Le président algérien met en cause la France en termes voilés

jeudi 21 juin 2001, 7h54

Le président algérien met en cause la France en termes voilés

ALGER (Reuters) – Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a laissé entendre que la France, ancienne puissance coloniale, était impliquée dans un complot de l’étranger visant à encourager les manifestations antigouvernementales qui se sont multipliées dans le pays.

Depuis deux mois, des jeunes gens armés de pierres s’affrontent presque quotidiennement à la police, en particulier en Kabylie, mais aussi en d’autres endroits du pays.

S’exprimant au cours d’un rassemblement à Illizi, une ville du sud du pays proche de la frontière libyenne, le chef de l’Etat algérien a dit, sans la nommer, que la France était derrière le complot étranger dont il avait parlé la veille lors d’un autre rassemblement.

« Jeunes de Kabylie, jeunes d’Algérie (…) il faut que vous sachiez que votre pays est pris pour cible par plusieurs puissances étrangères », a dit en arabe le président algérien.

« Est pris pour cible par cette puissance qui n’a pu imposer définitivement sa domination après un siècle et demi et souffre encore comme souffre celui qui a perdu son paradis ».

Les relations entre la France et l’Algérie ont été quelque peu épineuses ces dernières années, Alger réagissant parfois avec humeur à des propos de responsables français sur différents sujets, et notamment sur la récente répression exercée par la police dans la région berbère de Kabylie.

La vague de contestation a débuté en Kabylie après le mort d’un adolescent dans un commissariat de police, le 18 avril, suivie de heurts avec les forces de sécurité dans lesquels au moins 55 manifestants et un membre des forces de sécurité ont trouvé la mort.

111 manifestants disparus, selon des avocats

Des avocats algériens ont par ailleurs déclaré mercredi que 111 personnes ayant participé à la manifestation antigouvernementale qui a tourné à l’émeute, jeudi à Alger, étaient portées disparues.

Le dernier bilan des émeutes fait état de quatre morts, dont deux journalistes, et d’un millier de blessés lors des violences de la semaine dernière dans la capitale.

« Nous confirmons que les 111 personnes portées disparues ne se trouvent pas à l’hôpital et ne sont pas en prison. Nous soupçonnons qu’elles sont en captivité dans les locaux de la police ou de la sécurité militaire », a dit l’avocat Amar Zaidi.

Répondant mercredi aux questions des parlementaires, le ministre de l’Intérieur Noureddine Zerhouni, interpellé par l’opposition à ce sujet, a déclaré « formellement » qu' »il n’y a pas de disparus ».

Selon Zaidi, la plupart des « disparus » sont originaires des régions berbères de Béjaia, Tizi Ouzou et Bouirara, en Kabylie, à l’est d’Alger.

Les manifestations se sont depuis étendues à d’autres provinces.

Douze autres personnes, dont cinq membres des forces de sécurité, ont été tuées cette semaine dans des accrochages et des actes de vandalisme ont été recensés dans des villes et des villages de l’est du pays.

En Kabylie, le ministre de l’Intérieur a déclaré au Parlement qu’au cours de la période allant jusqu’au 12 juin, 1.579 membres des forces de sécurité avaient été blessés dans les troubles et que 305 civils avaient été blessés par balles, rapporte l’agence APS.

Selon les premières estimations, les dégâts en Kabylie, où des dizaines de bâtiments publics ont été totalement ou partiellement détruits, atteignent 1,1 milliard de dinars (14 millions de dollars), a dit le ministre.

Le mécontentement croissant de la population, qui se plaint du chômage, de la pénurie de logements et des exactions des forces de l’ordre, a suscité des appels à la démission de Bouteflika.

Mais le chef de l’Etat a affirmé qu’il avait l’intention de rester au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat de cinq ans, en 2004.

« Je ne suis pas de ceux qui quittent le navire au milieu de la tempête », a-t-il dit mardi à Tamanrasset.

 

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