Le revirement occidental

Le revirement occidental

Par Reda Bekkat, El Watan, 17 septembre 2001

Les Occidentaux seraient-ils sur le point de revoir leur approche à l’égard de l’Algérie. Les attentats contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington semblent avoir été le détonateur à ce revirement des capitales occidentales.

Si l’on a constaté à partir de 1996-97, c’est-à-dire globalement depuis les attentats perpétrés en France par le GIA, un certain fléchissement dans l’attitude européenne à l’égard de l’Algérie, fortement marquée par une rigidité impulsée entre autres par l’Internationale socialiste, les attaques terroristes contre New York et Washington ont opéré une rupture sans doute définitive vis-à-vis de l’Islam politique en Algérie. Il est en effet plus judicieux de parler de fléchissement pour ce qui est de l’approche européenne alors que les Américains préféraient parler à partir de 1998 d’une «approche positive» sous l’administration Clinton. Une progression qui se voulait aussi bien diplomatique que militaire, puisque pour la première fois depuis l’indépendance, des manœuvres communes entre les marines algérienne et américaine ont eu lieu en Méditerranée. Ces manœuvres sont intervenues, il faut le rappeler, quelques mois après la visite de l’amiral américain Lopez, officier de commandement au sein de l’Otan. Le volet diplomatique fut quant à lui marqué par la rencontre à Washington entre le ministre algérien des Affaires étrangères et le secrétaire d’Etat américain, la première depuis 1991 et qui intervenait après l’annonce par Zeroual d’élection présidentielle anticipée. Depuis, les choses ont progressé régulièrement si l’on peut dire. Une délégation conduite par Martin Indyck est venue à Alger en septembre 1999 pour renforcer cette approche positive, suivie par la visite du commandant de la VIe flotte. La rencontre de Rabat entre Clinton et Bouteflika a permis aux deux chefs d’Etat d’examiner les relations bilatérales. La lettre du président américain envoyée au début de l’année dernière, c’est-à-dire après la découverte de tentatives d’attentats à Seattle avec l’implication d’Algériens comme Ahmed Ressam dans le réseau Ben Laden, révèle une «volonté de coopération accrue pour faire face à ceux qui veulent nuire (…) et s’attaquer de manière violente (…) aux systèmes politiques respectifs». Clinton parlait de la nécessité de l’urgence d’une telle coopération. Ce message fort est venu renforcer le chassé-croisé diplomatique et militaire entre les deux pays. Puisque le général de corps d’armée Mohamed Lamari, chef d’état-major de l’ANP, s’est rendu, accompagné d’une forte délégation du MDN, an quartier général du commandement des forces américaines en Europe. Cette visite fut précédée par des manœuvres militaires conjointes entre les deux marines au large des côtes algériennes. La visite de Bouteflika en juillet dernier aux Etats-Unis a signifié pour beaucoup d’observateurs la fin de cet embargo occidental sur l’armement qui ne dit pas son nom à l’égard de l’Algérie. On avait évoqué à l’époque la possibilité pour l’ANP d’acquérir auprès des USA un armement pour la lutte antiterroriste équipé de système de vision nocturne. Cette coopération s’est quelque peu renforcée sur le terrain puisque les enquêteurs américains et même un responsable du FBI se sont déplacés vers Alger pour obtenir plus de renseignements dans le cadre de l’affaire Ressam et entendre le terroriste Dahoumène. Tout comme il semblerait que suite aux attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, les enquêteurs américains auraient sollicité leurs homologues algériens pour avoir des informations plus détaillées sur l’implication du réseau algérien dans la nébuleuse Ben Laden.