Un tremblement au sommet

Un tremblement au sommet

MAOL (Mouvement algérien des officiers libres), 9 mai 2002

L’image des protecteurs de la démocratie et les vecteurs moraux de ses préceptes ne passe plus parmi les sociétés algérienne et étrangères, ces dernières étant de toute façon les plus importantes à leurs yeux et les plus difficiles à convaincre.
Aculés de toutes parts, les généraux mènent un combat quasi-quotidien pour faire imposer tant bien que mal leur autorité qui s’est beaucoup effritée suite aux nombreux scandales qui ont porté une atteinte certaine à leur notoriété au sein de l’ANP. Cette situation a encore empiré depuis qu’ils ont ramené Abdelaziz Bouteflika au pouvoir. Chargé officieusement de leur redonner une nouvelle vertue d’envergure internationale, Bouteflika a contribué volontairement à aggraver les scissions entre les différents clans de l’armée apparues surtout à la fin du règne de Liamine Zeroual. La tension au sein du commandement militaire a ainsi atteint des seuils très dangereux et des proportions jamais inégalées depuis le putsch de 1992.
Les objets de discordes entre les généraux sont devenus aussi variés que multiples. Que se soit à partir de conflits d’intérêts matériels, de nature purement militaire, politique ou simplement par manque d’affinités personnelles, tous les ingrédients d’une explosion volcanique sont réunis et ce malgré toutes les images officielles d’une armée unie et sereine.
Mais quelque part à l’ombre, un démon tire les ficelles et fait tout pour appuyer son clan favori au profit de l’autre. Une main de feu dans un gant de soie, Larbi Belkheir, depuis sa résidence en Suisse tisse le macabre destin de l’Algérie en déperdition.
Avant de revenir officiellement aux affaires, Belkheir veut faire le grand ménage en éliminant tous les officiers du clan Zeroual. Pour lui, le but en fait est de reconstruire le paysage militaire à la convenance du parrain ; un environnement qui lui permettrait de prendre le poste de vice-président en premier lieu et président de la république par la suite. Son dauphin le général Mohamed Mediene est tombé en disgrâce depuis que ce dernier a pris son propre envol et a commencé à faire cavalier seul. Un péché impardonnable quand on connaît la loi qui régit le milieu mafieux qui n’admet guère plus d’un parrain à la fois. Pour Belkheir, éliminer Toufik est devenu un objectif de première priorité.

Soucieux de rétablir son hégémonie,  »Si Larbi » (comme il aime si bien être sollicité) a réuni tous ses hommes du premier plan autour de lui pendant que Bouteflika était en voyage officiel aux Etats Unis. Durant cette rencontre qui s’est tenu au palais présidentiel d’Elmouradia, Larbi Belkheir s’est adressé aux généraux Mohamed Touati, Smain Lamari et Mohamed Lamari pour les informer de ses intentions. Larbi Belkheir a décidé de faire feux de tous bois et pousser Toufik vers la porte de sortie quel que soit le prix.
C’est Bouteflika lors de sa visite à Ouargla qui a officiellement ouvert le bal. Dans une sortie sans précédent il a pratiquement a la surprise générale ouvert le feu sur Toufik durant son interview télévisée. Avec des mots révoltés, il critique l’homme au cigare, confortablement installé dans son bureau qui tire les ficelles en Algérie. Il a même reproché à Toufik son ingérence dans l’administration de la toute puissante SONATRACH.
Autre lieu, autre personnage ; lors du procès très médiatisé de Fouad Boulemia, l’assassin du défunt AbdelKader Hachani, dans une sortie rocambolesque l’assassin présumé rejoint le combat des loups.  »Travaillé » par Smain Lamari, Boulemia a déclaré durant son procès que c’est Toufik qui lui a demandé d’endosser l’Assassinat. Cette annonce a retenti comme un coup de canon dans la cour. Un tabou est levé par un petit agent insignifiant.
Pour la première fois, la photo de Toufik (celle du site du MAOL) est publiée en première page d’un quotidien qui annonçe en grand titre le départ imminent de l’énigmatique général Mohamed Mediene. Une relance étonnante de l’histoire, puisque la même chose a été entreprise près de vingt ans auparavant avec un certain colonel Kasdi Merbah. Le puissant commandant de la sécurité Militaire a été sorti de l’ombre par  »Hizb França ». Même si le rapprochement ne peut absolument pas être fait (Toufik n’étant pas du même calibre que son défunt patron), il est quand même important de soulever que les méthodes de déstabilisation et de manipulation sont restées les mêmes.

Bouteflika et l’ANP

Annoncé comme un grand évènement par la presse, la foudre s’est abattue sur un certain nombre d’officiers supérieur de l’ANP. Bouteflika a paraphé un décret de mise à la retraite de presque tout le clan des Zeroualistes. Le général major Tayeb Derradji (ex. Commandant de la gendarmerie), le général major Rabah Boughaba (ex. Commandant de la première région militaire), le général major Ghodbane Chaabane (ex. Commandant des forces navales) et d’autres officiers supérieurs qui occupaient des fonctions sensibles sont limogés sans préavis. Même le dauphin de Toufik, le général Sadek Ait Mesbah , le patron de la sécurité présidentiel (SSP), est chassé de la présidence par  »Bouteflika » qui a décidé de couper les ailles du DRS. Récupéré par Toufik, Le général Sadek a échappé miraculeusement au limogeage.

Au début du mois d’avril 2001, Toufik est sollicité par Larbi Belkheir en personne à faire valoir ses droits à la retraite. Exceptionnellement, reçu chez Toufik dans sa résidence à la cité Said Hamdine, Belkheir a mis beaucoup de temps et d’efforts pour essayer de convaincre Toufik de la nécessité d’un changement à la tête du DRS ; il a même laconiquement rappelé que lui-même a quitté les sérails du pouvoir pour laisser la place à la nouvelle génération !
Toufik a l’impression d’être pris pour un imbécile et n’arrive pas à croire que l’on puisse lui faire ça. Sa réponse à Belkheir est toute simple et directe :  » Si je dois partir, c’est tout le monde qui dois partir aussi ».
La réaction du clan Belkheir est immédiate, dans la soirée qui a précèdé cette visite, Mohamed Lamari en personne intime l’ordre à trois compagnies de para-commando d’encercler la villa du général Mohamed Mediene et d’interdire la sortie du général quel que soit le prix. C’était sans compter sur le pouvoir de Mohamed Mediene qui avait prévu un tel revirement de la situation. Tous les amis du directeur du DRS se sont mobilisés pour desserrer l’étau qui commençait à étrangler le chef.
Depuis son quartier général de Cheraga, le general Benaziza Mohamed, le chef d’Etat major de la gendarmerie nationale ordonne à ses troupes stationnées en Kabylie de mater dans le sang toutes protestations ou attroupement non autorisé. Le 18 avril 2001, c’est dans les locaux lugubres de la gendarmerie de Beni-Douala que le malheur sévit. Guermah Massinissa, un lycéen de 19 ans est exécuté d’une rafale de Kalachnikov. Quelques jours plus tard, beaucoup de sang a coulé, des dizaines de jeunes qui protestent sont liquidés par les snipers de Benaziza, le but est de mettre à feu et à sang la Kabylie, le théâtre sanglant de toutes les discordes du sommet.
Même le chef de la deuxième région militaire, le general Kamel Abdelrahmane a exprimé son désaccord à Mohamed Lamari sur ce qui venait d’arriver à Toufik en signifiant clairement que cela pourrait mettre à mal l’unité de l’ANP.
Devant la gravité de la situation, c’est Larbi Belkheir en personne qui ordonne le lever du blocus contre Toufik. Ce dernier mène depuis plus d’une année une lutte sans merci pour sa survie usant de tous les supports politiques et médiatiques.

Smain, un formidable agent français

Smain Lamari a beaucoup changé depuis ses premiers pas à la DCE en tant que lieutenant-colonel et à mesure qu’il réalisait des succès, il gagnait aussi en puissance et en notoriété au point où il ne rendait plus compte au directeur du DRS mais le faisait directement au président. Des coups tordus et spectaculaires, Smain en a réalisé des masses durant cette décennie, mais depuis qu’il a réussi à infiltrer et maîtriser certains groupes Islamistes ainsi que l’Armée Islamique du salut (AIS), il a réussi à s’imposer comme l’interlocuteur clef des Islamistes.
Suite à l’arrestation de Madani Mezrag blessé lors d’un accrochage avec les forces de l’ANP en 1995, il est fait prisonnier au siège opérationnel de la DCE à ANTAR après avoir été soigné. Son retournement a pu se faire sans grand effort de la part des officiers en charge de son interrogatoire et un plan de travail est dressé avec lui dans le but d’organiser et restructurer toute l’AIS (Affaiblir Benaicha à l’Ouest et rassembler le plus de militants). C’est ce qui a donné lieu par la suite à des négociations secrètes menées à bon terme par Smain Lamari en personne avec les autres dirigeants de l’AIS ; il s’est réuni en personne avec les émirs de l’AIS à visage masqué et leur a dicté mot à mot toutes les démarches à suivre pour être amnistié. Cette démarche est devenue par la suite la fameuse  »concorde civile ».
Depuis le coup d’Etat, les allées et venues de Smain Lamari à Paris ont soulevé des interrogations chez plus d’un au sein même du DRS. Mais depuis qu’il est à la tête de la DCE, il a très largement outrepassé sa mission en s’octroyant aussi celle du DDSE (Directeur de la Documentation et Sécurité Extérieure) et du DREC (Directeur des Relations Extérieurs et Coopération). Au numéro sept rue Nélaton, (Siége de la DST au quinzième arrondissement à Paris), Smain Lamari est reçu chez lui non seulement en qualité de collaborateur privilégié mais surtout en ami de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire). Il a depuis bien longtemps bu l’aphorisme :  » On entre en DST comme on entre en religion « .
Dés son arrivée sur le sol français, Smain Lamari est automatiquement pris en charge depuis l’aéroport par une équipe spéciale qui lui assure une protection contre tous les dangers, même lors de déplacements en Europe.
Le DCE, Smain Lamari a ainsi pu bénéficier pendant toutes ces années de l’énorme soutien apporté par certains hauts dignitaires des services du contre espionnage français (DST) soit de manière officielle ou à titre privé. Il a su tirer profit aussi de l’apport d’anciens barbouzes comme Jean Charles Marchiani. Depuis l’affaire des otages français du Liban, Smain Lamari qui a été mandaté par l’ex. Directeur de la sécurité militaire, Mehdjoub Lakhal Ayat, à suivre ce dossier n’a cessé de faire des affaires avec ses anciens collaborateurs de la diplomatie parallèle française.
Smain Lamari en fidèle allié, les a couvert depuis le début et a joué un rôle clé dans le versement de fausses rançons qui ont atterri sur des comptes secrets en Suisse. Des sommes faramineuses ont ainsi changé de main, un argent qui est resté entre deux eaux et n’a jamais servi à libérer qui que se soit.
Charles Pasqua, Jean Charles Marchiani, Yves Bonnet, ils s’en souviennent très bien et pour cause, aider le copain Smain est un devoir de Barbouze. Ca prendrait des heures rien que pour invoquer juste une partie des combines, les trafics que cette équipe mafieuse franco-algérienne a entrepris à l’échelle internationale mais surtout en Afrique. Du trafic d’armes au trafic de diamant au Zaïre, le Congo, le Mali, et le Niger …etc. De la tentative de liquidation contre Maamer Kadhafi à la liquidation effective d’opposants politiques ; la plus médiatisée reste celle de Me Mecili. L’omerta qui caractérise ce milieu et y règne en reine s’abat comme une chape de plomb sur un monde ou l’Argent et le pouvoir vont de paire à l’insue de toutes les lois et valeurs morales du monde.
Jean Charles Marchiani est le premier à réussir l’approche de Rabah Kebir et ensuite à organiser la première rencontre entre Smain Lamari et Rabah Kebir. Par ricochet, la manipulation de Kebir a permis d’un autre côté de mettre en échec et neutraliser les services secrets marocains.
Rabah Kebir avait financé l’achat de plusieurs dizaines de pièces d’armes diverses pour le compte de l’AIS ; une fois les armes acquises elles ont traversé la France protégées par les amis de Smain, pour finir à la frontière entre le Maroc et l’Algérie. Smain attendait les armes de pied ferme au poste de Douane et une fois les armes entre les deux frontières, des agents de la DCE ont investi les lieux et ont mis à jour le pseudo trafic venant du Maroc. La réaction d’Alger ne s’est pas fait attendre et la frontière est immédiatement fermée et les Marocains fort embarrassés par cette fâcheuse découverte.
Plus tard, Mustapha, le frère de Rabah Kebir accompagné d’éléments de Smain fait beaucoup d’allers et retours entre Alger et Bonn pour finaliser le traité de reddition de l’AIS et préparer le lancement médiatique de la fameuse mais néanmoins catastrophique loi de la concorde civile. Même des éléments du FIS à l’étranger sont rétribués pour se rendre symboliquement en Algérie avec leurs familles; il fallait à tout prix montrer au monde que l’Algérie de Bouteflika était guérie !