Dans une nouvelle escalade

Dans une nouvelle escalade

Reprise des affrontements à M’chedallah

De notre correspondant de Bouira Mourad O., Le Jeune Indépendant, 16 octobre 2001

L’action adoptée lors de la réunion de l’inter-wilayas de jeudi dernier à Béjaïa, à savoir le blocage de la RN5 durant toute la journée d’hier, a finalement pris d’autres tournures. En effet, le dispositif sécuritaire des brigades antiémeutes déployé la veille le long de la RN5, en particulier dans la région berbérophone de la wilaya, n’a pas empêché des centaines de jeunes de dresser des barricades de fortune dans plusieurs endroits, notamment les carrefours de la gare Maillot et de Chorfa. L’intervention des brigades antiémeutes pour disperser la foule à coups de grenades lacrymogènes a duré plusieurs heures. Un jeune de M’chedallah, Lyès M. (24 ans) fut blessé par une grenade lacrymogène au bas-ventre. Selon des sources hospitalières son état de santé serait stationnaire. Par ailleurs, plusieurs autres jeunes ont été interceptés par la gendarmerie et relâchés après avoir été bastonnés.

Vers 11 heures, les élèves des différents établissements scolaires de la ville de M’chedallah ont quitté les bancs d’école pour rejoindre les manifestations. Les vitres du lycée Nacereddine-Mechedali ont été brisées à coups de divers projectiles. Le même climat d’affrontement entre manifestants et brigades antiémeutes s’est poursuivi durant toute l’après-midi d’hier et se poursuit toujours.

Par ailleurs, les membres de la CCCWB, qui se sont réunis dans l’après-midi d’hier dans la commune de Bechloul pour débattre la situation qui règne et préparer la marche populaire prévue demain au chef-lieu de la wilaya, ont rendu public un communiqué dans lequel ils appellent l’ensemble des citoyens de la wilaya à répondre en masse à cet appel, ainsi que l’élargissement de la désobéissance civile, référence au boycott du prochain référendum. Il a été question, par la même occasion, comme rapporté par le communiqué, d’ériger, avec le concours des citoyens, des stèles commémoratives à la mémoire des martyrs du printemps noir, dans les localités de Haïzer, El-Esnam, Ath Laksar, Bechloul, Ahnif, M’chedallah et Chorfa. L’interdiction de l’accès aux représentants des autorités le 1er novembre prochain à tous les lieux symboliques de la guerre de libération ainsi que l’utilisation de la langue amazigh dans tous les contacts avec le pouvoir, l’administration, les tribunaux, etc. ont été approuvées.

Il a été également décidé du maintien de la mise en quarantaine des gendarmes et des délégués ayant négocié avec le chef du gouvernement en les privant de toutes formes de relations sociales (fêtes, enterrement, achat et vente…). M. O.

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La basse Kabylie s’enflamme

Hier après-midi, des affrontements se sont déroulés à Bacaro (Tichy) entre les forces de l’ordre public (brigades anti-émeutes) et les jeunes émeutiers de cette localité, ce qui a provoqué le blocage de la route nationale 9. En fin d’après-midi, la région de Kherrata a connu le même sort ; les émeutes ont été dirigées contre les forces de l’ordre qui ont utilisé des bombes lacrymogènes pour les réprimer. Rappelons qu’une grève générale est prévue pour ce mercredi, ce qui va provoquer probablement de nouvelles émeutes dans la région. H. H.

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Coordination des aârchs, daïras et communes

Marche populaire prévue demain

De notre correspondant de Tizi Ouzou Saïd Tissegouine

La coordination des aârchs, daïras et communes (CADC) veut rompre tout lien l’unissant à la coordination de l’inter-wilayas. La première mesure est l’annulation de la marche populaire dans le chef-lieu de wilaya prévue initialement pour demain. En effet, à l’occasion de la rencontre de la coordination inter-wilayas qui a eu lieu jeudi et vendredi derniers à Béjaïa, une décision portant sur l’organisation d’une marche populaire au niveau de chaque chef-lieu de wilaya concerné a été retenue. Or, hier, à l’issue de la réunion de la CADC à la salle Kateb-Yacine de Tizi Ouzou, les participants ont décidé à l’unanimité d’annuler cette marche. Pour justifier ce désengagement, certains délégués sont allés jusqu’à dire que le principe de cette marche n’a jamais figuré à l’ordre du jour de la rencontre de Béjaïa. Mais, selon certains, la décision en question a été arrêtée à 5 heures du matin, moment où la plupart des 76 délégués de la CADC étaient absents de la salle des débats. L’étonnant dans le principe véhiculé par la CADC c’est que les délégués ont affirmé hier que seules les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa constituent les locomotives du mouvement civil. Le délégué de Larbaâ Nath Irathen dira que sa région, «qui compte 100 000 habitants, est plus représentative que les autres wilayas membres du mouvement civil. Bien entendu, Béjaïa mise à part. Certains propos relevés hier ont carrément frisé le régionalisme, voire le racisme. Le comble, c’est que les délégués n’ont pas pu dégager des solutions quant à la satisfaction de la plate-forme de revendications d’El-Kseur. Les intérets des uns et des autres

D’ailleurs, le Dr Salli, délégué d’Ath Douala, dira : «Nous sommes des sages et nous prônons des solutions de sagesse. Notre but est l’obtention de la satisfaction du document d’El-Kseur, et ce, de gré ou de force.» Paradoxe ! Mais, finalement, le marasme de la CADC a été résumé par M. Merdous, délégué d’Ath-Mohamed. «Ceux qui sont ici pour défendre des intérêts autres que ceux du mouvement civil peuvent partir», lancera-t-il, rouge de colère. Et pour conclure, il y a lieu de mentionner que la Coordination des comités de quartiers et villages de la commune de Tizi Ouzou (CCQVTO), considérée comme la colonne vertébrale de la CADC est minée par des luttes internes.

En effet, des problèmes de représentativité viennent de surgir à l’intérieur de cette coordination. Les déchirements sont tels qu’une deuxième coordination des quartiers et villages de la commune de Tizi Ouzou vient de voir le jour. Dans un communiqué rendu public, la CCQVCTO n°2 déclare, suite à la réunion extraordinaire tenue le 10 octobre 2001 en son siège à la cité du 5-Juillet et en présence de la présidence tournante de la CADC, «l’ajournement de toute forme de participation de notre commune au sein de la CADC, et ce, jusqu’au prochain rendez-vous d’Aïn Zaoui qui aura lieu le 18 de ce mois.» La CCQVCTO décide le gel de toute action de quelque nature que ce soit sur le territoire de la commune de Tizi Ouzou. Enfin, la dernière surprise est la création dans les tout prochains jours de la Coordination des comités de quartiers et villages de la commune de Tizi Ouzou (CCQVCTO n°3). L’«auteur» s’appelle Abbas Youcef. M. Abbas nous a déclaré, hier, que les assises de son mouvement qui regroupe les forces de la nouvelle ville se tiendront aujourd’hui. Cela résume d’une façon on ne peut plus claire que la CCQVCTO est malade. Et par conséquent, c’est l’ensemble de la CADC qui l’est.

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Demain à El-Kseur : marche, grève et meeting

De notre bureau de Béjaïa, Farid Mesbah

La dernière réunion de la coordination inter-wilayas des aârchs, daïras et communes, qui s’est déroulée le week-end dernier au lycée Ihaddadène de Béjaïa, et qui a opté pour des actions telles que marche, grève et meeting dans chaque quartier, village et commune, semble avoir acquis l’adhésion de l’ensemble de la coordination intercommunale de Béjaïa. A El-Kseur, le comité de la société civile lance un appel à l’ensemble de la population pour observer une grève générale demain, et de venir participer massivement à la marche populaire et pacifique qui sera suivie d’un meeting pour exiger la satisfaction totale et inconditionnelle de la plate-forme d’El-Kseur. Rappelons que la marche démarrera à partir de l’esplanade de l’APC, au centre-ville, et que son heure de départ a été fixée à 13h30.

A noter qu’hier, les routes nationales RN5, 9 et 26 qui relient El-Kseur aux wilayas d’Alger et de Tizi Ouzou ont été bloquées aux représentants de l’Etat, laissant des routes départementales aux voyageurs et routiers.

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Familles des victimes du printemps noir : objet de convoitise

C’est à une véritable course à la récupération des familles des victimes du printemps noir qu’on assiste, en ce moment, à Tizi Ouzou. L’administration, la CADC, ainsi que la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) ont investi le terrain. En effet, à Boudjima, les parents des victimes ont été auditionnés hier au siège même de l’APC par les avocats de la LAHD. Quant aux services de la wilaya, nous avons appris qu’ils sont en pleins préparatifs de la mise à exécution des instructions de M. Abdelaziz Bouteflika concernant cette frange de la société. Pour sa part, la CADC ne compte pas céder ce qu’elle considère comme sa « chasse gardée ». Pour prendre ses concurrents de vitesse, à travers un communiqué rendu public, elle [CADC] a lancé une invitation à l’endroit des familles des victimes du printemps noir ainsi qu’aux blessés pour une réunion de travail qui se tiendra demain à la salle Kateb-Yacine de Tizi Ouzou. Selon le principe véhiculé par la CADC, il sera question de faire arracher un droit pour les familles des victimes et les blessés, et non pas laisser le soin au pouvoir de le faire. S. T.

 

 

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