Affaire El Khabar: Grine s’explique, Rebrab dénonce

Affaire El Khabar: Grine s’explique, Rebrab dénonce

par Mahdi Boukhalfa, Le Quotidien d’Oran, 4 mai 2016

Le ministre de la Communication, Hamid Grine, s’est défendu hier mardi, journée internationale de la liberté de la presse, de politiser l’affaire du journal El Khabar dont la cession d’une partie des actions à l’homme d’affaires Issad Rebrab avait été dénoncée et soumise par son département à la justice pour trancher sur cette transaction. L’action du ministère avait suscité moult incompréhensions au sein de l’opinion publique, alors que le tribunal de Bir Mourad Rais avait lundi renvoyé l’affaire. «Que ce journal considère que c’est une affaire politique, c’est son affaire», a indiqué le ministre lors de son passage à la radio chaîne 3. Il précise: «mais, en tant que ministre, je dois faire respecter les lois de la république», estimant que «cette transaction n’est pas conforme aux lois de la république». Hamid Grine, ancien journaliste sportif à Horizons, passé par l’école de «Revaf» et auteur de plusieurs ouvrages, dont un sur Lakhdar Belloumi, s’explique: «je n’ai aucun problème avec M. Rebrab, ce n’est pas une affaire personnelle», mais «c’est une affaire de droit (et) je considère que cette transaction n’est pas conforme à la loi. Pour le reste, c’est à la justice de décider». Il ajoutera sur ce dossier que «si elle (la justice, NDLR) décide du contraire, que la partie adverse se plie aux décisions de la justice».

Pour sa part, Issad Rebrab a dénoncé hier mardi un «coup de force» des autorités contre la presse indépendante. «On ne veut pas de presse ayant une ligne indépendante du pouvoir», a estimé M. Rebrab dans une déclaration à l’AFP. La procédure introduite en justice «est une décision politique, un coup de force contre la presse indépendante», a-t-il martelé. «Nous avons scrupuleusement respecté la loi», a affirmé l’homme d’affaires. «Soit il y a une justice et elle s’appliquera. Soit il y a un déni de justice c’est à ce moment-là le fait du prince et ils feront ce qu’ils voudront», a-t-il remarqué. Il a appelé la presse «nationale et internationale» qui célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse à «se mobiliser contre le fait du prince et contre l’injustice». «Liberté a été créé avant Cevital et appartient à l’entreprise SAEC dont je suis personnellement le principal actionnaire et c’est Ness-Prod (filiale de Cevital) qui a racheté El Khabar», a encore expliqué M. Rebrab. Il conteste aussi les dispositions d’un autre article qui lui est opposé et qui stipule que «dans le cas de vente ou de cession de la publication périodique, le nouveau propriétaire doit demander un agrément». «Le propriétaire reste toujours la société El Khabar dont les actionnaires ont cédé une majorité des parts», s’est défendu M. Rebrab en ajoutant que «ceux qui sont à la solde du pouvoir possèdent plusieurs journaux et télévisions sans le moindre problème». La direction d’El Khabar avait déjà affirmé agir «en toute légalité» et dénoncé «l’acharnement» du gouvernement contre sa société.

Sur un autre registre, commentant la liberté de la presse en Algérie, Hamid Grine a souligné que le président Bouteflika a appelé «pour une presse éthique, déontologique, qui fait beaucoup de bien au pays». «Elle est une des plus libres au monde, elle a la liberté totale, à tel point que l’on peut trouver ici ou là des dérapages». «Aujourd’hui, un journaliste peut écrire n’importe quoi, et il n’est pas mis en prison, c’est une grande avancée», ajoute t-il avant de relever que «le gouvernement essuie des attaques et aucun journaliste n’a été poursuivi en justice. J’ai moi-même été attaqué, mais je n’ai poursuivi aucun journaliste en justice». Selon le ministre de la communication, «nous sommes dans une ouverture totale et absolue et je dirais que c’est une forme de faiblesse, de sagesse». Menaçant, il lâchera que «cette situation de faiblesse, de sagesse, va se terminer bientôt». Pourquoi ? Pour lui, il y a dans le paysage national de la presse écrite «trois» journaux, «des journaux arrogants, dominateurs, qui bafouent les lois de la république», et ajoute qu’ils sont «des journaux défaitistes». Pour lui, «ces trois journaux sont outranciers, (et) le fait même qu’ils sont excessifs, c’est qu’ils (savent) qu’ils ne risquent rien». «Je n’ai pas vu d’autres exemples de démocratie aussi avancée que l’Algérie, voyez les autres pays du monde, partout la presse a des garde-fous. Selon ces journaux, tout est noir en Algérie». Pour autant, il revient à ses «constantes » et rappelle qu’ «on ne doit pas insulter, injurier, diffamer. Qu’ont fait ces journaux depuis 25 ans, sinon noircir sa réputation?», s’est-il interrogé. Par ailleurs, s’il estime que l’autorité de régulation de la presse «est une nécessité», il a indiqué qu’ «en attendant que le président de la République désigne cette autorité et les membres de son bureau, c’est le ministère qui décide», car «c’est la prérogative du président». Mais, il avertit qu’ «il ne faut pas prendre cette sagesse pour de la faiblesse». Quant au conseil de l’éthique et de déontologie, il sera élu bientôt, selon le ministre qui a indiqué qu’après le recensement de tous les journalistes, il y aura des élections pour l’élection de ce conseil. «Nous avons plus de 4.500 journalistes déclarés, et on va aller vers des élections pour le conseil de l’éthique et de déontologie qui a un rôle très important de mon point de vue» et «les journalistes élus qui sortiront de ces élections, seront représentatifs» de la corporation. Par ailleurs, la loi sur la publicité sera bientôt discutée au Parlement. «Mais, elle ne va pas décider de distribuer des pages de publicité, mais régulera le monde de la publicité, où se brassent des centaines de millions d’euros et de dollars.Cette loi va réguler le monde des agences de publicité, et les professionnels consultés appellent de leurs vœux cette loi», a-t-il dit en relevant qu’ «il n’y a qu’une cinquantaine (d’agences de publicité, Ndlr) qui sont vraiment professionnelles». Quant aux TV de droit étranger, il n’y en a que cinq sur les 45 qui arrosent le paysage audiovisuel algérien qui ont des bureaux à Alger. Pour les autres, leur sort sera décidé par l’autorité de régulation. «Dès l’installation de l’autorité de régulation, elle décidera. Nous ne voulons pas décider de nous-mêmes du sort de ces TV, c’est à l’autorité de décider ce qui est bon ou pas au regard de la loi», s’est contenté de commenter le ministre de la Communication.