La protestation entre légitimité et manipulation

LES BRUITS DE LA VILLE / La protestation entre légitimité et manipulation

Par S. Ould Ali, El Watan, 13 février 2002

L’actualité oranaise brûle. Depuis quelques semaines, les débrayages, grèves et manifestations de protestation se succèdent à une allure vertigineuse devant une opinion locale ébahie par la soudaineté, relative il est vrai, de ce phénomène.

Il est rare, en effet, qu’à Oran un nombre aussi impressionnant de foyers de contestation éclatent presque tous au même moment. Pour beaucoup, ce mouvement est d’un «synchronisme» trop parfait, que même une colère longuement contenue ne saurait provoquer. De la magistrature à la santé, en passant par l’université, l’éducation…, pratiquement tous les secteurs d’activité sont parcourus par cette onde de colère qui parfois dégénère dangereusement, comme ce fut le cas il y a deux semaines, lorsqu’une jeune étudiante a été tellement tabassée qu’elle s’est retrouvée à l’hôpital. Aujourd’hui encore, les travailleurs du CHU, affiliés au SNAPAP, organisent un rassemblement devant la direction générale pour faire valoir des revendications qu’au demeurant tout le monde, ou presque, trouve légitimes. Mais il reste que nombre d’observateurs croient déceler derrière ce vaste mouvement de protestation — qui, rappelons-le encore, obéit à des considérations socioprofessionnelles légitimes — des mains occultes qu’un embrasement général arrangerait certainement en cette veille d’élections. «Pourquoi maintenant et avec cette stupéfiante ampleur ?», s’interrogent-ils. Il est vrai que l’histoire toute récente du multipartisme et de la démocratie a démontré que les «pouvoirs occultes» ont une prodigieuse capacité à faire bouger les masses lorsqu’ils le veulent et de la façon qui leur sied le mieux. Particulièrement lorsque pointe à l’horizon une opportunité aussi alléchante que le renouvellement d’un mandat électoral — avec tout ce que la fonction d’élu suggère comme privilèges financiers et moraux. A ce stade des événements et à quelques mois des législatives, qui peut affirmer avec certitude que telle ou telle manifestation est réellement le fait de travailleurs en colère ?