Algérie: Ramadhan et violence

Ramadhan et violence

Une observatrice attentive

Il est fréquent de lire dans la presse, à propos de l’Algérie, que le mois de Ramadhan est, plus que toute autre période de l’année, un mois de violence, un mois sanglant. A tel point que cela est devenue une banalité. Pourtant, cette affirmation est contestable, et mérite au moins d’être interrogée. D’abord, les premiers grands massacres (Bentalha, Raïs..) n’ont pas eu lieu pendant le Ramadhan, mais à la fin de l’été et à l’automne 1997, après qu’une trêve ait été conclue entre l’Etat-major de l’armée et l’AIS, ce qui fait penser qu’il s’agissait d’une action destinée à saboter la trêve. L’ampleur de ces massacres à 3 chiffres et la réaction (enfin) de l’opinion internationale, ainsi que les doutes exprimés par les organisations des droits de l’homme quant à la responsabilité exclusive des islamistes, ont provoqué une dynamique nouvelle. Interpellé et menacé d’une commission d’enquête internationale, le régime devait trouver une parade. Par la suite, d’autres massacres ont eu lieu, notamment dans la région de Relizane, et l’APS et la presse francophone (dont on sait qu’elle est, en matière d’information sécuritaire du moins, manipulée par le pouvoir), se sont empressées de faire le lien avec le Ramadhan, qui avait lieu effectivement à ce moment. Les médias occidentaux leur ont emboîté le pas, tant et si bien que cette idée reçue est, depuis, tellement ancrée, que tout le monde reçoit comme une évidence le fait que le mois de Ramadhan est un mois où la violence s’intensifie. Mais l’a-t-on seulement vérifié? La violence n’est-elle pas malheureusement devenue une constante, avec des périodes d’accalmie ou au contraire d’intensification qui ne coïncident que par hasard avec des événements religieux? D’autant que ce qui varie, c’est souvent la manière dont les médias couvrent cette violence, la taisant par moments et la mettant en exergue à d’autres. Ainsi, plusieurs semaines avant le Ramadhan 1998-99, on annonçait l’approche de ce « mois de violence », alors que des tueries, dont on parlait à peine, avaient lieu tous les jours!

Pour tenter des explications de cette violence, il faut plutôt chercher du côté du politique, et être très prudent, compte tenu de la complexité de la situation. S’il est certes plus facile pour des médias à la recherche de faits sensationnels de frapper les esprits en associant massacres et Ramadhan, discréditant et diabolisant ainsi, sciemment ou non, un peu plus l’islam aux yeux de l’opinion occidentale, ce type d’évidence, ne sert-elle pas aussi à masquer les véritables causes de la violence? Par exemple, les tueries de ces derniers jours n’ont-elles pas plutôt un lien avec les prochaines élections présidentielles? Pourquoi, au début de ce mois de Ramadhan, tant que le « consensus » autour de la candidature d’A. Bouteflika se mettait en place et que celle-ci était annoncée triomphalement, suggérant que le champ politique était à nouveau verrouillé et l’issue de la prochaine élection désormais scellée, a-t-on joui d’une relative accalmie? Et pourquoi, depuis que la réaction à ce « consensus » fabriqué par les services de sécurité se manifeste par des prises de position au sein des partis et en dehors, par d’autres candidatures d’envergure, et que s’ébauchent des alliances et stratégies alternatives, les massacres ont-ils subitement repris?

Retour