La violence touche d’autres localités

Alors que les affrontements se poursuivent à Tizi Ouzou

La violence touche d’autres localités

De notre correspondant Saïd Tissegouine, Le Jeune Indépendant, 14 mars 2002

A la lumière de la nouvelle donne politique, tout indique que la violence a encore de beaux jours devant elle, à Tizi Ouzou. En effet, hier encore, la capitale du Djurdjura a été le théâtre de terribles affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Au moment même où nous mettons sous presse, le camion chasse-obstacles essuie 5 cocktails Molotov au niveau du rond-point, juste en face de la Sonelgaz, ou plus justement ce qui en reste, alors que ses occupants «distribuent» les bombes lacrymogènes à un rythme infernal. Les émeutes ont éclaté vers 11 heures et les jeunes émeutiers, comme à l’accoutumée, ont pris d’assaut le siège de la brigade de gendarmerie.

C’est ainsi qu’en quelques minutes, la panique des citoyens aidant, la grande ville devient un lieu apocalyptique. A noter que les émeutes d’avant-hier ne se sont arrêtées qu’hier à l’aube. Pendant toute la nuit, les émeutiers et les forces de l’ordre se sont affrontés sans le moindre écart. Les dégâts matériels occasionnés sont énormes. En effet, des lampadaires ont été complètement arrachés et ont été étalés le long des rues pour servir d’obstacles. Les pavés détruits et le carrelage arraché ; on en a fait des projectiles après l’avoir cassé en plusieurs morceaux. Cependant, l’arme préférée des émeutiers reste le redoutable cocktail Molotov. La confection de ces armes qui semblent avoir, désormais, fait leurs preuves est confiée à une seule équipe de «chimistes». Certains des émeutiers que nous avons approchés hier nous ont signifié que «les émeutes sont à inscrire dans la durée car le pouvoir ne comprend que langage de la force».

A noter encore que ces émeutes ont touché hier la localité de Tizi Rached. Avant-hier, c’étaient les localités de Azazga, Mekla et Makouda qui ont renoué avec le langage de la rue. Au rythme où vont les événements, il y a un grand risque que c’est la Kabylie tout entière qui soit à nouveau embrasée. La menace d’un tel risque est bien réelle. En effet, selon une source proche des forces de sécurité, si les émeutes persistent encore deux à trois jours, les pouvoirs publics réagiront avec «des moyens appropriés». Entendre par là, l’utilisation de méthodes musclées. De son côté, la Coordination des aârchs, daïras de communes (CADC) ne semble par découragée par la promesse faite par M. Abdelaziz Bouteflika de «satisfaire» la plate-forme d’«El-Kseur selon son propre concept. Bien au contraire, tous les délégués des aârchs affirment que «le président de la République n’a rien donné». A cela s’ajoute le sujet des «dialoguistes» qui revient d’actualité chez la CADC.

Plusieurs personnes contactés ont été claires dans leur réponse : «Ces traîtres paieront cher leur traîtrise !» S. T.

Les CNS paniquent

Une panique indescriptible s’est emparée d’un groupe de CNS, hier à 15 h40, à proximité de la poste, quand un jeune émeutier a lancé dans sa direction un cocktail Molotov. Devant les flammes menaçantes, les CNS ont poussé des cris tout en sautant dans tous les sens. L’un d’eux s’est même retrouvé par terre après avoir trébuché. A la suite de cet incident, les renforts sont arrivés et un violent corps à corps s’est engagé avec les jeunes aux alentours de l’hôtel Lalla-Khadidja. S. T.

Des dizaines de blessés parmi les forces du sécurité

Une quinzaine de gendarmes ont été sérieusement atteints de brûlures par les cocktails Molotov, hier, au niveau du quartier les Genêts. Et plus de 20 agents CNS ont connu le même sort au niveau des autres quartiers de la ville de Tizi Ouzou. Les affrontements se sont poursuivis jusqu’à une heure tardive, avec une violence inouïe. Par ailleurs, un cameraman de TF1 a été grièvement blessé avec une bombe lacrymogène. Il a été évacué vers le CHU où il a reçu les soins d’urgence (10 points de suture ont été nécessaires à sa profonde blessure). Le blessé a été transféré ensuite vers un hôpital d’Alger. A noter que le cameraman a été désagréablement surpris au moment où il filmait des scènes d’affrontements au niveau du quartier les Batiments bleus. Il est à signaler également qu’un «dialoguiste», qui a assisté à l’intervention du président de la République au palais des Nations, a été lynché par les émeutiers à sa descente du bus au niveau du carrefour le Rond-Point. S. T.

Les émeutes de retour à El-Kseur

De notre bureau de Béjaïa Hamouche Amine et Farid Mesbah

La ville d’El-Kseur a renoué avec les émeutes dans la nuit de mardi en réaction au discours du président de la République, prononcé au courant de l’après-midi. Des délégués et des jeunes de la ville ayant donné naissance à la fameuse plate-forme ont voulu, par ces émeutes, exprimé leur refus aux mesures prises par le président Bouteflika. Jusqu’à une heure tardive de la soirée de mardi, les forces anti-émeutes ont riposté aux émeutiers, sans grands incidents, nous a-t-on signalé. Dans la journée d’hier, des scènes de violence se sont produites et les écoliers ont dû quitter leur établissement. Des groupes de manifestants ont criblé siège de la police à coups de pierres et barricadé des routes à l’aide de pneus brûlés. Les forces de l’ordre ont riposté énergiquement avec des bombes lacrymogènes et plusieurs blessés ont été enregistrés dans les deux camps, dont certains se trouvent dans un état critique. Des émeutiers que nous avons approchés ont expliqué que «le Président a noyé le poisson dans un verre d’eau et qu’aucun point de la plate-forme d’El-Kseur n’a été clairement accepté». Pour d’autres, le Président a fait dans la provocation en prouvant, encore une fois, que «le pouvoir est incapable de régler les problèmes qui n’ont que trop duré».

Selon les émeutiers, «le combat et les émeutes continueront jusqu’à la satisfaction totale et sans condition de la plate-forme d’El-Kseur». A noter qu’un grand meeting populaire sera animé à Akbou aujourd’hui à 11 heures par tous les délégués de l’inter-wilayas.