Le pouvoir et la gestion de la crise en Kabylie : Que peut le RCD ?

Le pouvoir et la gestion de la crise en Kabylie

Que peut le RCD ?

Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 7 août 2002

En prenant attache avec le FFS, la présidence de la République vient d’imprégner la gestion de la crise kabyle de nouvelles orientations à travers lesquelles la politique reprend entièrement ses droits.

Comme déjà annoncé dans ces colonnes (voir Le Quotidien d’Oran du 3 juin 2002), le pouvoir a décidé d’impliquer ouvertement les partis politiques dans la gestion et dans la résolution de la crise qui secoue la Kabylie depuis plus d’une année. Le premier secrétaire national du FFS, Ahmed Djeddaï, a, en effet, reconnu publiquement avoir eu des assurances de hauts responsables au pouvoir à propos de prise de mesures d’apaisement. L’acte un de ses assurances est la libération des détenus incarcérés pour avoir attenté à l’ordre public. Le pouvoir a répondu donc de suite aux doléances du FFS. «Insuffisant», a déclaré cependant un des représentants de ce parti au terme de cette mesure. Il rappelle que le FFS a exigé, entre autres, la levée du dispositif sécuritaire dressé en Kabylie. Mais il est clair que le pouvoir n’acceptera pas de procéder à cette levée avec la même rapidité que celle qui a caractérisé la libération des détenus.

Le pouvoir reste conscient du danger de déstabilisation qui continue de peser sur les régions kabyles tant que des radicaux manifestent leur mécontentement et que l’émeute reste à fleur de peau. D’ailleurs, à l’issue de sa rencontre avec le président de la République, Ahmed Djeddaï a quelque peu fait allusion à la réponse du pouvoir à ce sujet en affirmant que la levée du dispositif sécuritaire en Kabylie pourrait se faire graduellement non sans tout de suite se ressaisir pour l’inscrire «dans une dynamique politique».

Il est clair que telle qu’entreprise, la libération des détenus n’a pas été décidée de gaieté de coeur par les décideurs. Cette mesure, faut-il le rappeler, vient s’ajouter à d’autres mesures d’apaisement (entre autres constitutionnalisation de tamazight et redéploiement de la gendarmerie) que la présidence de la République a prises sans pour autant avoir un retour d’écoute de la part de ceux qui manipulent la rue. Les émeutes ont continué et l’apaisement n’a pas eu lieu. Il est certain, aujourd’hui, que le pouvoir pense avoir fait beaucoup de concessions sans aucune contrepartie susceptible de garantir un retour au calme en Kabylie. En approchant le FFS, il confirme ainsi l’échec de sa stratégie d’intronisation des ârouch comme interlocuteur dans une région où l’émeute demeure tenace.

Cependant, le contact FFS-pouvoir est un retour à la légalité et au respect de la Constitution.

Le vieux parti de l’opposition retrouve ainsi ses marques en se réinstallant confortablement comme vis-à-vis des décideurs au profit d’une région qui a impérativement besoin de retrouver sa stabilité. Le RCD figure, pour sa part, sur les tablettes du pouvoir pour d’éventuels contacts à cet effet. Mais contrairement au FFS dont la relation d’opposant est à première vue claire avec les décideurs, le RCD aura des difficultés à convaincre de sa sincérité et de sa volonté à vouloir régler la crise en Kabylie. Dans pareil cas, il est normal que le pouvoir ait plus de considération à l’égard du FFS que du RCD qui a rallié son gouvernement mais qu’il a lâché et même traîné dans la boue dès qu’il a senti qu’il était en perte de vitesse dans ses quartiers d’origine.

Piégé par sa propre logique, le parti de Saïd Sadi va devoir user de son imagination pour faire semblant d’ignorer les avances d’un pouvoir qu’il n’a pas hésité à flouer pour faire preuve de repentance aux yeux de ses compatriotes. Il est tenu cependant de rattraper le peu qu’il lui reste de marge de manoeuvre et d’action après avoir perdu en cours de route plusieurs de ses membres influents. L’on s’attend à ce qu’il fasse l’inverse du FFS en continuant à soutenir les ârouch dans leur entêtement à vouloir être les seuls commandeurs de la région. L’on va jusqu’à supposer que le RCD boudera les locales pour s’infiltrer à travers des listes «d’indépendants» qu’il aura lui-même confectionnées. Histoire de faire croire aux ârouch qu’il leur reste fidèle contrairement au FFS dont la décision de participer dans le scrutin du 10 octobre prochain est déjà qualifiée de trahison.

Ce qui est sûr, c’est que le RCD est pris de panique pour avoir été laissé en rade par un pouvoir qui lui doit pourtant beaucoup de compromissions. D’ici à ce qu’il tranche sa participation ou pas aux prochaines élections, il aura à méditer ses nombreux cafouillages.