Le pillage du patrimoine archéologique prend de l’ampleur

Il est classé deuxième trafic après celui de la drogue

Le pillage du patrimoine archéologique prend de l’ampleur

El Watan, 21 mai 2012

Le pillage du patrimoine archéologique est classé au deuxième rang des trafics mondiaux après celui de la drogue», a affirmé, à l’APS, une spécialiste de l’archéologie. Qu’en est-il du patrimoine algérien ?

«Le pillage et le trafic de vestiges intéressent de nombreuses personnes aussi bien en Algérie qu’à travers le monde, qui se livrent à des transactions douteuses sur des pans entiers de l’histoire des peuples», a dénoncé Dalila Houglaouène, enseignante au département d’archéologie de l’université Mohamed-Seddik Benyahia. En effet, le rapport rendu public par la Gendarmerie nationale au mois d’avril dernier informe de la récupération de 278 pièces archéologiques durant l’année 2011 et au cours du premier trimestre de cette année.

Onze fouilles clandestines

Le même rapport fait état de la dégradation de 11 sites archéologiques, qui ont subi des fouilles clandestines. En l’espace de 10 ans, la Gendarmerie nationale a récupéré 10 725 pièces archéologiques. La dilapidation des biens culturels a touché à toutes les époques (de la préhistoire à l’époque moderne), comme l’illustrent les pièces récupérées. «Lors d’une ronde près du site archéologique de Tazoult (10 km au sud-est du chef-lieu de wilaya Batna), les forces de police ont appréhendé trois individus au comportement suspect. Selon un communiqué de presse, ils avaient en leur possession plusieurs pièces de mosaïque, deux pierres calcaires taillées, un morceau de tuile, deux pièces métalliques et des ossements humains», a-t-on pu lire dans l’édition d’El Watan datée du 16 avril 2012.

Pourquoi cet engouement pour le trafic de pièces archéologiques ? Une statue de marbre représentant une dame du Proche-Orient a été cédée 25 milliards de centimes, d’après les données de la Gendarmerie nationale ; la transaction s’est déroulée le 26 septembre 2011 dans la région de Sétif. Ces transactions s’effectuent au niveau national et international. L’Algérie est concernée par ces trafics, comme en témoignent les différentes opérations de récupération de pièces volées. Un réseau composé de quatre individus âgés de 25 à 40 ans a été démantelé le 5 mars dernier dans la wilaya de Souk Ahras, une région qui recèle des vestiges importants remontant à l’antiquité. Lors de cette opération, une dizaine de statues égyptiennes ont été récupérées.

Des formations de recyclage ont été organisées par le commandement de la Gendarmerie nationale au profit du personnel chargé de la protection des biens culturels en vue de lutter contre ce fléau. Mais la répression à elle seule peut-elle suffire ? Lors d’une conférence sur le patrimoine archéologique organisée hier à Jijel, l’archéologue Dalila Houglaouène a insisté sur la nécessité «de sensibiliser le grand public par divers moyens (médias, affiches, spots publicitaires…) à la protection et à la sauvegarde du potentiel et du patrimoine archéologiques».

Sensibiliser les citoyens

Les associations ayant pour objectif la sensibilisation à la protection du patrimoine culturel en Algérie se comptent sur les doigts d’une main, et ce, malgré la prolifération des groupements dont l’activité reste imperceptible sur le terrain. Ainsi, l’initiative du Groupe d’étude sur l’histoire des mathématiques à Bougie médiévale (Gemihab) dans la wilaya de Béjaïa est salutaire. Mais beaucoup reste à faire pour protéger tout le patrimoine qui pourrait restituer le passé lointain du peuple algérien. Une autre menace qui guette le patrimoine culturel algérien est le tourisme de masse, bien qu’à l’heure actuelle, l’activité touristique en Algérie est en hibernation.
Mais sa promotion pourrait constituer un réel danger pour les ruines.

Et ce, en l’absence de guides formés à la fois à la promotion et la protection du patrimoine. Lors de son intervention à Jijel, Mme Houglaouène a abordé «Les légendes et autres mythes entretenus par les populations à l’égard du patrimoine matériel et immatériel enfoui sous terre». A l’occasion, elle a évoqué la légende portant sur l’existence d’un «cheval en or massif» qui, d’après l’archéologue, serait enfoui quelque part du côté de l’actuelle Errabta. Cette déclaration n’incite-t-elle pas les faux fouilleurs à multiplier leurs attaques aux sites archéologiques bien que l’archéologue parle d’une «légende»…

Récupération de plusieurs pièces à Batna

La brigade spécialisée dans la répression des crimes touchant au patrimoine culturel, relevant des services de la Police judiciaire de Batna, a procédé, la semaine dernière, à la récupération d’un lot de pièces archéologiques et d’armes anciennes. Ce coup de filet est survenu suite à des informations parvenues à la police, faisant état d’un local situé à Haï Salsabil où ces pièces étaient proposées à la vente.

Une descente des éléments de la police a permis, selon des sources policières, la récupération de 107 pièces de monnaie, dont certaines de la période numide et d’autres de la période romaine. Deux lampes à huile datant de la période romaine ont également été récupérées. Le tout a été remis à la direction de la culture, après évaluation par le conservateur auprès de la même direction.

Les mêmes sources indiquent par ailleurs qu’un revolver datant des années 1970 et autres obus ont été découverts dans le local en question. Ces pièces d’armement ont été remises au Musée du moudjahid, a-t-on noté.

Djedjiga Rahmani et Lounès Gribissa