Ordre de décapiter le mouvement citoyen de Kabylie
Ils sont au nombre de vingt-six
Ces délégués qu’on arrête
De notre bureau de Tizi Ouzou, Le Matin, 4 avril 2002
La chasse aux délégués des aârouch continue en Kabylie. Mardi dernier, c’est un délégué de la coordination de Tizi Rached, wilaya de Tizi Ouzou, qui a été interpellé. Boumekla Mouloud a été, en effet, arrêté par les services de sécurité au retour du conclave extraordinaire de la CADC. Hier, des centaines de personnes se sont rassemblées devant la bâtisse de l’ex-brigade de gendarmerie, aujourd’hui occupée par les CNS, pour exiger la libération de leur délégué. Ce qui fut fait. Auparavant, un délégué de Larbâa Nath Iraten,
Dr Didoune en l’occurrence, a été relâché mardi après avoir passé la nuit au commissariat du centre-ville. Le même jour, plusieurs délégués de la CADC ont été interpellés. Il s’agit de Almam Makhlouf, Rabhi Ali (délégués de Tigzirt), Hacène Salah (Fréha), trois délégués de Aïn El Hammam dont un élu à l’APC (Saïd Aït Abdelmalek) et de Benmellat Nadjib (Azazga). Ce dernier a été libéré hier. A Draâ El Mizan, ce sont pas moins de cinq délégués qui ont été arrêtés. Adriane Chabane, Amazouz Mohamed, Mansouri Ahcène, Bandou Hamel et Si Yahia Dahmane ont été interpellés lundi par des policiers en civil. De son côté, Achour Amar de la coordination locale de Drâa Ben Khedda a été appréhendé vendredi dernier à Boukhalfa, alors que son collègue Yazid Kaci de la CQVT, Coordination des quartiers et villages de Tizi Ouzou, a été arrêté le 25 mars dernier lors de l’assaut donné par les éléments des CNS à la permanence de la CADC de Tizi Ouzou. Celle-ci comptabilise ainsi quelque treize délégués arrêtés au moment où d’autes ont versé carrément dans la clandestinité, leur domicile étant assez souvent perquisitionné par la police. C’est le cas de Belaïd Abrika de la CQVT ainsi que Allouche du aârch de Aït Jennad. Les délégués arrêtés sont sous mandat de dépôt alors que l’instruction de leurs dossiers suit son cours. Dans la wilaya de Béjaïa, la chasse aux délégués des aârouch a commencé dans un palais de justice. Lundi 25 mars, alors qu’ils participaient à un sit-in, des délégués de la Coordination intercommunale (CIC) de Béjaïa pour soutenir les détenus qui devaient être jugés ce jour-là, Ali Gherbi, délégué d’El Kseur, Farès Oudjedi d’Akfadou, un délégué surnommé commandant Azzedine, Khodir Benouaret d’Amizour et Bedjou Mohamed de Béjaïa-ville ont été interpellés par des policiers en civil. Quelques jours plus tard, jeudi 28 mars, ce fut au tour de Khelifa Amzar et Mabrouk Naceri, délégués de la CICB, d’être interpellés. Ce qui porte à sept le nombre de délégués des aârouch arrêtés et placés sous mandat de dépôt et incarcérés à la maison d’arrêt de Lekhmis (Béjaïa). Dix-huit chefs d’inculpation sont retenus contre eux, dont constitution d’une association illégale. A Bouira, c’est le même topo. Les six délégués de la CCCWB arrêtés sont toujours en prison et leur affaire est en instruction auprès du juge de la deuxième chambre du tribunal près la cour de Bouira. Interpellés par des policiers en civil mardi 26 mars à 4 h du matin dans leur domicile, Chabane Meziane, délégué de Haïzer, Djaffar Abdeddou de Taghzout, Bounadi Oulaïd de Raffour, Chouiref Hamid de Ras Bouira (centre-ville) ainsi que Oudjit Abderrahmane d’El Adjiba (20 km à l’est de Bouira) sont poursuivis pour « attroupement illicite, destruction de biens publics, incitation à l’émeute, accaparement illégal de biens publics, perturbation de la circulation et de la liberté de passage, affichage et diffusion de documents subversifs ». Ces cinq délégués ainsi que Messaïd Ali de la CCD de Haïzer arrêté, lui, lors de la marche réprimée du mercredi 27 mars, ont entamé une grève de la faim le lendemain de leur interpellation. Leur état de santé est critique, à en croire le collectif de douze avocats constitués pour assurer leur défense. Ils sont sous alimentation parenterale (sérum phisiologique). Depuis dimanche, les six délégués de la CCCWB sont affectés dans des cellules individuelles, avons-nous appris de sources sûres. Toujours dans la wilaya de Bouira, des délégués, dont les domiciles ont été perquisitionnés par la police, ont été contraints, de « prendre » le chemin de la clandestinité. C’est le cas également de certains membres de la CADC de Boumerdès.
Yahia Arkat
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Un ordre du ministère de l’Intérieur
L’ordre de décapiter le mouvement citoyen de Kabylie et de procéder à des arrestations massives des manifestants et des délégués émane du ministère de l’Intérieur, a-t-on appris hier auprès des avocats chargés de la défense des personnes emprisonnées. « Les procès-verbaux des détenus font tous référence à une instruction émanant de cette institution », ajoute la même source. Une instruction qui ordonne, entre autres, la récupération du siège de la Coordination des aârouch communes et daïras (CADC) et l’arrestation des principaux animateurs du mouvement. D’autres sources judiciaires indiquent par ailleurs que les autorités concernées ont déclaré ce mouvement illicite dans la mesure où il ne détient pas d’agrément.
R. N.