Presse et diffamation: El Khabar lance le débat

PRESSE ET DIFFAMATION

El Khabar lance le débat

El Watan, 8 décembre 2003

La notion de diffamation dans la presse est le thème d’une rencontre de deux jours organisée par le Centre El Khabar pour les études internationales en collaboration avec l’ONG américaine Freedom House. Cette rencontre a débuté hier à l’hôtel El Djazaïr et a vu la participation de plusieurs personnalités politiques, entre autres Mme Leïla Aslaoui et MM. Réda Malek, Smaïl Hamdani, Mokdad Sifi, El Hachemi Chérif, Abdelhamid Djouadi.

Ont également assisté des directeurs de quotidiens nationaux, des journalistes, des universitaires, des juristes, des chercheurs ainsi que des experts étrangers. L’objectif de ce séminaire est de débattre cette question, de connaître les avis des uns et des autres et aussi de profiter de l’expérience des experts américains dans le domaine du journalisme. Ali Djerri, directeur du quotidien El Khabar, a relevé que la presse a été le seul organe en Algérie qui ne s’est pas contenté de son rôle d’informer l’opinion publique, nationale et internationale, elle est allée, malgré elle, plus loin, en se substituant aux partis politiques absents et aux associations quelque peu hésitantes. Parler aujourd’hui avec le recul nécessaire pour évaluer l’expérience d’un journal, dans le monde arabe et musulman, ne doit pas mener à accroître ses responsabilités, comme le pouvoir essaie de le faire. La presse indépendante, qui a 13 ans d’expérience, est une presse qui vit au sein de la société avec ses qualités et ses défauts», a indiqué M. Djerri, qui a expliqué qu’actuellement toute évaluation de la presse doit prendre en considération ces facteurs, y compris des considérations internes, à savoir la formation, l’encadrement et l’organisation. Pour M. Djerri, le pouvoir ne traite pas la presse comme étant l’un des pouvoirs de la société civile, car sa première préoccupation va vers le black-out et l’arbitraire, et ce, afin que la presse ne dévoile pas la corruption qui sévit. «Le pouvoir pense que pour pousser la presse à assumer davantage ses responsabilités, il faut restreindre les libertés, à travers des lois dissuasives, comme cela a été le cas avec l’amendement du Code pénal, les mesures répressives et le chantage politique et commercial. Il se trompe sur ce point», dira l’intervenant qui estime que pour éviter la diffamation et atteindre un certain niveau de professionnalisme, il est indispensable d’assurer l’autonomie de la justice et le droit sacré de la presse professionnelle. Toutefois, selon le conférencier, cela ne peut se faire que si l’on facilite aux journalistes l’accès aux sources d’information à tous les niveaux. Sans cela, le pouvoir n’a pas le droit de parler d’infractions commises par la presse, tant que celui-ci dissimule, sciemment, l’information et empêche le journaliste de révéler la vérité. Ainsi, même les informations qui pourraient être classées «fausses» demeurent vraies en l’absence de la vérité. Pour sa part, M. Ahmed Ancer, journaliste au quotidien El Watan, a mis l’accent sur l’absence d’une formation appropriée pour les journalistes. L’intervenant a souligné que le mauvais traitement de l’information, la faible qualité des écrits et le non-respect (conscient et inconscient) par les journalistes des règles d’éthique et de déontologie sont parfois les véritables causes des différends qui opposent le pouvoir à la presse privée, mais aussi les rapports de cette dernière avec son environnement provoquent nombre de réactions passionnées et, parfois, des conflits violents. «Il est difficile d’éviter au moins une part de subjectivité lors de la rédaction d’un article d’actualité, sauf si le rédacteur de presse a bénéficié d’une formation d’un niveau pédagogique et culturel supérieur confortée d’une pratique au sein d’une équipe d’une grande compétence et d’une probité professionnelle irréprochable», a affirmé M. Ancer qui juge que la situation en Algérie sur le plan de l’éthique et de la déontologie est préoccupante. Lors des débats, M. Réda Malek a indiqué que le journalisme, surtout dans le contexte actuel, est un métier très compliqué. L’ancien chef de gouvernement s’est prononcé contre l’emprisonnement des journalistes. «Le pouvoir doit respecter le journaliste. Il peut infliger des amendes aux journalistes mais ne doit pas les emprisonner même s’ils commettent des erreurs. Il reste que le seul antidote pour ces dérives est le professionnalisme. Le journaliste ne doit pas traiter une rumeur ou un fait anodin comme une information crédible, il doit d’abord vérifier ses informations», Me Belloula a, de son côté, soutenu que le journaliste est en perpétuelle formation tant qu’il exerce son métier. Il indiquera que le journaliste est parfois contraint de faire dans le sensationnel et c’est pour cette raison qu’il tombe dans la désinformation. «On ne peut pas abroger les lois sur la diffamation, mais on peut trouver d’autres solutions pour éviter aux journalistes des poursuites judiciaires. Le problème de l’accès à l’information est le fait qui entrave le métier du journaliste il faut donc y remédier», dira Me Belloula. Quant à M. Belhouchet, directeur du quotidien El Watan, il a soulevé le problème de l’absence des pouvoirs publics dans ce genre de manifestation et le monopole de l’Etat sur les médias lourds. «La presse doit faire son autocritique et dresser son mea culpa pour corriger ses erreurs, mais pourquoi les pouvoirs publics ne font-ils pas de même ? Pourquoi justement ne reverraient-ils pas leur stratégie pour permettre aux journalistes d’exercer leur travail librement. Le pouvoir n’existe que pour mettre en place des lois scélérates. Il est clair que ce dernier ne veut pas de la liberté de la presse et c’est pour cette raison qu’il veut la museler», lancera-t-il.

Par Nabila Amir