Algérie – Légitimer la sale guerre

Algérie – Légitimer la sale guerre

José Garçon, Libération, 22 octobre 2001

Les dirigeants algériens ont vite compris comment retourner la situation en leur faveur au moment où deux événements les ont mis en difficulté: d’une part, les révélations d’anciens officiers dénonçant les exactions contre les civils pendant dix ans de lutte antiterroriste; de l’autre la répression sanglante au printemps en Kabylie. Alger entend légitimer la politique d’«éradication» menée pendant la «sale guerre» et rendre caduque toute accusation sur les pratiques de l’armée. L’aubaine n’est pas moins grande pour ceux qui s’opposent à un règlement politique de la crise et cherchent à la fois à «geler» toute réconciliation nationale et à regagner un certain crédit en démontrant le bien-fondé de leur thèse.

L’enjeu est assez important pour que, le 15 octobre, le président Bouteflika assure Bush de son soutien «sans réserve». Les généraux espèrent, en retour, la coopération de Washington (et de Paris), auxquels ils réclament, en vain, des armes de haute technologie. Ils comptent, en outre, sur leur «compréhension» à l’égard des méthodes avec lesquelles ils combattent les islamistes et font taire toute opposition résolue. Ils attendent, enfin, que nul ne pose plus de questions sur les violences qui ont brutalement repris au milieu de la révolte du printemps. Comme si le retour de la peur permettait d’en finir avec la confrontation «société-pouvoir». Dernier enjeu: les militaires, en présentant le conflit algérien comme une simple affaire de terrorisme, veulent montrer que les demandes occidentales d’y trouver une «solution politique» sont infondées.

Du coup, tout est bon, à commencer par l’identification systématique «islamistes algériens-Ben Laden», pour signifier que le terrorisme algérien n’est pas si algérien que cela. Les médias ont ainsi accordé une large place à un communiqué menaçant «les intérêts américains et européens en Algérie» attribué au GSPC, l’un des deux groupes armés auxquels sont imputées les violences en Algérie. C’est la première fois que ce groupe a été jugé assez crédible pour être repris par les médias. Sans faire toutefois état de son communiqué démentant catégoriquement être l’auteur de ce texte.