Accusations et manque de preuves

 

Canal + contre le DRS

Accusations et manque de preuves

Le Quotidien d’Oran, 3 novembre 2002

Un documentaire de la chaîne française Canal + remet sur le tapis la thèse d’une implication des services secrets algériens dans les attentats parisiens de 1995. Et ceci, alors que le procès du GIA à Paris n’a rien pu prouver dans ce sens.

Jean Baptiste Rivoire et Romain Icard, deux journalistes français, exhument à nouveau la thèse récurrente d’une manipulation du DRS algérien dans les attentats de Paris alors que la cour d’assises spéciale de Paris vient de condamner Boualem Bensaïd et Aït Belkacem, membres du réseau du GIA en France, à une peine de perpétuité quant à leurs responsabilités dans ces attentats. Thèse régulièrement soulevée par la défense de ces deux terroristes, l’instrumentalisation du GIA par les services secrets algériens est remise sur le tapis par un journaliste français qui s’est déjà distingué par une lecture sommaire et affligeante sur le massacre de Bentalha en 1997, s’appuyant sur le témoignage controversé de Nesrallah Yous.

Pour ce reportage, Rivoire et Icard tentent de construire un scénario dans lequel l’ancien émir national du GIA, Djamel Zitouni, a été retourné par les services secrets algériens et utilisé pour frapper la France: «Ils révèlent comment Djamel Zitouni et son lieutenant Ali Touchent, organisateur des attentats de Paris de 1995, ont été recrutés et utilisés par les services secrets algériens pour faire pression sur la France et contraindre Paris à soutenir le régime des généraux», indique la présentation de ce reportage qui sera diffusé ce lundi sur Canal +.

Les deux journalistes n’ont pas eu à aller pêcher très loin les témoins qui vont donner une forme diffamatoire à ces allégations. Jean Baptiste Rivoire est allé directement tendre son micro aux «officiers» déserteurs du MAOL qui sont réfugiés en France ou à Londres et qui furent, pour la majorité, radiés de l’armée pour appartenance à une organisation terroriste ou islamiste.

D’abord, Hocine Ouaguenoune, alias Hassine, alias le «capitaine Haroun». Cet officier déserteur affirme que Zitouni a été retourné dans un camp d’internement du Sud après que les services l’ont menacé de «dévoiler son homosexualité». La crédibilité de Ouaguenoune, nommé capitaine en 1994 et déserteur en août 1995, n’est plus à démontrer du moment que cet ancien chimiste de formation est un membre actif du FIDA grâce à son beau-frère Athman Talahacht. Il a été envoyé par l’armée suivre une formation de doctorat en région parisienne d’où il avait ramené un fusil à pompe, découvert dans une cache du FIDA. Ce fusil a servi à assassiner le colonel Boumezrag en décembre 1995 à Alger. Ouaguenoune a même essayé un moment d’organiser à Paris des attentats contre des militaires algériens de passage grâce aux renseignements qu’il avait du fait de ses contacts en tant qu’officier avec l’ambassade d’Algérie à Paris.

Le second témoin est l’ancien capitaine Ahmed Chouchène qui affirmera qu’il avait reçu l’ordre d’un colonel de l’armée algérienne de «laisser Zitouni tranquille». Un témoignage déjà entendu, paradoxalement, au procès opposant le général Khaled Nezzar au sous-lieutenant Habib Souaïdia. Chouchène avait fini par déserter pour rejoindre les rangs du FIDA et a évité de justesse les arrestations contre les islamistes entre 1994 et 1995. Le troisième témoin n’est autre que le fameux colonel B.Ali, autoproclamé général, et un des animateurs du site anp.org avec Ouaguenoune et les quatre autres officiers déserteurs dont le colonel Samraoui.

Ces témoins ont tous la particularité d’avoir été retournés par les services secrets occidentaux, donnant des informations infondées sur les structures de l’armée – aucun d’eux n’avait un poste de responsabilité ou une fonction stratégique au sein du DRS – contre un statut de réfugié politique. L’autre dénominateur commun étant qu’ils n’avaient jamais vécu dans une unité opérationnelle, en n’étant donc pas dans les secrets des opérations antiterroristes, et surtout étaient, pour la plupart, réfugiés en France lorsque… Djamel Zitouni était à la tête du GIA.

Au-delà de ces témoins «au-delà de tout soupçon», Rivoire a également fait parler Abbès Aroua, islamiste impliqué dans une affaire de terrorisme avec Dhina et réfugié en Suisse, ou encore Hichem Aboud, l’auteur de «La mafia des généraux» qui quitta les services spéciaux en 1991, ou encore Abdelhamid Brahimi, alias «Brahimi la science», à qui on doit la mise à genoux de l’économie algérienne. Cette émission qui passe, bizarrement, à quelques jours du lancement de l’Année de l’Algérie en France pour 2003, risque de mettre à mal des relations algéro-françaises passionnelles et tendues. Le reportage de l’émission «90 minutes» sur Canal + entre, selon les observateurs, dans le cadre de la campagne contre l’armée algérienne qui n’a eu de cesse de croître. Jean Baptiste Rivoire qui n’a pourtant pas mis les pieds en Algérie depuis 7 années et qui n’a avancé aucune preuve tangible à sa théorie, est celui-là même qui créa un jour un scandale en interpellant devant le siège de l’ambassade d’Algérie à Paris des contractuels algériens en leur demandant: «Savez-vous que vous travaillez dans une ambassade d’assassins ?».

Mounir B.