Kabylie: élections et arrestations de délégués
Zahir Benkhellat au Jeune Indépendant
«Nous resterons pacifistes»
Entretien réalisé par Farid Mesbah, Le Jeune Indépendant, 5 mai 2002
Le Jeune Indépendant : Quel sentiment éprouvez-vous à la suite de lincarcération de certains délégués ?
Zahir Benkhelat : Après avoir usé de toutes les méthodes répressives, le pouvoir maffieux et assassin, fidèle à sa nature dictatoriale, excelle dans lart de la violence et de la provocation, en procédant à larrestation et à lenlèvement massive des délégués et citoyens afin détêter le mouvement et de pousser le reste des délégués à la clandestinité. Ces arrestations arbitraires et injustifiées ne sauront dévier le mouvement de son objectif initial, la satisfaction pleine et entière de la plate-forme dEl-Kseur. Si le pouvoir veut en finir avec les aârchs, il na quà arrêter toute la Kabylie car tous les citoyens de cette région sont des délégués et ont participé à toutes les marches initiées par les différentes coordinations. Même si nous venons à être arrêtés, dautres prendront le relais.
Ces derniers jours, des délégués détenus ont entamé une grève de la faim …
Le recours à la grève de la faim est une action politique courageuse et risquée pour leur vie. Cest une décision noble et civilisée qui vise à dénoncer leur détention arbitraire et mettre à nu la nature de ce régime dictatorial. Nous assurons nos frères détenus grévistes de notre soutien indéfectible, et nous mettons le pouvoir en garde contre toute évolution fâcheuse de létat de santé de nos camarades.
Sil y a procès, ce sera celui de ce pouvoir rentier qui a mis à genoux tout un pays et a assassiné toute une jeunesse.
Où en êtes-vous par rapport au rejet des élections ?
Par laction de rejet des élections, le pouvoir est mis à dos par le mouvement qui ne revendique ni un quota au Parlement ni une part de la rente mais seulement la satisfaction de la plate-forme dEl-Kseur.
Ces élections narrangent ni les partis politiques ni lidéal démocratique mais ne feront que renforcer un système honni, rentier, corrompu et corrupteur.
Pour nous, du moins en Kabylie, la décision du rejet des élections est une action citoyenne pour la quête de la citoyenneté.
Tant que la plate-forme dEl-Kseur ne sera pas satisfaite pleinement et entièrement, aucun compromis ne sera toléré. Le pouvoir et ses relais vérifieront le 30 mai que le divorce entre lui et la population est consommé à jamais. Ce seront des élections sans électeurs.
Il y a cette idée dune conférence nationale…
Les acteurs sociaux et politiques doivent simpliquer davantage pour des actions communes contre le pouvoir maffieux et assassin.
Il est temps que la société civile, les organisations et des partis bougent et se positionnent définitivement sur la plate-forme dEl-Kseur pour servir la dynamique citoyenne et non se servir de celle-ci. Lidée dune conférence nationale est une perspective qui nest pas à écarter.
Quelles sont les perspectives du mouvement ?
La décantation sétant opérée, fini limprovisation. A court terme, la libération des détenus est impérative pour éviter la ramification politique.
Après une année, le mouvement citoyen a mûri politiquement, il est devenu une force incontournable pour construire un véritable Etat de droit. Chaque coordination impliquée corps et âme dans le mouvement procède maintenant à linstallation dune commission de réflexion pour élaborer des perspectives et des stratégies de lutte politique.
Des actions denvergure seront dégagées et discutées lors des prochains conclaves. Même si le chemin est encore long, le pacifisme est notre arme, nous sommes des pacifistes et nous le resterons à jamais. F. M.
Action dappui aux détenus de Béjaïa
Grève générale et rassemblement à El-Kseur
De notre bureau F. Mesbah et Hamouche Mabrouk
Le Comité de la société civile dEl-Kseur a appelé, hier, la population à observer, demain, une grève générale, ponctuée par un rassemblement à lesplanade de lAPC à 16 heures, afin dexiger la libération de tous les prisonniers du mouvement citoyen.
Cette action a été décidée à la suite de la dégradation de létat de santé des détenus à Béjaïa, en grève de la faim depuis douze jours et dont deux parmi eux, en loccurrence MM. Gherbi Ali et Boudjou Mohamed, ont dû être transférés de nuit sur lhôpital Aâmriw où, selon un de leurs proches, ils ont été mis sous sérum, avant de rejoindre à nouveau leur lieu de détention.
«Pourquoi doit-on laisser la santé des détenus se dégrader à une proportion qui met en danger leur vie», sest demandé un membre de leur famille qui a requis lanonymat. «Est-ce là une manière de traiter des détenus dopinion adeptes du triomphe de la démocratie, au troisième millénaire ?», ajoute notre interlocuteur, assurant que les familles des détenus de Béjaïa ne baisseront les bras quune fois leurs enfants libérés. H. M. et F. M.
—————–
Sit-in des aârchs aujourdhui devant le tribunal de Tizi Ouzou
«Pour la libération des détenus»
La libération des détenus du mouvement citoyen continue de mobiliser les délégués des aârchs, qui observeront aujourdhui un sit-in devant le tribunal de la capitale du Djurdjura. Ce sera loccasion pour les délégués de réitérer leur soutien aux détenus, mais aussi de redynamiser le mouvement qui, selon certains, commencerait à être gagné par la lassitude.
Outre lexigence de la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers, laction daujourdhui sera, selon Ami Saïd, délégué à la présidence tournante, «une réponse cinglante à ceux qui prétendent que le glas du mouvement a sonné». «Nous sommes armés dune volonté intarissable et cest ce qui fait notre force, le combat continue», a-t-il déclaré après avoir exprimé son soulagement de voir les détenus arrêter leur grève de la faim qui a mis en péril lun deux, un diabétique.
Le rassemblement des délégués qui sera élargi à la population est une décision arrêtée le week-end dernier, lors de la 22e réunion des aârchs à Ifigha durant laquelle, rappelons-le, il a été question dorganiser une «action grandiose», à savoir une marche jeudi prochain dans la ville des Genêts. Les aârchs, qui ont fait appel à la mobilisation citoyenne, battront le pavé du siège de la maison darrêt de Tizi Ouzou pour exiger encore une fois la remise en liberté des détenus. Ces derniers ont menacé de reprendre leur grève si leur doléance nest pas prise en charge. Devant la détermination des détenus à «arracher leur libération, quel que soit le prix à payer, même au détriment de leur santé» et le retard pris pour répondre à leur demande de liberté provisoire déposée par le collectif davocats, les parents des prisonniers ne savent plus à quel saint se vouer. D.
————————
Arrestation de deux délégués au quartier des Genêts
La liste des détenus sallonge
De notre bureau A. Djamila
La liste des détenus de la wilaya de Tizi Ouzou sest encore allongée, hier, avec larrestation de deux délégués dans le quartier des Genêts, au chef-lieu de la wilaya. Il sagit en loccurrence des deux frères Kaci, dont laîné est incarcéré depuis le 25 mars dernier. Le premier, âgé de 21 ans, a été interpellé par la police vendredi dernier alors que le deuxième, âgé de 26 ans, a été arrêté alors quil sest rendu au commissariat pour demander les nouvelles de son frère cadet. Ces arrestations, qui font suite aux incidents qua connu le quartier des Genêts, la semaine précédente, ont été dénoncées par la Coordination des villages et des quartiers de la commune de Tizi Ouzou (CVQC). Dans un communiqué rendu public, hier, il est mentionné que «le pouvoir mafieux et assassin, fidèle à sa logique répressive, vient de mettre en uvre les menaces prononcées par le président de la République lors de la rencontre avec le wali». Le document ajoute qu«après avoir échoué, mercredi dernier, en sattaquant au quartier des Genêts pour empêcher lorganisation dun meeting populaire tenu malgré les menaces qui pèsent sur le citoyens, les forces de répression reviennent à la charge, confirmant davantage la stratégie de pourrissement prônée depuis le début des événements du printemps noir 2001, en semant de plus en plus de terreur dans le but dimposer la logique électoraliste que le mouvement citoyen et toute la population de la région de Kabylie rejettent à lunanimité». A. D.