Libye : Comment l’OTAN s’approprie nos frustrations et prépare l’UPM

Libye : Comment l’OTAN s’approprie nos frustrations et prépare l’UPM

Zineb AZOUZ, 26 Août 2011

Il y a les révolutions dont on rêve, et celles qu’on n’aurait jamais soupçonnées, il y a les révolutions qu’on espère et celles qui ne viennent jamais, mais il y a surtout en ce moment sur le bassin de la méditerranée et spécialement en Libye des évolutions inexcusables et une situation de guerre telle, que parler de révoltes populaires ou de révolutions par l´entremise de bombardements aveugles de l’OTAN parait un tant soit peu osé, téméraire et malhonnête.

Qu’il soit clairement dit, personne ne peut cautionner, ni soutenir les régimes arabes, qui à l’unanimité sont illégitimes, corrompus, oppresseurs, sanguinaires et sans d´autre projet que leur pérennité en confiant le pouvoir acquis par la force ou la ruse à leur progéniture dépravée.
Kadhafi, comme avant lui Hafez El Assad, Hosni Moubarek ou Saddam Hussein rêvait de voir un héritier prendre sa succession.
Ce n’est pas tant le devenir du dictateur sanguinaire de Tripoli, parachuté il y a près de quarante deux ans de Londres qui interpelle,  ce dernier comme tant d’autres monstres de l’histoire n’aura fait qu’offrir à l’impérialisme pillard sa pire revanche, revenir par la grande porte pour paraît ils sauver ces captifs de Libyens de l’artillerie et des milices de leur guide de président, ce qui interpelle mais ce qui inquiète au plus haut point c’est le devenir de toute une région et de tout un peuple pris au piège entre les tirs croisés et les feux impitoyables de ses suzerains et les appétences morbides d’un ordre mondial, version Sarkozy et BHL, pour ne parler que de ses faces les plus visibles et qui est à la recherche de vassaux soumis et redevables, prêts á sauvegarder leurs intérêts et á appliquer avec zèle leur feuille de route.

Depuis la chute du mur de Berlin et l´effondrement du communisme, tout porte á croire que le nouvel objectif ne pouvait être que l´Islam. Religion jugée incompatible avec la liberté et la démocratie et qu´il faut á tout prix combattre afin de préserver l´ordre des puissants.
Une fois cet objectif clairement désigné, plus rien ne pouvait arrêter la machine mise en branle. Du choc des civilisations cher à Samuel Huttington à la configuration d´un Grand Moyen Orient inspirée par Candy Rice, toute une batterie de dénigrement, d´accusations et de provocations a été mise en œuvre pour préparer l´opinion á adhérer á cette nouvelle croisade, allant des caricatures contre le prophète Mohamed á l´invasion de pays souverains.
Le cas de l´invasion de l´Irak sur la base d´accusations mensongères, en dépit des protestations des citoyens et au mépris du droit international, n´a pu avoir lieu que grâce au concours et au conditionnement des médias, ainsi que par la complaisance de la communauté internationale.
A contrario, les tchétchènes et les palestiniens peuvent se faire massacrer, personne ne lèvera le petit doigt pour eux. Ainsi va la justice à géométrie variable en Occident.

Un Occident qui se dote de résolutions frelatées et concoctées sur mesure pour venir jouer, via son OTAN, à l’urgentiste humanitaire, en bombardant à l’uranium appauvri, tuant des civils, organisant des chasses à l’homme et semant le chaos sous prétexte de venir sauver des vies humaines.

L’objectif de L’OTAN et des rebelles armés par ses soins n’est pas de changer de système mais de tuer un Président quand bien même tyran, pire comme nous allons le voir, le but est d’envahir un pays et de le piller de ses richesses.

Toutes les attentions, les énergies, les frustrations et les haines sont orientées contre un individu et sa famille, ne laissant point de place à l’analyse et aux questions qui fâchent et surtout ne laissant point d’opportunités aux peuples de se libérer et de s’émanciper loin des influences et des aides conditionnelles d’un occident qui dispose de plus d’un moyen pour aider les dynamiques populaires et contribuer à instaurer des démocraties.

Pour être capable de discerner des faits – notamment des faits de guerre -, il faut avoir accès aux informations de sources diverses et surtout indépendantes. Il faut procéder á des recoupements et des comparaisons, or actuellement seules les informations de la coalition ont la primauté, ainsi les informations distillées sur cette « révolution » ne proviennent que des canaux de ceux qui font la guerre du côté de l’OTAN.

Les journalistes indépendants Mahdi Nazemroaya et Thierry Meyssan sont menacés de mort à Tripoli alors qu’ils font leur devoir de journalistes de nous informer sur ce qui se passe, hors de la propagande abjecte déversée par les médias aux ordres de l’occident et des pays du Golfe et cela bien sûr n’émeut personne à part quelques personnalités peu crédibles paraît il, comme Silivia Cattori ou Michel Collon.

Ce qui se passe en Libye est trop grave pour être naïvement vécu comme la victoire d’un peuple sur un tyran ou comme une simple convergence anodine et conjoncturelle entre les intérêts de l’OTAN et ceux du peuple Libyen.
Car les intérêts de L’OTAN, seul l’OTAN les connaît, et il n’est point dans ses intérêts d’ailleurs d’installer une démocratie en Libye.

Des non dits et de ce que ne dira jamais l’OTAN sur Kadafi

Il ne s’agit ni de libérer le peuple ni d’émanciper les citoyens, si la Libye ne détenait pas toutes ces richesses, l’OTAN n’aurait jamais pris la peine de lever le petit doigt.
L’OTAN est en guerre pour assujettir un pays et disposer de ses richesses, car depuis que Kadhafi a relancé en 2009 à Doha son idée de Banque Africaine et surtout de monnaie unique, le Dinar en or, il est devenu une cible à abattre, ce qu’il a proposé en fait est pire que toutes les armes de destruction massive, le Dollar, la Livre sterling et même l’Euro n’ayant pas leur équivalents en or dans les banques centrales respectives, exiger d’eux de payer le Pétrole et les richesses africaines en or, c’est tout simplement la fin d’un règne de spoliation et d’asservissement et la mort avant tout du Dollar américain, seul gagnant au change.
Les pays Africains transformeraient leur pétrole en véritable richesse, à savoir en or, et pas en Dollars très vite récupérés par la haute finance et les bons du trésor américains, ces pays disposeraient alors de leurs propre système monétaire et pas des moindres.

Invasion, terreur et propagande.

Pour bien asseoir le décor, préparer l’opinion, mettre toutes les chances de son côté, car depuis Guillaume II, il faut avant tout anoblir les guerres, diaboliser au maximum les adversaires et ne jamais avouer au grand public naïf, émotif et suiviste les véritables motifs de l’adversité.

Ainsi l´épouvantail Kadhafi, comme Saddam Hussein avant lui, est présenté comme le diable fou, l´incarnation du mal personnifié, l’homme faisant l’objet de toute une construction médiatique, voué aux gémonies et tombé en disgrâce en un temps record,

Tels des cowboys en plein délire, ils se sont arrangés pour rallier non seulement leurs médias lourds, mais aussi, et c’est une première, l’un des médias les plus écouté dans le monde arabe, la chaîne qatarie El Jazeera, (le Qatar fait partie de la coalition anti-Kadhafi et a été avec le Koweit le premier financier du CNT), celle qui a toujours bercé l’illusion d’une presse libre, antisioniste et sans fil à la patte. Pourtant Qatar et ses missiles américains pointés contre l’ennemi de l’axe du bien vient de rentrer de plein pieds dans la coalition des plus blanc que blancs.
Les experts ne laissent rien au hasard, tout y est, mensonges, propagande et désinformation, l’essentiel est que le message passe et que la pilule amère soit avalée par l´opinion arabe.
Après la supercherie wikileaks, voila que Facebook s´invite à la nouvelle forme de guerre médiatique pour déclencher les révolutions, soutenir les soulèvements et redessiner les cartes du Grand Moyen Orient où les états nations se substitueront aux états laïques , moins regardant vis á vis de l´entité sioniste.

Un montage studio minutieusement opéré, se nourrissant du dit printemps arabe, des aspirations des « citoyens » de cette région à respirer la liberté, de leur rage et de la notre, mettant en exergue les souffrances plus que béantes du peuple libyen, a permis une campagne sans précédent contre ce Kadhafi cynique, milliardaire aux allures de fou à lier et qui continue de traiter son peuple de « rats » et de lui promettre les pires exactions que sont l’asservissement, la terreur et les massacres.
Quoi de plus aisé pour faire l´unanimité afin de faire cesser les massacres et se débarrasser du tyran qui imposait à son peuple une dictature de feu et de sang !

Tel un leitmotiv, ce credo ne laisse aucune place à l’analyse, et de facto tout avis un tant soit peu nuancé est non seulement considéré comme suspect mais son auteur est systématiquement accusé de vouloir couvrir les crimes de Kadhafi, lesquels crimes ne datent pourtant pas d’hier.

Et dire qu´il n´y a pas longtemps, le guide libyen était encensé par ceux là même qui lui font la guerre aujourd’hui, Sarkozy y planta même une tente en l´honneur de son invité extravagant.

Le monde entier semble entrer en transe et même les plus avisés, frustration oblige, jubilent à l’idée de voir Kadhafi capturé et pourquoi pas pendu sur la place publique, c’est ainsi qu’on libère les peuples, surtout ceux disposant d’or et de pétrole.
Tout le monde se met à rêver et à fantasmer sur le départ de « son dictateur » et sur ces interventions presque messianiques.
La haine supplante l’analyse et le fantasme supplante l’effort et l’objectivité.

Pourtant, dès les premières semaines de la « rébellion », l’ONG Human Right Watch (HRW) d’origine américaine, signale que la « rébellion » libyenne se livre à de graves exactions contre les civils des régions qu’elle contrôle : passages à tabac, saccages de biens, incendies de maisons, pillages des hôpitaux, domiciles et commerces…Mais s’agissant de bons alliés, et pour ne pas gâcher la fête, l’information de HRW sera publiée au conditionnel (« des incidents auraient eu lieu »)1

Personne ne veut savoir qu’un despote peut en cacher un autre !

L’OTAN et les médias lourds qui ont menti à propos de la Yougoslavie, de l’Afghanistan, de la Somalie, du Soudan et de l’Irak, n’ont aucune raison de nous dire la vérité à propos des véritables objectifs de cette nouvelle guerre en Libye, une guerre dans laquelle Kadhafi est en réalité un épouvantail, son seul tort est de vouloir diriger et disposer seul d’une une fortune trop importante pour qu’on le laisse en place.

L’embargo levé et l’étiquette d’Etat voyou déchirée, les sommes colossales dont disposait cet homme et ce pays, l’or (140 tonnes pour à peine 6 millions d’habitants), le pétrole et les fonds à l’étranger sont capables de déstabiliser plus d’un marché, voire de destituer plus d’une monnaie.
Si seulement Kadhafi s’était contenté de placer son argent et de quadriller les immigrés clandestins, il n’en serait pas là aujourd’hui.

Ainsi, pendant que les médias bombardent les consciences, l’OTAN frappe, et il n’est surtout pas question dans cette énième guerre propre de parler des plus 20.000 raids aériens dont 8000 par bombes et missiles, des chasseurs-bombardiers qui larguent des bombes à guidage laser d’une tonne, dont les têtes pénétrantes à l’uranium appauvri et au tungstène peuvent détruire n’importe quel édifice renforcé.

On ne nous dira pas non plus, que toujours dans le but de venir en aide à la population, on bombarde par exemple le siège de la télévision de Kadhafi au mépris des lois et des conventions mais surtout en faisant fi des civils massacrés sur place.

Pourtant le pire dans cette guerre, et c’est ce qu’il faut comprendre, c’est que voyant que cette dernière a trop duré sans « résultats », la logique du noir ou blanc, avec ou contre l’OTAN ayant vite atteint ses limites, l’OTAN est passé à des actions de type terroristes, et que les vierges effarouchées ne viennent pas s’offusquer, même le ministre britannique n’a pas nié la présence des forces spéciales parmi la population.

Beaucoup de Libyens ne rêvent que de se débarrasser de Kadhafi mais sont totalement opposés à la présence de l’OTAN, ceux là, et face aux dérives et aux bavures de l’OTAN cherchaient surtout à fuir les combats, on l’a bien vu, même El Jazeera n’a pas pu cacher ces villes vides récupérés par les rebelles.

Face à ce danger, il fallait terroriser la population hésitante, l’affamer et montrer l’exemple, ainsi l’OTAN n’a pas hésité à bombarder en plein mois de Ramadhan des centres de distributions alimentaires, des centrales électriques, et tenez vous bien, des villages de pêcheurs.
Au nom de quelle résolution quatre missiles ont été lancés sur le famille du fils Kadhafi ? Est-ce cela la guerre humanitaire !

Le but est de faire peur, de semer la frayeur, comme il y a deux jours où sommairement l’OTAN reconnaît avoir tué pas moins de 85 civils, un détail face à la victoire décriée partout, victoire de qui contre quoi au fait !
Celle du peuple contre Kadhafi en fuite ? Celle de l’OTAN sur Kadhafi qui menaçait de faire sa propre devise en or au détriment du Dollar dont tout le monde sait qu’il est tout sauf une monnaie ? Celle de l’UPM contre l’union Africaine ou l’union du Maghreb ?

Au moment où Israël bombarde des civils sans patrie, emprisonne et torture des adolescents, tire sur les flottilles pacifiques, les notables de l’OTAN ne s’émeuvent pas outre mesure.
Il va de soit que ce n’est nullement une raison pour excuser ou tolérer les crimes de leurs voisins arabes contre leurs peuples, mais il y a de quoi se demander pourquoi tant d’émotions et de larmes de crocodiles en Libye et en face, tant d’autisme devant les cadavres Palestiniens, et pas seulement, le monde aurait il oublié la brutalité des répressions au Bahrein sous les balles des mercenaires Saoudiens ?

Pour avoir un avant goût de l’après Kadhafi, qui sera entre les mains de ces opposants indéfiniment redevables à l’OTAN sioniste, écoutons à partir de Londres l’opposant Ahmad Chibani, fils d’un ancien ministre de Senoussi qui ne s’est pas géné pour accorder un entretien au quotidien Haaretz et lui déclarer que la Libye de l’après Kadhafi œuvrera pour faire cesser la contrebande d’armes vers la bande de Ghaza via l’Égypte.

Si on ne se donne pas les moyens de décrypter une guerre d’abord pour ses objectifs et non pas pour ses résultats immédiats, nous resterons les esclaves de ceux qui ont des stratégies et des schémas à long terme, nous hypothéquerons nos enfants et notre avenir et nous livrons sans résistance nos pays à des prédateurs sans visage.

Ce qui se passe en Libye a toutes les chances de se reproduire demain ailleurs, et plus vite qu’on ne l’imagine.