Abderazak le Para ni un quelconque émir puissent être exflitrés vers une démocratie occidentale, même si toutes les conditions d’extradition sont réunies.

Toutes ces questions resteront pour le moment sans réponse! Parce que ceux qui détiennent la réalité du pouvoir occulte ont encore les cartes en main. Parce qu’ils font de l’Algérie et de sa population ce qu’ils veulent sans que personne ne puisse les en empêcher. Pour le moment. Mais les réponses à ces questions finiront par éclater au grand jour. Tout comme les nombreuses autres qui restent à élucider, et dont les réponses ne manqueront pas d’éclairer d’un jour nouveau le vrai visage des généraux et de leurs sbires!
Djamaledine BENCHENOUF