Le général Lamari à Tunis

Le général Lamari à Tunis

Convention militaire et lutte antiterroriste

Mounir B., Le Quotidien d’Oran, 21 novembre 2001

Après Stuttgart, Bruxelles, Ankara et New Delhi, le général de corps d’armée Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’ANP, s’est rendu ce mardi à Tunis à l’invitation de son homologue tunisien Dali El Djazi, où il sera question de coopération militaire.

Des sources à Alger indiquent que ce déplacement du patron de l’armée algérienne en Tunisie va se conclure par la signature d’une «convention dans le domaine de la coopération militaire». Les relations militaires algéro-tunisiennes ont toujours été marquées par un climat de sérénité et d’échanges mais sans davantage d’implications pratiques dans le domaine militaire. Durant ces dix dernières années, la relation militaire entre les deux pays s’est cantonnée dans la surveillance commune des frontières algéro-tunisiennes afin d’éviter une exfiltration des commandos du GIA/GSPC en Algérie, via l’Italie ou l’Albanie, et en échange la Tunisie se prémunissait contre une contagion islamiste venant du territoire algérien. Tunis ayant prouvé au niveau maghrébin, à l’inverse de Rabat, que la coopération antiterroriste était active et concrète.

Mais durant ces deux dernières années, deux incidents le long des frontières tunisiennes ont fait craindre aux deux gouvernements une extension de la menace terroriste vers l’est. L’armée tunisienne avait contribué à soutenir l’Algérie dans sa lutte interne contre les groupes terroristes en renforçant ses effectifs le long des frontières, permettant ainsi aux unités de l’ANP de se consacrer davantage aux maquis islamistes à l’ouest et tout au long des frontières algéro-marocaines où la menace est plus explicite. Mais depuis, le groupe salafiste de Hassan Hattab a délégué son adjoint, Abderezak «le Para», dans la région de Tébessa, ce qui a fait régner une tension nouvelle et perceptible dans cette zone.

L’attaque du poste frontière en mai 2000 et une incursion terroriste d’éléments du GSPC en territoire tunisien en octobre dernier avaient changé la donne qui prévalait depuis 1990. Car depuis cette date et la traque des unités parachutistes de l’ANP contre le premier groupe des «Afghans Algériens» originaires d’El-Oued, dirigés par Tayeb Al Afghani et qui ont commis une attaque contre une caserne de transmission à Guemmar, rien ou presque ne fut signalé le long des frontières communes.

Rien n’indique que c’est cette inquiétude qui motive les généraux Lamari et El Djazi à se rencontrer à Tunis et à signer une convention de coopération militaire. Militaires algériens et tunisiens partagent des vues semblables concernant la lutte antiterroriste et son corollaire qui est une opposition franche à l’extension des foyers islamistes dans le Maghreb. Une convergence renforcée par l’adhésion à la coalition antiterroriste internationale dirigée par les Etats-Unis. Une coopération sécuritaire existe entre services spéciaux symbolisée par la coopération dans le domaine des renseignements sur les réseaux islamistes algériens et tunisiens en Italie et dans l’Europe balkanique. La proximité de l’Italie avec la Bosnie faisant craindre un repli des terroristes formés en Afghanistan vers le Maghreb via la Tunisie et la Libye qui possède des frontières communes avec les deux pays.

Mais une autre forme de menace semble mobiliser les deux armées. La contrebande intensive que se livrent des réseaux mafieux des deux côtés de la frontière inquiète les deux gouvernements. La riposte policière ne semble plus suffire à dissuader ces réseaux spécialisés dans le trafic de voitures, de drogue, d’armes et même de mercure rouge comme l’a prouvé le démantèlement d’un groupe spécialisé dans la commercialisation de cette matière servant dans la fausse monnaie. Le renforcement des unités de gardes-frontières devrait être une des bases de cet accord avec une lutte plus poussée contre ces mafias qui recrutent leur protection au sein des groupes terroristes de Tébessa, Khenchela, Batna et El-Oued.

Ce déplacement du général Mohamed Lamari marque également l’ouverture extérieure de l’ANP sur les partenaires étrangers car avec l’accord signé avec le voisin tunisien, l’armée algérienne peut se prévaloir d’avoir réussi à lier des pactes militaires avec d’autres armées à Pékin, Moscou, Doha, Ankara, New Delhi, Pretoria…