Réponse aux manipulations d’un expert manipulateur
Réponse aux manipulations d’un expert manipulateur
Mostafa Brahami, 25 juin 2001
Dans l’interview accordée au Nouvel Observateur (Semaine du 14 juin 2001 — N°1910), Hichem Aboud, un officier de la sinistre Sécurité Militaire algérienne, colonne vertébrale de l’institution militaire algérienne, se répand en pseudo-révélations. Ne parlant pas de ses participations actives à la mainmise de l’armée algérienne sur le peuple algérien depuis 1962, voulant peut-être se racheter et se « blanchir », il continue son patient et odieux travail de désinformation et de manipulation sur certains aspects des événements tragiques que vit l’Algérie depuis cette intifada salutaire d’octobre 1988.
Hichem Aboud s’empêtre dans des contradictions manifestes. En bon « officier » des services spéciaux algériens, il s’ingénie à diaboliser le mouvement islamique. Ses déclarations discordantes veulent simplifier ce qui n’est pas simple, et tentent de décrire les islamistes comme des personnes naïves et manipulables à loisirs par les services militaires, dont la SM qu’il avait servi avec toute l’application et l’abnégation requises, et par les pays étrangers. Ce schéma est bien trop primitif et simpliste pour décrire la réalité du paysage politique algérien, et notamment le mouvement islamique (avant 1989) et le Front Islamique du Salut après sa constitution en 1989. Si les islamistes et le FIS étaient aussi facilement manipulables, pourquoi cette impotence flagrante de la junte militaire à les éradiquer et à recomposer durablement le champ politique, en dépit de tous les moyens engrangés, dont la terreur, depuis dix (10) années maintenant. Assurément, ce schéma réducteur ne tient pas debout, car l’opposition islamique est bien plus ancrée, et bien plus indépendante que certains veulent bien le laisser croire. Pour comprendre ce qui se passe en Algérie, il faudrait aller sur d’autres pistes bien plus sérieuses, que les farfelues thèses que le FIS n’est qu’une création du pouvoir, le porte-parole d’un FLN bis etc.
Le Front Islamique du Salut n’est pas de génération spontanée. Il est l’aboutissement d’une longue maturation du mouvement islamique, dont les origines remontent bien avant l’indépendance. La période post-indépendance verra ce mouvement se cristalliser dans son organisation et ses revendications. Le FIS n’est que la réalisation politique d’un mouvement beaucoup plus profond et plus global.
Je voudrais apporter mon témoignage personnel, étant moi-même protagoniste dans certains événements décrits par « l’officier » Hichem Aboud, que j’estime être toujours en service commandé. Et j’insisterai sur deux événements en particulier: la crise d’octobre 1988 et la période du FIS.
J’estime mon témoignage pertinent, eu égard aux allégations de Aboud, car j’ai été parmi les membres fondateurs et animateur du mouvement dit « jama’a islamya » que Nahnah appellera plus tard djaz’ara (algérianniste, car nous nous opposions à lui dans le fait de refuser de faire allégeance organique à un quelconque mouvement ou tendance musulmans internationaux) depuis sa naissance en 1972 en Kabylie, et précisément à Béni Yaala, après des rencontres préparatoires à Alger. Je fus arrêté et torturé, comme une dizaine de mes amis, par la SM dans ses locaux de Bouzaréah en décembre 1982 (là où Larbi Ben Mhidi fut torturé par les paras français) par l’équipe que dirigeait alors le capitaine Habib; qui deviendra par la suite colonel Habib (Mohamed Souamès), attaché militaire à Paris, mort en 1997, et dont les activités subversives et terroristes se sont poursuivies à Paris. Je fus emprisonné pendant 18 mois avec notamment Cheikh Abassi Madani, Cheikh Mohamed Saïd et bien d’autres compagnons. Nous fûmes libérés sans jugement en mai 1984. Je fus ensuite député FIS (circonscription El-Biar, Alger en 1991). Arrêté une première fois en 1992 et une seconde fois en 1993, je fus affreusement torturé pendant les deux détentions, la seconde fois encore plus sauvagement et plus longtemps. Tout cela s’était passé dans les locaux que dirige encore la DRS (SM) à Ben Aknoun dans les anciens locaux de police, ainsi que dans les geôles du commissariat central à Alger.
1. La crise d’octobre 1988.
Hichem Aboud reconnaît bien qu’il était absent durant ces journées chaudes, puisqu’il dit être revenu à Alger le 9 octobre 1988. Il précise bien la pensée de ses chefs, en y adhérant d’ailleurs, que le pouvoir a donné le multipartisme au peuple alors que ce dernier demandait du pain. Car pour la SM et la hiérarchie militaire qu’il avait servi, qu’il sert encore peut-être, le peuple algérien ne saurait se révolter pour sa liberté, il ne pourrait le faire que pour le pain et son ventre, le peuple ayant toujours été considéré comme mineur, les décideurs militaires pensant à sa place. Il y a là matière à corriger. Comme je l’avais décrit en octobre 1990, la révolte d’octobre 1988 n’était pas une révolte de la semoule, mais une révolte de la dignité, pour se libérer de la tutelle militaire qui n’avait que trop duré. Ce n’était pas de déficit de semoule et de pain dont souffrait le peuple algérien, mais de déficit de liberté.
Hichem Aboud ment de manière effrontée par deux fois, une fois lorsqu’il déclare que le chef de la police algérienne Hadi Khédiri s’est réuni secrètement avec Cheikh Ahmed Sahnoun, et la seconde fois lorsqu’il déclare que Khédiri lui a demandé d’organiser la manifestation de Belcourt pour la journée 10 octobre 1988.
Je dis : il ment. Car Cheikh Mohamed Saïd, moi-même, ainsi que et d’autres amis (dont je ne citerai pas le nom, n’ayant pas eu le temps de solliciter leur permission), nous n’avions pas quitté Cheikh Sahnoun depuis le 5 octobre 1988 et jusqu’au matin du 12 octobre 1988. Nous avions constitué une cellule de crise aux fins de prendre les décisions nécessaires, et ceci dans la demeure de Cheikh Sahnoun; nous logions dans sa bibliothèque. Jamais il n’y eut de réunion secrète entre Khédiri et Cheikh Sahnoun ni en la demeure de ce dernier, ni ailleurs. Cheikh Sahnoun avait eu un point d’honneur à ne jamais faire de réunion secrète avec les personnalités du pouvoir. Toutes les rencontres se sont tenues au vu et au su de tout le monde. Il s’est mis un point d’honneur à ne jamais accepter ou répondre à une invitation officielle de la part des tenants du pouvoir. Il tenait trop à son intégrité et son honnêteté.
Suite à la révolte qui avait grondé le soir du 4 octobre 1988, Cheikh Sahnoun avait alors écrit son premier communiqué que nous avions diffusé, dans lequel il déclarait notamment qu’il était partie prenante des préoccupations des jeunes qui manifestaient, que la solution ne pourrait provenir d’une répression des citoyens ou de ceux qui osaient élever leurs voix. Il avait appelé à que le peuple soit enfin traité comme majeur, le peuple ayant sacrifié les meilleurs de ses enfants pour vivre musulman, libre et digne. Le communiqué s’élevait aussi contre la véritable politique de sabotage officiel entreprise par le pouvoir: gabegie, corruption, clientélisme
Le deuxième mensonge de Aboud est sa déclaration: » Lors d’une réunion secrète Hadi Khédiri a demandé au cheikh Sahnoun d’organiser une manifestation à Belcourt ».
Faux. Car celui qui avait appelé à la manifestation pour l’après-midi du lundi 10 octobre 1988 fut Cheikh Ali Benhadj. Il avait appelé à cette marche la veille, depuis Bab El Oued. Lorsque cette information nous fut parvenue le lundi matin, nous avions alors tenu une réunion. C’est alors que nous avions fait appel à l’adjoint de Nahnah, en l’occurrence Mohamed Bouslimani, Nahnah étant alors absent d’Algérie, suite aux informations qu’ils détenaient de ses amis du pouvoir.
Nous décidâmes non seulement de ne pas participer à la marche, mais de l’annuler aussi dans la mesure du possible, Cheikh Ali Benhadj ayant pris la décision de la marche sans consultation préalable. On rédigea alors un communiqué (n° 2). Et Cheikh Sahnoun, Cheikh Mohamed Saïd et Mohamed Bouslimani, ainsi que nous-mêmes, sommes descendus à la mosquée de Sidi M’hammed (Alger, ex- Ruisseau) pour lire le communiqué et dissuader les gens d’aller affronter les mitraillettes et mitrailleuses d’une armée algérienne dévoyée, qui n’avait pas hésité à tuer des jeunes Algériens de sang-froid. Cheikhs Sahnoun et Mohamed Saïd pénétrèrent dans la mosquée et exhortèrent les gens. Bouslimani était resté à l’extérieur de la mosquée. La manifestation s’était ensuite dispersée dans le calme.
Mais un cortège de jeunes gens, dont la plupart étaient habillés de qamiss blancs, trouvèrent les forces de police face à eux, au niveau de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (à hauteur du lycée Émir Abdelkader), alors qu’ils retournaient à leur quartier à Bab El Oued. Les policiers n’hésitèrent pas à tirer froidement sur ces jeunes qui rentraient chez eux, je précise bien qu’il ne s’agissait pas d’une marche. Il y aura plus de quarante morts, laissés sur le bitume. Suite à ce massacre, nous tînmes une réunion, et Cheikh Sahnoun rédigea une lettre à Chadli dans laquelle il le tint personnellement responsable de la mort de ces dizaines de personnes. Il lui avait écrit (traduction): « De Ahmed Sahnoun au Président de la république. Jamais je n’avais pensé que ma vie serait si longue pour voir les gardiens du pays procéder à la tuerie des enfants de ce pays. Je suis descendu au quartier Sidi M’hammed aux fins de calmer les jeunes qui aiment leur religion et leur pays. Ils se dispersèrent convaincus, pour regagner leurs demeures. Mais des forces armées leur barrèrent la route et en tuèrent un certain nombre, comme ils en blessèrent d’autres. Monsieur le Président, vous êtes personnellement responsable pour la sauvegarde des vies et des biens des citoyens, à cet égard, nous vous demandons instamment d’enquêter sur cette tuerie et de punir ses responsables [ ] »..
Cette lettre fut emmenée par Cheikh Mohamed Saïd et moi-même à la présidence de la république, où nous fûmes reçus par Mehri.
Et si effectivement, ce ne sont pas les islamistes qui avaient déclenché la révolte d’octobre 1988, ils se trouvèrent aux premières lignes de la contestation, et aux premières tombes des martyrs. Cheikh Ali Benhadj lui-même accompagna de sa frêle silhouette plusieurs marches, en y appelant les jeunes; ce qui n’a pas été le cas des militants des autres causes.
Troisième contradiction dans les affirmations de Aboud. Il prétend que Cheikh Sahnoun avait une organisation en disant : « C’est le cas de l’organisation de cheikh Sahnoun ». Ce dernier n’avait pas d’organisation, et n’en appartenait à aucune et ce, depuis l’interdiction de l’Association El Qyam en 1966 (après avoir appartenu auparavant à l’Association des Oulémas Algériens fondée par Cheikh Ben Badis). Ce n’est que par la suite, c’est-à-dire durant le deuxième trimestre de 1989, qu’il créa, avec notre concours, l’association dénommée « Rabita ad-Da’wa al-Islamya », la Ligue de la Prédication islamique, qui voulait tenter notamment d’unifier les rangs islamistes, sans y parvenir d’ailleurs.
2. Concernant le Front Islamique du Salut
Là aussi des mensonges sont professés comme vérités absolues ; sans parler d’un certain nombre de contradictions.
Par exemple, Aboud dit : « En fait le pouvoir tablait sur un « mitch-mitch » : 30% pour le FLN, 30% pour le FFS, 30% pour le FIS. Le pouvoir misait aussi sur un bon score du Hamas. Il espérait même que le parti de Nahnah serait la seconde force islamiste ou damerait le pion au FIS. Mais les généraux se sont trompés dans leurs calculs. La situation est devenue ingérable. En fait, ils ont tout fait pour que ce soit le FIS qui l’emporte ». Soit que les généraux pensaient, voulaient et faisaient que le FIS parviendrait difficilement à 30%, soit qu’ils ont tout fait pour le faire gagner, il faut que le sieur se mette d’accord avec lui-même.
Ensuite il prétend qu’ : » à l’époque, les partis qui avaient un certain poids politique étaient le FFS de Aït Ahmed, le PAGS, le MDA. Aït Ahmed représentait un danger ».
Mais de quel poids politique pesait (et pèse encore son successeur) le PAGS, M. l’officier de gauche (comme vous vous définissez)? Combien d’élus en 1990 avait-il pu placer ? Un (1) et un seul sur plus de 12’000 élus dans toute l’Algérie. Et c’est dans la pure tradition stalinienne que le PAGS non seulement va éviter l’erreur d’entrer dans les élections, car elles mettront à nu son impopularité, mais il va aussi les combattre jusqu’au jour d’aujourd’hui. Car pour ces staliniens, la seule voie d’accéder au pouvoir est sa prise de force, et la seule façon de s’y maintenir c’est la dictature du parti unique, comme cela s’est vérifié autant en Algérie que dans tous les pays socialisants et/ou communisants. Le ridicule ne tue pas, on le sait maintenant.
Et de quel poids le MDA pouvait-il se prévaloir ? Deux ou trois élus sur plus de 12’000. Par la suite, ce parti ne va pas pouvoir se présenter aux législatives, il va rétrécir comme peau de chagrin. Quant au FFS, son poids est bien apparu lors des législatives de décembre 1991.
Il est un fait important à souligner chez ce « bon » officier de la SM. Il regrette que l’armée ne soit intervenue plus tôt, c’est-à-dire en juin 1990 après la victoire du FIS aux élections communales et départementales. » C’est ainsi que le FIS a gagné, pris les mairies. Et qu’il n’y a pas eu de réaction de l’armée, ni de l’état-major, ni de qui que ce soit ». Oui, chez la hiérarchie de la soldatesque algérienne, que l’on soit illettré ou universitaire, la recette du coup d’État et de l’intervention militaire constitue la voie normale de gestion du pays. Et cela se prétend démocrate, avec ou sans képi, en Algérie ou à l’étranger!. En Algérie, depuis le coup d’État de juin 1965, on nous a appris, chaque année, à célébrer cet anniversaire, et ce faisant, on nous avait (du moins essayé) socialisé à travers les médias, les écoles, les casernes, les marches, les banderoles, que « le meilleur moyen d’arriver au pouvoir est le coup d’État », Abbas Ferhat dixit. Criminelle culture, dont on voit le bilan actuel.
Concernant ces élections locales, ainsi que celles de décembre 1991, et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le FIS qui les a organisées, ni supervisées, ni contrôlées. L’administration était aux mains du pouvoir en place. C’était elle qui les supervisait, comptait et recomptait les bulletins, consignait les résultats. La grande différence d’avec les élections précédentes, c’est que cette fois-ci, les élections étaient ouvertes aux autres partis, mais surtout que les partis assistaient et vérifiaient les décomptes des voix et qu’ils pouvaient crier à la fraude. Et que l’État n’avait pas réagi à temps face au déferlement de la contestation portée notamment par le FIS. D’ailleurs, cela se vérifiera par la suite. En effet, le FIS disparu de la scène légale après le coup d’État, le pouvoir va reprendre ses habitudes de bourrage des urnes et de fraude électorale généralisée, comme tout le monde a pu le constater.
Une autre affabulation qui appelle à être réfutée est la question tendancieuse de l’interviewer qui soutient qu’: « une caserne de l’armée a été attaquée à Guemmar par un commando du FIS ». Pour avancer une telle accusation, il faudrait prouver que c’est le FIS qui avait donné l’ordre d’attaquer cette caserne. Or jamais le FIS, et j’étais dans l’instance dirigeante du FIS d’alors, jamais le FIS n’avait donné un tel ordre, ni n’était au courant d’une telle opération. D’ailleurs Abdelkader Hachani l’avait dénoncé en son temps, comme il avait dénoncé la désinformation de l’armée sur cet incident. A la télévision publique, Hachani avait mis au défi le général tortionnaire Nezzar d’apporter la plus petite preuve de l’implication du FIS dans cette histoire. Ce que ne fit jamais le sieur Nezzar.
Enfin, et last but not least, la vieille recette de la main étrangère, qui ne fait plus mouche, réapparaît dans les propos de cet officier, bien rompu dans l’art de la manipulation et la désinformation, puisque lui-même dit qu’il écrivait si bien dans le journal de l’armée El Djeich, et qu’il s’occupait de la cellule de communication de la SM, notamment avec le sinistre Betchine, dont il semble prendre la défense. Betchine fut publiquement accusé de torture massive pendant les événements d’octobre 1988. Triste comparse, et criminel chef hiérarchique. Aboud nous sort la bien apprise leçon de chose du financement du FIS par l’Arabie Saoudite. Et pour toute « preuve », il avance que des jeunes Algériens sont partis en Afghanistan, transitant par l’Arabie Saoudite. Le pire, c’est l’ignorance de cet officier lorsqu’il déclare qu’ils avaient découvert les billets d’argent en faisant passer » la valise diplomatique aux rayons X ». C’est le pire canular après celui des fameux « rayons laser utilisés par le FIS pour écrire le fameux La Ilaha Illa Allah ». Demandez à n’importe quel scientifique, il vous dira qu’il n’existe pas de rayon laser blanc, ni de suffisamment puissant pour être vu en plein après-midi de juillet dans le ciel bleu d’Alger. Demandez à n’importe quel scientifique si les rayons X peuvent faire transparaître des billets de banque dans une valise diplomatique. François Raynaud l’avait bien dit dans les années 70 : plus la couleuvre est grosse, plus elle sera facilement admise.
Si la SM avait eu un brin de preuve d’un financement étranger du FIS, elle l’aurait apporté en son temps et devant l’opinion publique nationale et internationale. Cela aurait constitué du pain bénit pour les généraux. Mais comme tout service spécial, la SM, dont Aboud lui-même fait encore partie, avait fait circuler ces fables aux fins de tenter de discréditer le FIS. Jamais le pouvoir, c’est-à-dire les généraux, ni leurs sous-fifres civils de président et ministres n’ont apporté une quelconque preuve de leurs mensonges. Aboud n’a pas compris encore, tout comme ses supérieurs hiérarchiques, que l’information du pouvoir est totalement discréditée, et que le peuple ne les croira jamais. Voyez encore aujourd’hui le pouvoir et son information, ainsi que sa désinformation, dans les événements tragiques que vit le peuple algérien.
Le FIS a vécu, et vit encore par la cotisation de ses membres, et des dons de bienfaiteurs particuliers. Jamais il ne se pardonnerai d’accepter le plus petit don de n’importe quel pays. Car il tient trop à son indépendance de la parole et de ses positions. Ce qui lui a valu d’ailleurs bien des problèmes avec les gouvernements des pays du Golfe, notamment pour cause de son soutien au peuple irakien agressé sauvagement. Et pour conclure ce point, il y a eu certes financement par l’Arabie Saoudite d’un montant de deux (2) milliards de dollars, et ceci dès 1993 précisément, mais celui-là était allé droit dans la tirelire de guerre de la junte militaire pour l’achat de blindés Fahd et autres arsenaux répressifs. Le général tortionnaire Nezzar, dans ses mémoires, n’écrit-il pas que: « à Ryadh, je fus reçu par Sa Majesté le roi Fahd d’Arabie Saoudite pendant deux heures durant lesquelles il tint à m’informer de sa position vis-à-vis des islamistes et du problème qui se posait en Algérie [ ]. Il me dit : « Ce ne sont pas des musulmans », et répéta à plusieurs reprises : el assa, el assa, el assa (le bâton, répété trois fois) » (Nezzar, Mémoires, Ed. Chihab, Alger 1999, p. 268).
Il reste que certaines informations, que rapporte Aboud et que tant d’autres avant lui avaient rapportées, sont bien entendu véridiques. Oui : « les généraux se sont trompés dans leurs calculs. La situation est devenue ingérable. »
Oui : » Les décideurs pensaient avoir donné des miettes au FIS. Ils pensaient alors que le FIS n’avait pas de pouvoir et qu’il allait échouer dans la gestion des mairies. Après les municipales, le pouvoir a tenté de disperser les forces islamistes pour que la situation reste gérable. Ils ont par exemple demandé à Mahfoud Nahnah de créer le Hamas, un parti islamiste »
Malgré tout cela, la junte militaire d’Alger que nous avons dénoncée en 1988 déjà, puis depuis 1992, et que le peuple vomit ouvertement à présent, a dépassé sa ligne rouge par sa responsabilité pleine et entière dans la mort de plus de 200’000 personnes depuis le coup d’État de janvier 1992. Elle a engagé une guerre au FIS et au peuple sous le prétexte de défendre ce dernier de la « barbarie qui va s’installer au bord de l’Europe », et au nom de la démocratie. Elle a fait disparaître plus de 10’000 personnes au nom de la sauvegarde de la République, poussée en cela par beaucoup de prétendu démocrates. Car elle a installé en Algérie un régime démocratique. Au nom de quoi la junte militaire justifiera-t-elle sa barbarie actuelle contre la population de Kabylie et d’ailleurs.
Aboud n’est qu’un officier, qui n’a pu réaliser ses ambitions. Il ne regrette ni ses activités au sein de la SM, ni les assassinats commis par les forces de sécurité, « il les comprend » nous dit-il. Il ne reconnaît pas non plus la participation active et passive de l’armée dans les massacres; il est venu pour laver plus blanc ses chefs et la hiérarchie militaire qu’il a si bien servie.
Cela suffit pour jeter un discrédit sur ses témoignages, qui ne le sont d’ailleurs pas.
Je vous remercie pour la publication de ce courrier, et je vous informe de ma disponibilité pleine et entière pour de plus amples clarifications.
Brahami Mostafa
Universitaire
Lausanne – Suisse
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