Les conditions de la coalition selon Bouteflika

Intervention US contre l’Afghanistan

Les conditions de la coalition selon Bouteflika

Ahmed Sakhri, Le Quotidien d’Oran, 8 octobre 2001

Le président Bouteflika s’est montré très critique à l’égard des Etats-Unis et de ses alliés à propos de leur conception du terrorisme, lors de son discours d’ouverture de l’année universitaire dont la cérémonie s’est tenue à l’université de Bab-Ezzouar.

Bouteflika exige aussi des Etats-Unis des preuves sur l’implication de l’Afghanistan dans les attentats du 11 du mois dernier tout en montrant des réserves à l’encontre des frappes contre un peuple «de même religion».

Bouteflika a également donné hier l’image d’un homme partagé entre la nécessité de la poursuite de la lutte contre le terrorisme et l’obligation de préserver les liens avec les pays islamiques sur le plan extérieur et l’aboutissement de la réconciliation nationale au niveau interne. Il reconnaît lui- même qu’il a de plus en plus de difficultés à convaincre ses partenaires de la viabilité de son projet et ce au moment où les choses sont devenues plus difficiles après les attentats subis par les Etats-Unis.

«Nous ne sommes ni des lâches ni des indécis» souligne aussi le président pour répondre aux sollicitations dont il a fait l’objet pour faire partie de la coalition des alliés afin d’opérer des frappes contre l’Afghanistan. Il ajoute qu’il ne se solidariserait avec l’initiative de ces attaques que si elles sont précises dans leurs objectifs et si des preuves fermes sur l’implication de ce pays sont présentées.

Le président développe aussi son point de vue vis-à-vis des pays qui ont pendant longtemps abrité des terroristes pour demander plus tard une aide pour éradiquer ce phénomène lorsque ce sont les intérêts de ces pays qui sont menacés. Il consent néanmoins à porter un appui à la lutte contre le terrorisme aussi bien au niveau mondial qu’interne en utilisant même le terme d’éradication qui ne lui est pourtant pas familier mais il prend le soin de prévenir les Etats-Unis contre toute précipitation dans son comportement avec la crise mondiale actuelle. Bouteflika se situe aussi aux antipodes de ceux qui prennent prétexte des attentats pour faire des amalgames entre les terroristes et l’Islam dont les valeurs appellent au contraire au pardon. La crainte selon laquelle les Etats-Unis exploiteraient la faiblesse des pays sous-développés pour les inciter à entrer dans une coalition contre l’Afghanistan est aussi stigmatisée par le président qui demande une place respectable sur l’échiquier de la mondialisation.

Bouteflika s’étonne aussi du fait que les pays islamiques soient régulièrement accusés de recours au terrorisme alors que des dizaines de personnes tombent chaque jour dans certains de ces pays comme la Palestine. Il cite aussi les souffrances endurées par le Liban, la Syrie et l’Irak après des agressions extérieures sans que les Etats-Unis ne daignent intervenir pour mettre fin à ce déni de droit.

Malgré ces remontrances Bouteflika accepte le principe de co-responsabilité dans l’étendue du phénomène du terrorisme qui menace selon lui l’Humanité entière. Pourtant cette vision de globalité est loin d’être partagée par les pays occidentaux qui «abritent des terroristes sans qu’ils ne se préoccupent du nombre de leurs victimes dans des contrées considérées comme lointaines». Bouteflika promet d’ailleurs de rendre public le chiffre exact des victimes du terrorisme pour convaincre le reste du monde des méfaits de ce phénomène. Même sur le plan intérieur le président a réitéré ses paroles tenues lors de sa visite à Jijel à savoir que la violence est rejetée par la Constitution et qu’il continuera à exclure ceux qui font usage des armes, de tout dialogue. Toutefois il reconnaît le droit à toutes les tendances de s’exprimer ce qui lui permettra peut-être de gagner quelques voix à son projet de réconciliation nationale. Mais ces voix ne viendront certainement pas des représentants des âarouchs auxquels d’ailleurs il ne s’est pas intéressé lors de son discours jugeant sans doute que les propositions transmises par le biais du premier ministre sont suffisantes pour trouver une solution à la crise qui a débuté depuis avril dernier.