Un « amour » de G8
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 28 mai 2011
Le G8 a si peu de choses à dire aux Palestiniens qu’il a choisi de saluer comme un «pas important» le récent discours de Barack Obama sur le sujet. Comme il s’agissait d’un discours nébuleux – mais mis au net par le même Obama devant l’AIPAC -, le message du G8 est une plaisanterie de mauvais goût supplémentaire à l’adresse des Palestiniens.
Mais le G8 a des choses à dire et à «offrir» aux révolutions arabes. Ce n’est pas grand-chose en vérité, quarante milliards de dollars d’investissements pour devenir actionnaire du «futur» arabe qui s’est enclenché, sans attendre le feu vert de Washington ou de Londres. On ne peut reprocher aux Tunisiens et aux Egyptiens d’accepter les aides financières dont ils ont besoin. En revanche, les sociétés qui se sont mobilisées pour bousculer les dictatures et qui tentent de s’organiser ne peuvent être amnésiques. Ces Etats puissants – réunis dans l’Otan – ont été pendant de longues décennies les ennemis des libertés et les amis des dictatures. Qu’ils puissent aujourd’hui s’ériger en donneur de leçons est déplaisant, mais cela fait partie du jeu de la propagande habituelle.
Les vieux amis de Kadhafi n’ont pas d’états d’âme aujourd’hui à lui indiquer la porte de sortie et même à chercher à l’abattre physiquement. Les soudaines sollicitudes des Etats occidentaux doivent être appréhendées froidement. Dans le meilleur des cas, on peut estimer qu’ils s’adaptent aux changements en cours dans le monde arabe pour préserver leurs intérêts. Il n’est rien de plus normal que des Etats défendent des intérêts bien compris dans la région.
Mais qui peut croire un seul instant que ces Etats se contentent de cela ? Le soutien apporté au «printemps arabe» a aussi pour but de le stériliser, de le contenir et de l’empêcher d’aller vers la remise en cause d’un ordre qui ne se contente pas de préserver des intérêts légitimes. Les révolutions dans le monde arabe doivent-elles, par exemple, remettre en cause des situations acquises et procéder au réexamen des accords conclus avec les Occidentaux ? Les nouveaux régimes peuvent-ils envisager une reconstruction hors du dogme ultralibéral imposé au monde par les Occidentaux ?
Une révolution est, en théorie, l’opportunité pour explorer d’autres possibilités réalistes et de rompre avec les recettes toutes faites qui aboutissent en définitive à seulement changer les «visages de ceux qui dirigent».
L’étreinte des puissants est d’autant plus risquée que l’avenue Bourguiba et la place Al-Tahrir commencent à inspirer des jeunes Européens, à l’image, fort significative, de ce «mouvement des indignés» de la Puerta del Sol en Espagne.
L’objectif de stérilisation du «printemps arabe» s’accompagne logiquement d’une volonté de le déconnecter de la cause palestinienne. Comme si les Palestiniens qui mènent leur lutte depuis des décennies vivaient dans une autre planète et comme si leur cause n’était pas l’un des moteurs du soulèvement des jeunes Arabes. Aucune aide n’est désintéressée, et à l’aune de l’Histoire, celle des Occidentaux moins qu’une autre. Les acteurs des sociétés arabes en mouvement ne peuvent oublier cette réalité.