Les Zouabris du Système
Les Zouabris du Système
MAOL (Mouvement algérien des officiers libres), 9 mai 2002
Le système puise ses nervis dans un très large panel d’agents dispersés partout ; des agents qui sont éliminés par la suite pour ne laisser aucune trace dès que leurs missions arrivent à terme. Deux exemples étourdissants ont marqué la scène médiatique par leurs fins ces dernières semaines, des cas presque d’école pour les services de renseignements. Celui du sanguinaire Antar Zouabri et du criminel Ahmed Merah, deux redoutables agents »islamistes » qui ont très certainement marqué les consciences pour longtemps.
1) La liquidation de Zouabri.
Concernant le cas de cet impitoyable barbare, il était tout de même surprenant d’apprendre la neutralisation de Antar Zouabri? Beaucoup se sont demandés s’il s’agissait de l’élimination d’un témoin gênant qui risquait de faire des révélations sur le rôle du GIA dans les assassinats collectifs !
Comme à chaque fois, lorsqu’il s’agit de GIA, les responsables de la lutte anti-terroriste n’essayent jamais de capturer les terroristes vivants !
Dans une cérémonie joviale et en présence des médias nationaux et étrangers, le général major Fodhil Chérif Brahim, commandant de la 1ère Région Militaire a présenté un trophée de guerre peu ordinaire au siège même de la première région militaire: le corps inanimé du Antar Zouabri.
Fodhil Chérif a déclaré à l’ensemble de la presse invité pour la circonstance que les unités spéciales avaient agi sur la base d’un renseignement ; que le quartier où se trouvaient les assaillants avait été bouclé et l’opération (qui consistait à neutraliser trois terroristes dont Antar Zouabri) avait duré plusieurs heures !
Une déclaration pour le moins surprenante puisque connaissant les méthodes de lutte du DRS, arrêter trois individus aussi redoutables qu’ils soient, n’est qu’un jeu d’enfants pour les éléments d’élite du GIS ou des autres unités spéciales de l’armée. Alors tous ceux qui sont à la recherche de la vérité se doivent normalement de se poser un certain nombre de questions parmi lesquelles :
1) Pourquoi toute cette mascarade sachant que Zouabri et ses deux acolytes n’étaient même pas en possession d’un Kalachnikov ? Avec trois vieux pistolets, ils n’auraient tenu guère plus de dix minutes.
2) Pourquoi Khaled Ziari, un haut cadre de la DGSN lors d’une interview publiée par un quotidien le 10.02.2002 évoque t-il un fait hasardeux pour justifier l’élimination du chef présumé du GIA, contredisant ainsi en bloc les propos du général Fodhil Chérif qui a affirmé qu’il s’agissait d’une opération minutieusement préparée ?
3) Par quel miracle le commandant de la 1ère Région Militaire peut-il affirmer avec exactitude qu’il ne reste plus que 37 ou 39 terroristes du GIA qui sévissent ?
4) Pourquoi le terroriste le plus recherché en Algérie depuis six ans, et dont la tête a été mise à prix (450 Millions de centimes), a t-il pris le risque de retourner chez lui à Boufarik ?
5) Pourquoi les responsables de la lutte anti-terroriste ont-il fait appel à des terroristes détenus à la prison militaire de Blida pour identifier l’ennemi public n°1 ? Est-il inconnu des militaires, lui qui fut maintes fois « abattu » et ressuscité par la presse ?
6) Pour quelles raisons la dépouille de Zouabri a t-elle été exhibée au siège de la 1ère RM devant un panel invraisemblable de journalistes? Est ce dans les murs des généraux de l’ANP d’offrir de tels spectacles ? Eux qui ont attaqué (et qui le font toujours) des journalistes en justice pour publication d’informations à caractère sécuritaire et qui distillent les informations au compte-gouttes.
Après cinquante jours, un nouveau Zouabri est né ; Abou Thourab ! Sorti tout droit des casiers du DRS et comme à l’accoutumée cette nouvelle nomination à la tête du GIA apporte son lot de massacres habituels qui n’en finissent plus !
En réalité, Antar Zouabri devait rencontrer son officier traitant le commandant Touat Mahfoud Alias Djamel Alias Abou Mohamed. Cet officier du DCE/DRS, originaire de Baba H’ssen a fait jusque là, la majorité de sa carrière comme adjoint de Djamel Zitouni depuis qu’il était lieutenant. C’est Smain Lamari qui suit exclusivement l’évolution du dossier Touat.
Comme convenu, le rendez-vous est pris chez un agent du commandant Djamel ; un pseudo-repentis nommé Abdelhakim Boumediene qui habite un petit appartement situé à la rue des frères Kerrar non loin du stade Mohamed Regag à Boufarik.
Accompagné de l’un de ses lieutenants, en l’occurrence le nommé Rachid Bouteldja, Antar Zouabri arrive sur le lieu de la rencontre le jeudi après midi où Abdelhakim Boumediene les attend. La rencontre devra avoir lieu le lendemain matin.
Le soir même, Touat accompagné de trois de ses hommes arrivent sur les lieux et pénètrent au sein du bâtiment. Touat a des ordres stricts : éliminer Zouabri dans la discrétion la plus complète.
Zouabri ne se doute de rien jusqu’au moment où les hommes du commandant Djamel lui sautent dessus et essayent de l’égorger sans trop de succès une première fois et le blessent à la joue; mais ils réussissent à le faire malgré ses débattements sous les yeux consternés des deux autres. Le commandant Djamel intime l’ordre à Bouteldja et à Boumediene de rester en dehors en leur disant que puisque Zouabri avait trahi, il devait donc payer. A huit heures du soir le sanguinaire Zouabri n’est plus qu’une dépouille gisant dans un bain de sang.
Le commandant Djamel donne des instructions très claires à Bouteldja et Boumediene et les charge de surveiller le corps de Zouabri, qu’il devra revenir récupérer le lendemain.
C’est sans compter avec les plans de Smain Lamari et Fodhil Chérif qui ont besoin des deux hommes pour la mise en point de leur scénario. Le vendredi, un jour normalement paisible est secoué par des explosions et des tirs nourris des forces spéciales dépêchées sur les lieux par Smain Lamari et Fodhil Chérif. Quand les deux dindons de la farce découvrent le manège, il est trop tard ! Les moyens militaires engagés sont très impressionnants et les tirs vers l’habitation durent trois heures !
Vers dix sept heures trente tout Alger est au courant du sort de Zouabri.
Cette opération a en fait un double objectif :
1) Introduire le futur chef d’Etat major à la société algérienne et internationale (surtout française).
2) Montrer au monde entier dans le contexte du 11 septembre, que les autorités algériennes remportent des succès contre le terrorisme en abattant une de ses figures internationales.
Les manipulateurs, ont eu l’idée d’éliminer » l’épouvantail » Antar Zouabri pour promouvoir leur programme de changement. Mohamed Lamari doit à l’occasion du 5 juillet prendre sa retraite en cédant son poste à son ami et bras droit le général major Fodhil Chérif Brahim. Fodhil Chérif, l’ancien adjudant du commissariat politique peut se féliciter d’avoir réussi sa carrière.
Pourvu que Mohamed Lamari ne décide pas après la parution de cet article de changer d’avis juste pour contredire le MAOL !
La situation du pays à ce jour est l’aboutissement logique des pratiques illicites et dérives anticonstitutionnelles qui incarnent le système opaque.
2) La fin d’Ahmed Merah
Ancien bras de Mustapha Bouyali (le premier chef d’un mouvement islamiste armé né en Algérie au début des années 80), Ahmed Merah a été condamné à perpétuité et emprisonné de 1983 a 1989. Il a été retourné (terme des services secrets qui définit le recrutement d’un agent issu d’une mouvance contre laquelle le dit agent se retourne) comme beaucoup d’autres à l’époque par les services opérationnels de la sécurité militaire (SM) peu de temps avant sa libération.
Au début des années quatre-vingt dix, Il a travaillé scrupuleusement sous la coupe de son officier traitant le général Smain (lieutenant-colonel en ces temps) pour noyauter la nouvelle mouvance islamique. Mais ce qui est encore plus grave c’est qu’il a été aussi l’architecte qui a abondamment contribué à mettre en place les tous premiers maquis islamistes en Kabylie. Allant même jusqu’a fournir, au début du conflit, les volontaires du FIS en armes et munitions issues des propres magasins d’armes du DCE.
Cet agent peu ordinaire a gracieusement offert ses services lors de son recrutement et s’est surpassé pour gagner la grâce de Smain Lamari. Du sale boulot, il en a accompli des masses et Smain qui voulait faire le ménage l’a même chargé de liquider certains officiers même au sein du service. Ces crimes ignobles ont été imputés par la suite aux groupes islamistes. Une aubaine pour Smain qui réglait ses comptes avec ses opposants au sein de la direction du contre espionnage(DCE) et même au DRS, grâce à des tueurs discrets prêt à tout comme Ahmed Merah.
Le diagnostic médical est sans ambiguïté : mort par empoisement le 19.02.2002. Un journal titrant dans son édition du 25.02.2002 » mort suspecte d’un homme qui en savait trop » affirmait que les médecins avaient confirmé sa mort par empoisonnement avant de conclure qu’il menaçait en fait beaucoup d’intérêts.
Pourquoi cherchait-on à le liquider ?
Dans une interview publiée dans l’édition du 12.02.2002 par un journal qui lui a consacré ses lignes, Merah a critiqué la guerre des clans par »Kabyles interposés » qui embrase l’Est de l’Algérie.
Dans une sortie exclusive de la part d’un agent, il a dénoncé clairement la manipulation des islamistes et du terrorisme en général par le pouvoir et s’est attaqué aux vrais détenteurs du pouvoir. Il a de même soutenu que les adversaires de la mafia qui gouverne l’Algérie, ne sont ni les islamistes ni le terrorisme mais quiconque menacerait de près ou de loin leurs intérêts !
Merah a évoqué aussi les tragiques disparitions de milliers de personnes arrêtées par les services de sécurité et qui sont survenues surtout entre les années 1993 et 1995 (on évoque le chiffre de 15000 personnes enlevées par les services de sécurité qui n’ont plus donné signe de vie). Il a même déclaré en avant-première qu’il envisageait d’écrire un ouvrage sur les circonstances de la création de certains partis politiques notamment le RCD et Hamas. Au passage, il n’a pas manqué d’accuser publiquement Mahfoud Nahnah d’avoir crée un parti politique à la demande des services de sécurité pour s’opposer au FIS, tout comme il l’a accusé d’avoir supervisé l’envoi de jeunes algériens en Afghanistan dans les années 1980, ce qui est totalement vrai vidéo à l’appui (Dans une de ses conférences de recrutement pour le djihad en Afghanistan, il donne même des astuces et montre sur scène comment il faut égorger les prisonniers russes).
Quelques semaines avant sa mort, Merah avait donné une interview à un journaliste étranger (Proche du général Toufik) et a évoqué certaines choses dérangeantes de son passé de militant, notamment : l’assassinat du frère de Bouyali, l’attaque de l’école de police de la Soumaa, la création du mouvement islamique armé (MIA) et des groupuscules armés.
Fait grave, c’est que l’attaque même de la caserne de police de Soumaa a été téléguidée depuis la présidence ; puisque derrière cette attaque se cache un trafic important d’armes avariées. A l’époque Labri Belkheir et Elhadi Khdiri avaient conclut un marché important d’achat d’armes à un prix très attractif, moyennant un pourcentage en leur faveur, versé par le fournisseur. Seulement une fois les armes reçues, des responsables de la police ont découvert que les armes (stockées à Soumaa) n’étaient pas conformes au cahier de charges. Par miracle, Mustapha Bouyali avait reçu une information sur la présence d’un lot important d’armes à Soumaa ; l’attaque de l’Ecole a eu lieu dans des conditions très floues, le directeur même de l’Ecole était en dehors du territoire national. Le plus important c’est que le stock d’armes avariées avait disparu et le peu d’officiers qui étaient au courant écartés ou éliminés. Belkheir avait réussi un grand coup !
Les aveux de Merah devenaient une source de menaces certaines pour ses manipulateurs car il risquait de divulguer certaines affaires très compromettantes, telles les circonstances de l’assassinat de Mohamed Said et de Abderazak Redjem ou le rôle du groupe » El Hidjra oua Takfir » qui officiait à partir de la mosquée Kaboul (puis la mosquée Lakhal par la suite) à Belcourt et dont l’imam n’était autre que le capitaine Ahmed Bouamra, un officier qui a été « reconverti » par la SM en islamiste pour récolter les informations sur le djihad Afghan au début des années quatre vingt et qui a eu pour mission depuis son retour en Algérie en 1989 de pénétrer le groupuscule « El Hidjra oua Takfir ».
Même s’il a confié ne pas avoir participé à la violence en Algérie, Merah a néanmoins admis « avoir initié l’action armée » et a reconnu toutefois qu’il était le responsable militaire de l’organisation. Plus loin dans cette même interview, il a déclaré que la violence a été planifiée au plus haut niveau des autorités algériennes. Certains propos tenus ont été très dérangeants pour les véritables détenteurs du pouvoir en Algérie.
Pourquoi s’était-il attaqué à ses protecteurs?
Comme tout opportuniste qui ne recherche qu’à réaliser ses ambitions, il a abandonné Smain, s’est rangé du côté du général Toufik et l’a rejoint dans le bras de fer qui l’oppose à Bouteflika. Merah évoquait pour critiquer Bouteflika « si Bouteflika persiste à utiliser la carte islamiste pour démanteler le système, les repentis qui ont bénéficié de l’amnistie seront forcement poussés vers les maquis pour que le chaos soit entretenu ». C’est exactement ce qui est en train de se produire ; à Constantine, Jijel ou Souk Ahras ou des repentis ont été assassinés, donnant lieu à des processions qui rappellent celles du début des années 1990.
Merah soufflait le chaud et le froid en évoquant à différents organes de presse qu’il détenait des informations inédites concernant des dossiers graves. Les dites informations ont été recueillies au sein des services de sécurité dont il affirmait faire partie. Evoquant des dossiers brûlants tels que :
Le dossier de l’assassinat du président Mohamed de Boudiaf, » dont les généraux se sont débarrassés, une fois sa mission terminée » ; allusion faite par Merah à la dissolution du FIS, à la promulgation de l’état de siège et à l’instauration des camps du sud.
La flagrante mauvaise volonté de la hiérarchie militaire dans la lutte contre le terrorisme, mettant en doute sa volonté d’éradiquer ce fléau.
L’ancrage de la mafia politico-financière et ses ramifications profondes au ministère de la défense nationale..
Concernant la fraude qui a caractérisé les élections législatives de 1997, il a expliqué comment le pouvoir a réussi à exploiter les massacres perpétrés à Rais le 29.08.1997, à Bentalha le 22.09.1997 et à Beni Messous le 13.10.1997 pour consolider et promouvoir la victoire du RND lors des élections du 23.10.1997 en provoquant le » vote sécuritaire « .
Les évènements de Kabylie, qui servent toujours d’enjeux aux luttes de clans, et qui ont été provoqués et entretenus pour déstabiliser Zeroual et dont l’objectif visait le pourrissement afin de pousser l’ex. Président vers la porte de sortie.
Plus extraordinaire encore est la vocation littéraire que Merah s’est découvert. Il a franchi une étape jamais encore franchie par aucun agent en publiant des manuscrits qui trouvent leurs essences dans les instructions qu’il recevait de Smain Lamari. Il a été chargé par ce dernier de » tirer » à boulets rouges sur les généraux Betchine et Zeroual dans son ouvrage « la troïka des généraux » et a contribué à sa façon à la liquidation politique du couple en question.
Tous ces points et bien d’autres ont été évoqués par Merah avec beaucoup d’arrogance ; il pensait naïvement que les lourds secrets qu’il détenait, allaient mettre le couteau à la gorge de Smain Lamari et d’autres généraux. Ses ambitions ont fini par le tuer, lui le simple agent qui était convié aux cérémonies officielles se voyait ministre tout comme Merani, Said Guechi et d’autres islamistes du service.
Quand on sait le prix déboursé par les décideurs pour se maintenir au pouvoir, il est presque normal de dire qu’un agent insignifiant ne pèse pas lourd dans la balance.
Merah a quand même eu le temps de prendre un dernier café au bureau de Smain Lamari à Ghermoul, avant de tomber malade chez le chef de cabinet de Benflis.
C’était vraiment trop de la part d’un » agent » qui n’a pas su reconnaître sa vraie dimension et qui a fini comme Icare en se brûlant les ailes de cire à force de vouloir atteindre le soleil.