Général Touati: «On ne peut s’engager militairement sans l’ONU»

LE GENERAL-MAJOR MOHAMED TOUATI

«On ne peut s’engager militairement sans l’ONU»

Par A. Samil et M. Chawki, El Watan, 27 septembre 2001

Dans un entretien accordé à El Watan et à notre confrère El Khabar, le général-major Mohamed Touati, conseiller à la Présidence de la République, revient bien évidemment sur les attentats terroristes sans précédent qui ont frappé les Etats-Unis le 11 septembre dernier.

Il dit notamment pourquoi un engagement militaire direct de l’Algérie ne lui semble pas envisageable, aux côtés de la coalition, en dehors du cadre légitime de l’ONU et de la mise en œuvre des dispositions de sa Charte.En termes de gains, à la suite de ces événements tragiques, il estime opportune la conjoncture pour détromper les opinions et les Etats occidentaux sur la réalité du vécu algérien depuis une décennie. Attaqué à plusieurs reprises dans la presse par l’ancien chef de gouvernement Belaïd Abdesselam, le général Touati livre sa version des faits.

Après les attentats sans précédent qui ont frappé les Etats-Unis le 11 septembre dernier, l’Algérie a déclaré souscrire, sous quelques réserves, à une coalition antiterroriste internationale. Quelle forme pourrait prendre son éventuel engagement dans cette coalition ?
Je vous donnerai mon point de vue à titre personnel, non en tant que représentant de la Présidence ou du ministère de la Défense nationale. Je ne conçois pas que l’Algérie puisse s’intégrer dans une coalition militaire qui aurait pour but d’agresser militairement un pays. Relisez la Constitution et vous verrez que l’Algérie, en principe, s’interdit tout recours à la violence et milite pour le règlement pacifique des conflits.
A la limite, je ne vois pas ce que pourraient apporter nos forces aux Etats-Unis et à l’Europe qui en ont suffisamment. Par contre une coopération de police pourrait s’avérer efficace. En ce qui nous concerne, depuis des années nous n’avons cessé de mettre en garde et de recommander que cette menace terroriste transnationale soit prise en charge dans un cadre collectif et, au besoin, par des instances internationales.

Si on écarte l’idée d’un engagement militaire direct, quel pourrait alors être le rôle de l’Algérie ?
La définition de la nature de la contribution et du rôle de l’Algérie est du ressort des instances politiques habilitées. Je pense que l’Algérie continuera de jouer le rôle qu’elle a joué jusqu’à présent dans le cadre de son combat contre le terrorisme. Son rôle pourrait porter sur la levée des supercheries et des amalgames trompeurs entretenus par les organisations terroristes et leurs alliés occultes mais connus.

Vous conviendrez tout de même qu’il y a un nouveau contexte. Les pays occidentaux qui invitent aujourd’hui à un large front antiterroriste n’ont pas toujours été dans ces dispositions. Ils offraient l’asile à des terroristes notoires.
Ce que nous pouvons espérer, c’est que les tragiques événements vécus par les Américains, ce 11 septembre, amènent tous ces pays que vous évoquez à faire un effort sur eux-mêmes, à une introspection pour imaginer et prendre en considération les souffrances terribles endurées par d’autres avant eux, du fait du terrorisme. Il faut alors espérer qu’ils resteront fidèles aux engagements qu’ils ont solennellement pris devant l’humanité entière.

Ne pensez-vous pas que l’Algérie devrait mettre à profit ce climat résolument antiterroriste pour engranger des gains dans la lutte qu’elle mène depuis une dizaine d’années ?
J’aimerais quand même faire une précision : au niveau de ce qui est public du moins, nous n’en sommes encore qu’au stade de fortes présomptions concernant l’appartenance exacte des auteurs des attentats du 11 septembre. On ne peut, à mon sens, ni s’engager militairement ni partir billes en tête sur la base de seules présomptions. Mais si, demain, il peut être établi, suivant des procédures incontestables, que nous sommes en présence de preuves irréfutables sur le rôle de tel pays ou telle organisation, il y aura alors à mettre en œuvre les instruments et les actions prévus par la Charte des Nations unies.
Que va engrager l’Algérie ? En toute humilité, je ne saurais vous le dire. Mais, ce que je souhaite en ces circonstances, c’est qu’elle puisse détromper l’opinion internationale qui a été abusée par des sources liées au terrorisme international et au terrorisme qui sévit en Algérie, notamment sur la réalité de ce qui s’y déroule. Je souhaite donc que l’Algérie arrive à détromper l’opinion publique de certains pays quant à toutes ces tentatives sournoises qui visent à déculpabiliser les auteurs des massacres commis qui ont mutilé et blessé à vie l’esprit et la mémoire de nombre de nos compatriotes. Il nous faudra agir dans ce sens, mais la question ne dépend pas que de nous. Il faudra aussi compter avec l’amour-propre des Etats qui ne se déjugent pas facilement du jour au lendemain.

Comment appréciez-vous la campagne médiatique qui a resurgi avant l’été et ciblant particulièrement les généraux de l’ANP ?
Il me revient à l’esprit pour répondre à votre question ce qu’écrivait en 1996 dans le journal Le Monde un chercheur égyptien de l’Institut des études stratégiques de Londres. En conclusion de son étude sur le FIS et l’intégrisme en Algérie, ce chercheur notait que la révolution islamique avait échoué en Algérie dès lors que le FIS n’avait pas réussi à casser l’homogénéité, l’harmonie et l’unité de l’armée, ce qui était parfaitement logique. Il est indéniable que l’armée algérienne, dans son unité et sa cohésion, jouissant de la confiance de forces nationales, cette armée était réellement un rempart qui a empêché le succès du FIS ainsi que de l’opposition qui lui était alliée. Aujourd’hui, et tirant les leçons des années 1993-94, la campagne orchestrée contre l’ANP se veut sélective en ce sens que ses animateurs essayent de séparer la hiérarchie de l’armée du reste de la même armée. Je ne sais pas quels sont les partis et les parties liés au FIS. Mais on peut les imaginer. Ils ne sont pas uniquement Algériens. Je ne verse pas dans la langue de bois en disant que ces partis et parties sont aussi étrangers. Ces foyers qui ont une existence réelle et qui prêtent assistance à ces milieux se retrouvent, peut-être, dans les objectifs poursuivis par toute cette campagne pour la réhabilitation du FIS. Pour la concorde civile, certains milieux, à partir de l’étranger, soutiennent qu’elle est une paix manquée parce qu’elle n’a pas englobé le volet politique. Ces milieux rendent l’ANP responsable de cet échec. Je relève, pour ma part, qu’il est vraiment curieux de reprocher d’un côté à l’armée d’empêcher une solution politique et de lui faire le même reproche quand elle ne traite pas de questions politiques à l’occasion de sujets sécuritaires. Il convient par conséquent de ne pas tout mélanger concernant la concorde civile. Le président de la République a été explicite sur ce sujet. A partir du moment où des gens qui ont versé dans le terrorisme, quels qu’aient pu être les mobiles qui les y ont poussés, font savoir qu’ils veulent abandonner cette voie et revenir à celle de la raison moi, je le dis haut et fort. Je suis de ceux qui admettent qu’il faut leur répondre en leur ouvrant la voie de la raison et de la réinsertion. Je ne suis pour qu’on les traite par le canon. Ne vous attendez pas à ce qu’il y ait des militaires algériens qui leur répondraient par les armes lorsqu’ils font savoir qu’ils doivent se confier à la justice. S’agissant de ceux qui ont refusé d’emprunter la même voie, la réponse me paraît simple, c’est celle de la rigueur de la loi, je parle de la rigueur de la loi pénale à travers la mise en œuvre de la force publique toutes catégories mobilisés. Il faut comprendre que nous nous sommes trouvés devant une situation inédite que personne n’avait envisagée. C’est pourquoi, même si chacun est libre de l’apprécier comme il veut, y compris de la trouver mauvaise, la loi sur la concorde civile a eu des effets qui méritent hautement d’être soulignés : ce sont tout de même entre 5000 et 6000 personnes qui ont déposé les armes, qui ont tourné le dos aux actes criminels et destructeurs. Mettez-vous bien dans l’idée que la lutte antiterroriste consomme des énergies et des hommes et que ce n’est pas toujours facile pour le lieutenant, l’adjudant, le commandant ou le commissaire de s’épuiser à les pourchasser. Je tiens à ce que cela ne soit pas oublié, ces gens qui ont déposé les armes avaient versé dans le crime, mais dès lors qu’ils ont demandé à réintégrer la société, on n’a pas le droit moralement de le leur refuser et de les contraindre à une forme de bannissement.

Vous avez cité le chiffre de 5000 à 6000 hommes qui ont déposé les armes. N’y a-t-il pas déjà une ombre au tableau avec ces cas de repentis qui regagnent de nouveau les maquis et qui sont signalés çà et là ?
Quand vous faites une opération de cette envergure à l’échelle nationale, il faut s’attendre à ce que, immanquablement, des cas isolés ne respectent pas la règle du jeu. A vous dire vrai, je n’ai pas eu connaissance de cas significatifs. Les défections dont je suis au courant s’expliqueraient, semble-t-il, davantage par des contingences locales que par des intentions politiques. C’est ce que l’on peut considérer comme des «impondérables».

L’ancien chef de gouvernement, M. Belaïd Abdesselam, vous prend régulièrement pour cible dans ses déclarations à la presse. Peut-on connaître le différend qui vous oppose ?
J’aimerais bien, moi aussi, avoir à donner ma version des choses. Et ce n’est pas nécessairement celle qu’appréciera M. Belaïd Abdesselam. Mais je dois tout de même dire que sa désignation à la tête du gouvernement, après la disparition du président Mohamed Boudiaf, avait suscité quelques espoirs. C’était le cas pour moi, en dépit des appréhensions et des doutes de nombreux cadres quant à la faculté et à la disponibilité de M. Abdesselam à s’adapter au nouveau contexte politique et économique. M. Abdesselam m’accuse dans ses déclarations à la presse d’interférer dans ses activités en laissant entendre que je faisais irruption dans son cabinet. Ce n’est pas le cas. Nous étions en 1992, et M. Abdesselam en tant que chef de gouvernement avait nommé M. Hardi ministre de l’Intérieur et M. Tolba ministre délégué à la Sécurité. Comme nous étions en régime d’état d’urgence, d’expérience nous avions estimé nécessaire de recourir à une cellule de coordination, de réflexion et de proposition pour toutes les mesures qui pouvaient découler donc de l’état d’urgence mais destinées à rétablir l’ordre public et assurer la sécurité des personnes et des biens. Il y avait donc un groupe placé auprès du chef du gouvernement et qui était composé de cinq ministres, de deux hauts fonctionnaires et de moi-même en qualité d’officier de liaison du ministère de la Défense. M. Abdesselam n’arrête pas de lancer à la cantonade que je serais au service de certains intérêts. Tout cela parce que je m’étais permis de lui faire une remarque sur le projet de code des investissements qu’il avait vidé de toute sa substance en ajoutant un article ou un alinéa d’article obligeant tout investisseur algérien, qu’il soit résident ou non, de déclarer devant notaire l’origine des fonds à investir.
La plupart de ses collaborateurs étaient contre cette disposition mais ils n’osaient pas le lui dire, parce que, il faut le dire, même des membres du gouvernement n’entraient qu’avec appréhension dans son bureau. C’est d’ailleurs un de ses ministres qui m’avait fait part de ses craintes sur cette disposition qui risquait de faire ressembler le code des investissements à un code pénal, alors que tout le reste était excellent. Il ne faut pas du tout croire que nos rapports étaient mauvais, conflictuels, comme le laisseraient suggérer ces déclarations dans les journaux. Nos rapports étaient au contraire excellents, très confiants. Au point où je m’étais permis d’intervenir auprès de lui après la suspension qui avait frappé (en 1993) le quotidien El Watan et l’arrestation de cinq de ses journalistes. Je considérais que le journal n’avait commis aucune infraction ni violé aucun secret militaire en rapportant l’information de l’attaque terroriste contre la brigade de gendarmerie de Ksar El Hirane. Sur le moment, il ne m’avait rien dit, mais plus tard, il ne s’empêchera pas de laisser entendre que j’étais au service de la presse privée.

A ce niveau, on ne voit toujours pas les éléments d’un différend entre vous et M. Belaïd Abdesselam. A-t-il surgi plus tard ?
Je me suis vite aperçu que M. Abdesselam avait une conception césariste du pouvoir : «Par le chef et pour le chef.» A ses yeux on ne pouvait servir l’Algérie sans servir la grandeur de Si Belaïd, sans épouser toutes ses thèses et même… ses querelles politiques ou économiques. Quand il dit que c’est moi qui l’a fait limoger, il fait un transfert au sens de la médecine mentale. Admettre que c’est le HCE qui l’a démis serait reconnaître la possibilité d’un bien-fondé de son départ. Le HCE était l’instance qualifiée pour juger son action. Or, M. Abdesselam ne peut pas se résoudre à admettre ses erreurs dans le temps.
M. Belaïd Abdesselam, il faut le rappeler, avait présenté devant le CCN, l’instance consultative de l’époque, un programme pluriannuel (3 ou 5 ans) de sortie de crise qui reposait essentiellement sur l’austérité. Il n’a pas eu à préconiser ou mettre en œuvre une économie de guerre ainsi qu’il l’avait suggéré à un moment donné. Au passage, je signale que nous étions dans l’austérité depuis 1987 à la suite de l’effondrement du cours du pétrole en 1986. Le pari de M. Abdesselam, dans ce programme présenté au CCN, était un baril à 22 dollars ! Or, il dégringolera jusqu’à 14 dollars. Comme conséquence, nous avons eu un service de la dette qui avoisinait 80 % du montant des recettes pétrolières. C’était quasiment intenable pour le pays. S’agissant de sa fin de mission à la tête du gouvernement, j’ai une autre version à présenter. Il y a quelques jours seulement, j’ai demandé au général Khaled Nezzar de me rappeler les circonstances du limogeage de M. Abdesselam. La décision de le libérer de ses fonctions a été prise fin juin début juillet lorsqu’il avait affirmé au HCE (Hauts Comité d’Etat) qu’il avait «un matelas» de devises équivalent à 600 millions de dollars avec lequel il pensait pouvoir faire face à la dette et peut-être aussi aux dépenses incompressibles. Le conseiller économique de la Présidence a donné au HCE une précision importante : ces 600 millions de dollars étaient en grande partie constitués de dépôts privés. A tort, M. Belaïd Abdesselam m’impute cette information. Le fait est que partant de cette donnée, le président du HCE et le général Nezzar appellent M. Abdesselam pour une discussion. Il se justifie en rétorquant qu’il n’était pas économiste. Il aurait accepté alors la proposition de Nezzar de désigner un ministre de l’Economie. Mais le lendemain, il se ravise au prétexte qu’une telle désignation aurait une signification politique.
C’est sur la base de ces deux indications : 1/ les données fournies par le conseiller économique de la Présidence du HCE, qui était M. Bouzidi ; 2/ le refus de M. Abdesselam de désigner un ministre de l’Economie, que le général Khaled Nezzar a suggéré à M. Ali Kafi, président du HCE, de ne pas aller plus avant dans le pari de M. Abdesselam de nous éviter le recours au rééchelonnement.

Mais est-ce qu’il n’y a pas d’autres raisons qui seraient politiques ?
Ecoutez, l’idée même de la période de transition était née du délai (3 ou 5 ans) exigé par M. Abdesselam pour l’application de son programme. Mais avec le recul, je m’aperçois que lui ne pouvait pas admettre d’autre schéma que le sien. Alors que le Haut Comité d’Etat, conformément à la proclamation du 14 janvier 1992, devait achever son mandat en décembre 1993, soit la fin du mandat présidentiel, M. Abdesselam considérait que ce mandat devait être prorogé. Mais même ce problème pouvait avoir une solution à travers un projet de révision constitutionnelle qui devait comporter des dispositions transitoires à même de conforter l’action du gouvernement et même, éventuellement, maintenir pour une période donnée le HCE. M. Abdesselam non seulement ne l’entendait pas de cette oreille, mais en plus il prônait l’instauration de l’état d’exception, plus que l’état d’urgence. Sur le plan économique, je m’interdisais d’intervenir. Mais je n’en pensais pas moins, vers la fin de mai 1993, que nous allions visiblement vers un échec et que nous serions condamnés à envisager un recours au FMI. En ce qui me concerne, vers la fin avril 1993, j’ai pris la décision de cesser toute collaboration avec M. Abdesselam.

Y a-t-il un fait, un point de désaccord précis qui vous a fait prendre cette décision ?
En décembre 1992, nous avions mis au point un plan d’urgence de protection des DEC (chefs de délégation exécutive communale qui remplaçaient les maires) et des chefs de daïra qui ne disposaient pas de police. Ce plan consistait à affecter un minimum de dix personnes pour ces responsables choisies à titre discrétionnaire par eux, pour assurer leur sécurité, et à les doter de cinq PA et cinq fusils de chasse, armes à fournir par la DGSN.
Il faut savoir que déjà, 29 DEC et membres des DEC avaient été assassinés par les terroristes. Si Belaïd, dois-je le préciser, était tout à fait d’accord, tranquillisé sur ce point jusqu’au jour où était assassiné le DEC de la commune des Eucalyptus, à Alger, Slimani Kamel, tué sans qu’aucune protection lui ait été offerte. En avril 1993, au cours de la dernière réunion à laquelle j’ai assisté de la structure de coordination, je me suis aperçu que toutes les instructions pour la mise en œuvre du plan d’urgence que j’ai évoqué n’étaient pas parties. C’est sur ces entrefaites précisément que j’ai quitté la réunion en disant : «Je ne suis pas là pour tenir des statistiques macabres.» Je n’ai plus jamais remis les pieds dans le cabinet de M. Abdesselam qui avait lanterné sur cette question.

Est-ce vraiment la seule raison qui vous ait amené à prendre vos distances avec M. Abdesselam ?
Comme je l’ai déjà dit c’est un homme qui a une vision césariste du pouvoir. Si du temps de Rome on ne pouvait servir l’Empire qu’en servant la grandeur de César, avec Si Belaïd, hélas !, on ne pouvait servir l’Algérie que dans le cadre de sa démarche et de sa vision. A ses yeux, toute autre démarche est soit vouée à l’échec, soit suspecte.
Du reste, toute sa démarche était inconséquente. Alors qu’il me tenait en haute suspicion et m’accablait de tous les péchés du monde, en mai 1993, il me propose de prendre le ministère de l’Intérieur. Moi, je ne voulais même pas le revoir. Je n’ai accédé à sa demande que sur insistance de Khaled Nezzar. Là, j’ai été le voir dans sa résidence et non à son bureau. J’ai évidemment décliné son offre pour des raisons, politiques et économiques, que je lui ai expliquées de vive voix. Mais je dois dire qu’on s’était quittés en bons termes. Je crois, par ailleurs, qu’il ne l’a faite, cette proposition, qu’après qu’il eut eu vent de la prochaine nomination de Rédha Malek à la tête du gouvernement qui m’avait déjà fait la proposition. En définitive, je pense que M. Abdesselam a fini par s’enfermer dans une psychose qui tend à devenir chronique. Alors, il se défausse sur d’autres pour éluder et fuir ses propres échecs et responsabilités. Or, Belaïd Abdesselam a été démis de ses fonctions de chef de gouvernement par le HCE pour une raison essentielle qui est celle de l’échec de sa politique économique.

Est-ce que vous avez été affecté par les attaques répétées de M. Abdesselam contre votre personne ?
Non, tout cela ne me gêne pas. Mais plutôt que de pleurnicher sur sa grandeur déchue, M. Abdesselam aurait été plus avisé d’enrichir plus utilement le débat national. Même la notion d’intérêt supérieur de la nation n’arrête pas d’être malmenée par certaines personnes qui la rabaissent à leur propre petite perception. Pour moi, cette notion d’intérêt supérieur de la nation ne peut être appréhendée ailleurs que dans la Constitution, dans le cadre des lois et du respect des règlements. Je ne reconnais à personne le droit de se poser en seigneur du patriotisme algérien, de distribuer des «fetwas» sur untel ou untel. Nous sommes en République, et les dirigeants politiques ne doivent être là qu’en vertu d’un mandat. Ce n’est pas par naissance qu’on a un destin de dirigeant. On ne devrait pas s’éloigner de ces notions républicaines qu’il faut au contraire cultiver. Le peuple algérien n’est pas redevable d’un impôt de gratitude envers des dirigeants pour une période du passé. Je voudrais dire à M. Abdesselam, ce mot, (en kabyle dans le texte) : «Adhi dhawi rabi elhalass oumaghvoun», «Puisse Dieu prodiguer ses soins à l’être malade».

Dernièrement, un quotidien français a évoqué l’idée d’une proposition pour une nouvelle période de transition. Qu’en est-il ?
C’est une information complètement fausse. Mais il est vrai qu’en décembre 1990 avec deux collègues généraux, nous avions élaboré un document où nous recommandions de ne pas aller à des élections législatives anticipées tant qu’on n’avait pas recomposé le paysage politique, c’est-à-dire conforter les partis démocrates, consolider le FLN, contenir les partis islamistes dans le strict respect de la loi. Depuis, je continue à penser que le pluralisme, et pas seulement le multipartisme, est un excellent acquis pour l’Algérie. J’estime que le génie du peuple algérien ne peut s’exprimer et être total et entier qu’à travers un cadre pluraliste.