Bush offre sa revanche à Bouteflika

DEMANDANT AUX AFRICAINS DE RATIFIER LA CONVENTION ANTITERRORISTE D’ALGER

Bush offre sa revanche à Bouteflika

Mounir B., Le Quotidien d’Oran, 31 octobre 2001

Le président américain, George W. Bush, a appelé l’ensemble des pays africains à ratifier la convention d’Alger contre le terrorisme adoptée le 14 juillet 1999 par l’OUA. Une convention qu’avait difficilement fait alors adopter le président Bouteflika et que peu de pays africains ont ratifiée.

« L’Afrique doit se doter d’outils judiciaires, diplomatiques et financiers supplémentaires pour éradiquer le terrorisme», a souligné le président américain, lors du Forum des ministres africains du Commerce qui se tient à Washington, au siège du département d’Etat de Colin Powell. «Dans une ère de commerce mondial et de terrorisme mondial, les avenirs du monde développé et du monde en voie de développement sont étroitement liés (…). Nous ne sommes pas invulnérables aux troubles des autres. Nous faisons face aux mêmes menaces et nous partageons le même objectif, construire un avenir avec plus d’ouverture, de commerce et de liberté», a-t-il ajouté. Bush junior remerciera également les pays africains qui soutiennent la campagne américaine contre le terrorisme, avec un hommage particulier aux Etats africains qui ont offert des bases et le droit de survol aux forces aériennes américaines, ainsi que ceux qui luttent contre les réseaux de financement du terrorisme, sans toutefois les citer.

Cet appel du président américain aux pays africains, intervient dans une conjoncture complexe. La convention d’Alger contre le terrorisme que le président Bouteflika, alors secrétaire-général de l’OUA, avait introduite auprès de ses pairs africains, avait donné lieu à des débats byzantins, en juillet 1999, dans les salons feutrés du Palais des Nations. Nombre d’Etats africains avaient tergiversé pour signer cette convention, au milieu de l’affaire Lockerbie qui affectait la Libye de Moâmmar El-Gueddafi, et avaient fait de la levée de l’embargo, un préalable à la signature. L’attitude ambiguë, vis-à-vis de certains Etats africains, tels que le Soudan, avait également pesé sur l’adoption de cette convention. Résultat des courses, seulement 36 Etats de l’OUA sur 53 avaient signé cette convention à Alger et trois uniquement l’ont ratifié depuis. Au grand dam de l’Algérie et de l’Egypte qui avaient poussé vers une large ratification de cette convention.

Le 20 octobre dernier à Dakar, les pays africains se sont à nouveau rencontrés, mais cette fois dans un contexte marqué par les répercussions des attentats du 11 septembre à New York. Washington espérait une adoption d’une résolution africaine ferme, mais le président sénégalais, Abdoulaye Wade, conseillé par Paris, avait orienté les débats vers une déclaration contre le terrorisme qui s’abstenait de reprendre les termes de la convention d’Alger. En appelant précisément les pays africains à ratifier la convention introduite par l’Algérie en juillet 1999, après les attentats anti-américains de Dar-es-Salam et Naïrobi, Washington accorde sa préférence au texte algérien et met les autres Etats africains, partagés dans leurs attitudes, devant une responsabilité gênante.

Ainsi, l’inlassable implication diplomatique de l’Algérie au niveau africain se voit récompensée. Alger a été l’initiatrice de plusieurs autres conventions antiterroristes régionales, dont la convention arabe pour la suppression du terrorisme, signée le 22 avril 1998 et déposée auprès du secrétaire général de la Ligue Arabe, ou celle de l’OCI adoptée à Ouagadougou le 1er juillet 1999. Dans toutes ces rencontres, comme au sein de l’ONU, les diplomates algériens avaient fait preuve d’une opiniâtreté considérable afin de convaincre leurs partenaires africains, arabes ou islamiques, d’adhérer à une dynamique internationale de lutte contre le terrorisme. Et bien souvent, les Algériens s’étaient retrouvés pratiquement isolés à prêcher la nécessité de se doter d’instruments juridico-diplomatiques adéquats face à la menace terroriste.

L’intervention de George W. Bush est venue rétablir une adhésion mitigée de certains Etats africains qui, ironie politique, ont plusieurs de leurs ressortissants qui figurent sur les avis de recherches, diffusés récemment par le FBI, et qui pour d’autres sont soupçonnés d’avoir abrité Oussama Ben Laden et des éléments de la Qaida sur leurs territoires entre 1990 et 1999.