L’altération de la fonction présidentielle en Algérie

L’altération de la fonction présidentielle en Algérie

Boubekeur Ait-Benali, 15 juin 2013

La volonté des décideurs de gérer le pays dans l’opacité condamne le pays à subsister péniblement. Malgré les richesses dont dispose le pays, force est d’admettre que le système, miné par la corruption, hypothèque l’avenir de l’Algérie. Du coup, en voulant se pérenniser vaille que vaille, à travers l’organisation de la succession de Bouteflika en dehors du peuple, le régime risque de plonger le pays dans une crise abyssale. À ce titre, la vidéo du 12 juin 2013, diffusée par l’ENTV en vue de soi disant rassurer l’opinion, ne changera rien au fond du problème.

En tout cas, même s’il est un secret de polichinelle que le pouvoir, en Algérie, a été confisqué en 1962, personne n’imagine, un demi-siècle après l’indépendance, que le degré de mépris au peuple puisse atteindre ce niveau. En effet, après 50 jours d’hospitalisation du chef de l’État, le pays est géré par le mensonge et la rumeur. Et pourtant, le droit de connaitre la vérité, il ne serait-ce que sur l’état de santé du chef de l’État –le peuple, dont l’échine est pliée sous l’emploi systématique de la violence [le ministre de l’Intérieur justifie cette répression comme d’autres idéologues de la colonisation ont expliqué le phénomène de la « colonisabilité » des indigènes] ne réclame pas jusque-là le droit d’être associé à la gestion des grands dossiers –, est une chose banale dans les pays qui respectent le mandat du peuple.

Encore une fois, la maladie de Bouteflika ne doit pas être exploitée à d’autres fins. Du coup, si les appels à l’intervention de l’armée ne sont pas sérieux, la préparation de la succession de Bouteflika dans l’opacité perpétuera un système injuste. Tout compte fait, et à moins d’une année du rendez-vous présidentiel, la question que se pose le citoyen lambda est de savoir si cette élection différera des précédentes. Il va de soi que le verrouillage de la communication entourant la maladie du chef de l’État ne présage pas une succession ouverte. Et s’il n’y a pas un engagement sérieux de la société, le futur président sera adoubé par le régime en place. Car bien que la constitution reconnaisse le suffrage universel, les dirigeants inamovibles ont transformé la République en monarchie.

Malheureusement, dans l’état actuel des choses, les Algériens dorment –et c’est le moins que l’on puisse dire –sur leurs deux oreilles. Bien que le lien entre le dirigeant et le citoyen soit rompu depuis des lustres, ce régime est rarement inquiété. Mis à part la parenthèse des années 1990 [allusion au processus électoral] où le peuple algérien a rejeté ce système –hélas, le choix, bien qu’il soit respectable, a été fait en faveur d’un parti extrémiste –, le régime et ses alliés coulent des jours paisibles. Depuis cette expérience, hormis le FFS qui a tiré et tire encore la sonnette d’alarme, la pseudo-opposition garde toujours des liens étroits avec un clan du pouvoir. À titre d’exemple, l’acharnement des communistes du MDS ne vise qu’à abattre le clan du pouvoir le moins éradicateur. C’est comme si, selon eux, la démocratie ne peut grandir qu’en excluant une frange importante de la société.

De toute évidence, ceux qui se focalisent sur le départ de Bouteflika, en invoquant l’article 88 de la constitution, ne s’attaquent qu’à une partie infime du problème. De la même manière, la stratégie qui consiste à vendre une candidature, sans que le candidat mouille le maillot, est une fausse solution. En revanche, si les Algériens veulent bâtir un pays juste, ils devront opter –à l’exception des candidats du régime, responsables de la déliquescence de l’État –pour le candidat de leur choix. Cela dit, leur mission ne doit pas pour autant s’arrêter là. Il faudra qu’ils rappellent en permanence au nouveau chef de l’État, dans ce cas-là le président de la République, que s’il est à ce poste, c’est parce que le peuple lui a donné ce mandat.

Dans ce cas de figure, le président ne sera qu’un simple citoyen chargé d’œuvrer, tout au long de son mandat, dans l’intérêt général. Et s’il n’est pas à la hauteur de la tâche ou s’il ne satisfait pas l’opinion majoritaire, le peuple ne lui renouvèlera pas sa confiance. Ainsi, qu’il porte une djellaba, un burnous ou un costume, si l’Algérie opte pour la suprématie de la fonction présidentielle –à entendre par là que le chef des services secrets est un simple fonctionnaire de la République –, le président devra rendre des comptes à la fin de son mandat. Hélas, en Algérie, pour l’instant, cela relève de l’utopie. Mais si les Algériens veulent être maitres de leur destin, ils devront œuvrer dans ce sens. D’ailleurs, l’histoire nous a enseigné que lorsqu’un pays est dirigé par un clan ou attend un homme providentiel, son avenir sera compromis.

Ait Benali Boubekeur