Rapport sur la liberté religieuse dans le monde

Rapport sur la liberté religieuse dans le monde

Washington change de ton à l’égard de l’Algérie

par Mohamed Khellaf, Le Jeune Indépendant, 18 septembre 2006

Le rapport annuel du département d’Etat américain sur les libertés religieuses dans le monde a estimé, dans sa version 2006, que les libertés religieuses en Algérie ont reculé par rapport aux précédentes années. Il convient d’entendre par liberté religieuse celle qui est accordée aux non-musulmans et ne commente nullement celle qui concerne les musulmans.

Après avoir catalogué l’Algérie de pays tolérant en matière de liberté religieuse dans ses précédents rapports, le département d’Etat a cette fois fait volte-face, classant le pays dans la catégorie qui restreint la liberté d’autrui.

Elaboré par le bureau de la démocratie, des droits de l’homme et de la main-d’œuvre, un organe du département de Mme Condoleeza Rice, le rapport traduit la position politique des Etats-Unis sur cette question mais ne constitue pas pour autant une référence pour les experts.

Dans ce document, rendu public avant-hier, le département d’Etat considère que le gouvernement algérien a durci les procédures d’enregistrement des organisations religieuses et a intensifié les sanctions contre les étrangers coupables de prosélytisme comme il a imposé des restrictions sur l’importation d’ouvrages religieux non musulmans.

Il est à signaler que des mesures similaires ont été promulguées s’agissant des associations islamiques, de la gestion des mosquées par l’Etat ainsi que des ouvrages jugés séditieux. Le département d’Etat n’a pas évoqué ces cas focalisant son attention, dans le rapport, sur tout ce qui touche les non-musulmans, principalement les chrétiens.

Selon lui, le «recul» des libertés religieuses en Algérie s’est traduit par l’adoption par les deux chambres du Parlement, en mars dernier, d’une ordonnance qui confine la pratique et les services religieux au sein de lieux autorisés.

«Cette ordonnance a été approuvée sans consultation des groupes religieux chrétiens concernés et sans un débat sensé», a noté le rapport. La loi, dont l’entrée en vigueur a débuté en septembre, prévoit des sanctions pour toute personne reconnue coupable de prosélytisme, notamment les tentatives clandestines de conversion de musulmans au christianisme, menées en général par des évangélistes rattachés aux églises américaines.

Le rapport estime que les contrevenants «sont poursuivis en tant que criminels et non en tant que civils». Le rapport relève que la Constitution algérienne déclare l’islam comme religion de l’Etat, mais ne prévoit pas de dispositions pour les libertés religieuses.

Selon le rapport, la loi fondamentale algérienne accorde aux citoyens le droit de création d’associations ou d’institutions dont l’objectif est la protection des libertés civiles. Le document fait remarquer que la relation amicale entre les religions monothéistes en Algérie a contribué à la liberté religieuse mais «les divergences entre la majorité des musulmans algériens au sujet de l’interprétation de la religion a donné lieu a des discordes», estime le rapport qui rappelle à ce propos que les terroristes en Algérie continuent à justifier les assassinats des forces de l’ordre et des civils en se référant aux interprétations des textes religieux.

Cette situation a conduit de nombreux chrétiens et juifs à quitter le pays depuis 1992, indique le rapport. Se basant sur les statistiques de responsables de la communauté chrétienne (méthodistes, catholiques romains et baptistes), le nombre de chrétiens en Algérie est de moins de 5 000 dont quelque 3 000 (évangélistes) sont disséminés en Kabylie et quelques 400 autres catholiques romains dans tout le pays, notamment à Alger, Oran et Annaba.

De plus en plus d’offices religieux clandestins sont répertoriés en Kabylie, selon le rapport qui ajoute qu’en dépit des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le prosélytisme illégal, le nombre des chrétiens a augmenté dans cette région, principalement grâce à des actions de chrétiens locaux et non d’étrangers.

Quant aux juifs, le rapport estime que le nombre ne dépasse pas quelques dizaines en raison du terrorisme, mais l’Etat algérien, reconnaît le rapport, autorise les visites de juifs pieds-noirs en Algérie, dont un groupe de 130 qui a visité Tlemcen en mai 2005 et rendu visite à l’ancien président Ahmed Ben Bella.

Dans son précédent rapport, le département d’Etat qualifiait l’Algérie de pays modèle dans le respect des libertés religieuses mais, depuis que les autorités ont découvert que des groupes religieux et des personnes étrangères s’adonnaient au prosélytisme illégal, principalement en Kabylie, terrain favori des évangélistes américains, elles ont décidé de réglementer efficacement la pratique religieuse pour les non-musulmans soit plus de six ans après les mesures quasi similaires ayant touché les associations islamiques.

Cette loi restreint désormais l’accès des évangélistes en Kabylie. C’est sur ce chapitre que le département d’Etat américain semble exprimer son mécontentement. M. K.