Le directeur d’El Waha dans la tourmente à Ghardaïa
Prison ferme, procès, menaces et intimidations
Le directeur d’El Waha dans la tourmente à Ghardaïa
El Watan, 25 juin 2006
Harcèlement judiciaire, menaces de « liquidation physique » et pressions administratives. Nedjar El Hadj Daoud, directeur du journal régional El Waha de Ghardaïa, ne passe plus une semaine sans comparaître devant la justice pour des affaires de diffamation.
Condamné en première instance à la prison ferme dans cinq procès intentés par presque tous les « seigneurs » de la wilaya, M. Nedjar n’en finit pas avec les poursuites judiciaires. De l’affaire l’opposant au président de l’APC de Berriane à celle du directeur général de la Protection civile, en passant par les procès intentés par le chef de la daïra de Berriane et le directeur de l’agence foncière régionale, M. Nedjar a actuellement au moins 25 affaires devant le tribunal de Ghardaïa. « Il ne se passe pas une semaine sans que je ne sois convoqué par le juge », lâche-t-il, désabusé. Il précise que ces harcèlements persistent depuis le début de 2004, date de son premier procès l’ayant opposé à un baron local qu’il a dénoncé pour son implication dans une affaire de trafic de foncier. « J’ai été acquitté et le plaignant m’a menacé de mort devant le juge. Ce dernier n’a rien fait », martèle-t-il. Ce premier « dérapage » a ouvert le bal à une série d’autres menaces contre M. Nedjar, qui ne sait plus où donner de la tête. « J’ai porté plainte à maintes reprises, mais la justice, qui traite de manière impressionnante les plaintes déposées contre moi, ne leur a donné aucune suite », dira-t-il avec amertume. Les menaces contre ce journaliste sont allées plus loin au point que son nom figure sur une liste dite « noire » de 11 personnes à « éliminer ». L’une des personnes dont le nom figurait sur la liste a été brûlée vive dans sa voiture à la fin 2005. M. Nedjar ne doute pas de l’existence d’un « lien direct » entre les « concepteurs » de la liste et ce meurtre qui, selon lui, « a été injustement collé à un jeune de 22 ans qui n’avait, preuves à l’appui, rien à voir là-dedans ». Etant à la tête d’un journal qui a gagné en réputation grâce à son travail d’investigations, notamment sur le détournement du foncier et autres trafics d’influence dans cette contrée, M. Nedjar n’est pas « étonné » par ces attaques et menaces à répétition. Pour lui, elle ne sont pas étrangères aux manœuvres des barons locaux qui veulent sa tête. « Ils ne me pardonnent pas le fait d’avoir révélé leurs affaires de trafic et de détournement », insiste-t-il, regrettant encore une fois que la justice n’ait pas donné suite à ses nombreuses plaintes. « A chaque fois que mon journal dénonce un scandale ou divulgue une affaire frauduleuse, j’ai un procès. Entre temps, je reçois des menaces par téléphone », observe-t-il. « Au lieu qu’ils ordonnent des enquêtes afin de vérifier la véracité des informations que mon journal publiait, les juges me condamnent pour diffamation », lâche-t-il, en colère. « Certes, j’ai été acquitté dans certaines affaires, mais cela reste insuffisant, car, malgré les faits rapportés, il n’y a pas eu d’enquêtes judiciaires », poursuit-il. M. Nedjar se dit convaincu que ceux qui déposent plainte contre lui le font surtout pour détourner l’attention des autorités compétentes sur les faits révélés par son journal. « Ils ont fait tout pour que je renonce à mon travail d’investigation. Ils n’ont pas réussi. Voilà qu’ils s’emploient maintenant à me chercher des problèmes pour arrêter carrément ma publication. Il y a des dizaines de jours, ils ont envoyé une personne pour vérifier si mon journal est réellement agréé. Journal qui existe légalement depuis 16 ans », indique-t-il. Plus que jamais déterminé à braver la menace, M. Nedjar espère que la justice se penche « sérieusement » sur son cas et que les hautes autorités du pays prennent « conscience » de l’étendue de la corruption dans cette région et fassent « le nécessaire » pour y mettre un terme.
M. A. O.