Bouteflika et l’armée:Divergences ?
Bouteflika et l’armée:Divergences ?
El Watan, 5 septembre 2001
Le président de la République et les responsables militaires mettent lAlgérie au cur de leur conflit latent. Ce méli-mélo à rebondissements masque les priorités de lheure et bloque quelque part lactivité politique et économique du pays.
Un déluge daccusations sabat sur le général à la retraite Khaled Nezzar et les auteurs de larrêt du processus électoral de janvier 1992. Si lex-ministre de la Défense est le plus visé, du moins le plus cité, cest parce quil a été un homme fort du régime à ses heures de gloire. Peut-être lest-il toujours ? Le général Rachid Benyelles, haut gradé de larmée, aujourdhui retraité, se montre réaliste. Il faut, conseille-t-il, prendre en considération les points de vues de Nezzar car il a «occupé de hautes fonctions dans ce pays et il nest pas nimporte qui». Khaled Nezzar monte au créneau depuis quelques semaines, pour dénoncer un complot dirigé à partir de létranger contre linstitution militaire. Mais aussi pour se prémunir lui-même des suites éventuelles des graves accusations que portent contre sa personne les trois familles, algériennes et française, pour torture durant la période qui a suivi larrêt du processus électoral en janvier 1992 et Habib Souadia, auteur du livre controversé La Sale guerre. Pour lex-membre du Haut Comité dEtat (HCE), le but de la campagne nest autre que la remise en selle du FIS dissous en février 1992. Abdelhamid Djouadi, autre général à la retraite, corrobore cette thèse. «Certains cercles veulent aujourdhui faire revenir le FIS sur la scène politique en accablant ceux qui ont combattu pour la sauvegarde de lAlgérie», souligne-t-il dans un entretien paru hier dans les colonnes de nos confrères du Matin. Dans les mêmes colonnes, Sid Ahmed Ghozali, chef de gouvernement au moment de larrêt du processus électoral, rappelle que depuis deux ans, il «répète quun dossier se confectionne contre larmée». Il y a donc larmée et le FIS dans ce premier épisode. Intervient ensuite le président de la République, candidat des généraux au lendemain de la démission de Liamine Zeroual en septembre1998. Cest bien évidemment à ce titre quil accède à la magistrature suprême au terme dune élection présidentielle anticipée fortement entamée par le retrait, la veille du scrutin, des six autres candidats en lice. Khaled Nezzar qui traitait M. Abdelaziz Bouteflika de «vieux canasson» se ravise rapidement pour lassurer de son soutien inconditionnel ; cest du moins limpression qui sen dégageait. Deux ans et demi après, limbroglio se reproduit. Victime de «sa» politique de concorde nationale à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, le chef de lEtat semble être confronté à de sérieuses divergences avec les militaires. Accablés et agacés par la mésaventure vécue par Nezzar à Paris au mois davril il avait quitté le territoire français en urgence pour échapper à toute menace de jugement , d’aucuns soutiennent lhypothèse que linstitution militaire aurait vu dans cette affaire une «touche» des milieux proches du président de la République. Et ce, à travers une campagne dirigée contre des officiers supérieurs. En Europe où la pression autant énorme que constante de lInternationale socialiste a fini par produire des effets. Abdelaziz Bouteflika, voulant sans doute avoir les coudées franches, tente de disqualifier linstitution militaire aux yeux de lopinion. En réaction, Rachid Benyelles recommande aujourdhui à lANP de retirer son soutien au premier magistrat du pays dans le but de le mettre au pied du mur.
Par Lyes Bendaoud