Témoignages accablants des victimes de la marche du 14 juin dernier
Témoignages accablants des victimes de la marche du 14 juin dernier
Par Ahmed Kaci, La Tribune, 21 juillet 2001
La Coordination nationale pour la défense des droits et des libertés (CNLDD) et la coordination des comités citoyens dAlger ont organisé, jeudi dernier, une rencontre débat à la salle de lex-cinéma le Capri sur les perspectives et les prolongements à donner à la mobilisation citoyenne en Kabylie et à lEst du pays dans la capitale.Devant une assistance peu nombreuse, en raison notamment de la non-publication par la plupart des titres de la presse nationale de lavis de réunion, les animateurs ont fait visionner une cassette vidéo réalisée par léquipe de TF1 sur la marche du 14 juin dernier avec de nombreux témoignages très poignants.Contrairement aux montages de la télévision, les manifestants nétaient pas venus avec lidée de saccager la capitale. Et pour cause, les images montraient bien que les marcheurs avaient les mains occupées par des banderoles, des fanions, des drapeaux de lAlgérie et des feuilles dolivier et de palmier. Il ny avait pas trace de sabres ou de barres de fer. Les images filmées suivaient la procession de la marrée humaine depuis lemplacement de la Foire internationale. Mieux, on ne sentait aucune tension ou excitation chez les grappes de jeunes qui marchaient vers Alger tant est que leur déplacement se déroulait dans une ambiance de fête : chants et danses entrecoupés de cris dénonçant la répression par le pouvoir.La question se pose pour savoir qui sont les dizaines de personnes qua montrées lENTV et qui avaient des objets contondants et quels étaient leurs desseins. Le mystère commence peu à peu à être dévoilé dans tout son cynisme avec les témoignages des marcheurs agressés et ceux dhabitants dAlger présents dans la salle.Deux jeunes filles, lune de Tizi Ouzou et lautre se souvenant seulement quelle est de Béjaïa, ont été, ce jour-là (14 juin), victimes de lynchage. Lune delles avait été même jetée à la mer au niveau des «sablettes». Elle a eu, de justesse, la vie sauve et a failli être violée. Lautre, membre du comité des femmes de Tizi Ouzou, avait été sévèrement malmenée par de jeunes voyous devant les yeux des forces de lordre jusquà «ressentir du dégoût pour mon corps», dit-elle. Il y a, chez elle, comme une rupture de sens. «Je nai jamais de ma vie pensé, moi qui ai pris part à toutes les marches pour dénoncer le terrorisme qui tuait de jeunes militaires et policiers, quun jour, des policiers encadreraient des intégristes pour nous faire la chasse.» Il existe des dizaines de cas similaires, explique un membre de la Coordination de Tizi Ouzou, mais les «gens hésitent à témoigner par peur des représailles».Une habitante de la place du 1er Mai, dont le père et le mari sont tombés au champ dhonneur, affirme que beaucoup de jeunes vendeurs de cigarettes ont fait lobjet de pressions pour prendre part à la «chasse aux marcheurs» en échange de la permission de vendre librement sur les trottoirs. Tout en louant le courage et lhonnêteté des marcheurs du 14 juin dernier, cette femme en veut à son père et à son mari qui ont «fait de moi une relique». Elle-même a failli être passée à tabac si ce nétait sa ferme résistance et le fait quelle soit surtout reconnue comme étant «algéroise».Deux témoignages, tout aussi intriguants, ont été faits par des personnes présentes lors de la marche du 14 juin dernier. Il sagit des incidents qua connus le train en partance pour Béjaïa et laffaire du parc de voitures Kia Motors. Selon ces témoignages qui restent à confirmer avec précision, le train se serait arrêté sans raison apparente quelques minutes après son départ. Lautre témoignage affirme que les clés de contact des voitures Kia nétaient pas dans la loge à clés mais se trouvaient à lintérieur des véhicules. Au cours des débats, à lunanimité, lassistance a conclu à un guet-apens contre la marche du 14 juin dernier qui avait drainé des centaines de milliers de personnes venus remettre une plate-forme de revendications à la présidence de la République. Lune des propositions formulées était de mettre sur pied une commission qui sattellera à réunir, en coordination avec les comités des autres wilayas, tous les témoignages qui serviront au dossier de dépôt de plainte contre X et la constitution dun collectif davocats pour la prise en charge de laffaire.
A. K.