Révoltes, un mort

Emeutes dans la basse Kabylie

Un mort à Chemini

Par Yacine B., Le Jeune Indépendant, 23 mars 2002

Un jeune citoyen, âgé de 19 ans, nommé Bettar Yacine, a été assassiné jeudi au cours d’affrontements avec les éléments de la gendarmerie dans la commune de Chemini, dans la wilaya de Béjaïa. La victime a reçu deux balles à la tête et malgré son transfert en urgence à l’hôpital de Tizi Ouzou, il a succombé à ses blessures. Par ailleurs, on nous signale qu’un autre jeune citoyen a été blessé et se trouve dans un état grave à l’hôpital de Sidi-Aïch.

Ces deux cas, qui ont fait replonger la basse Kabylie dans une tristesse totale, ont fait remuer le couteau` dans la plaie en rappelant aux populations de la région ce qui s’est passé l’année précédente et le nombre de morts durant le «printemps noir».

Concernant les émeutes déclenchées dans plusieurs localités durant la semaine dernière, notamment à El-Kseur, Amizour, Sidi-Aïch, Akbou, Timezrit et Seddouk, qui ont provoqué des dizaines de blessés et quelques arrestations, la Coordination intercommunale de la wilaya de Béjaïa (CICB) a appelé, dans un meeting, la population au calme et à mettre fin aux émeutes.

A Timezrit, des urnes ont été brûlées, jeudi, par des manifestants. Y. B.

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La violence a monté d’un cran à Tizi Ouzou

De notre correspondant Saïd Tissegouine

Durant la soirée de jeudi, aux environs de 22 heures, des gendarmes ont fait usage de leurs armes à feu et tiré à balles réelles au niveau du quartier les Genêts. Aucun manifestant n’a été touché, mais le spectre d’un «printemps noir» 2001 bis plane sur la capitale du Djurdjura. Ce sentiment de peur est légitimé suite au décès, hier à 5 heures du matin, au CHU de Tizi Ouzou, d’un jeune manifestant originaire de Chemini (Akbou, Béjaïa) après qu’il a été atteint de deux balles dans la tête. La consternation était totale hier devant la morgue de l’hôpital. Le corps du jeune homme a été montré à toute personne désirant le voir.

Ce qui a suscité colère et indignation parmi la population, c’est l’absence d’un appareil frigorifique devant accueillir la dépouille de la victime. On a pu remarquer la présence de six autres dépouilles qui reposaient sur des chariots.

A Tizi Ouzou, des émeutes ont été déclenchées jeudi au moment où des citoyens voulaient empêcher la tenue d’une manifestation organisée par la police à la maison de la Culture Mouloud-Mammeri. La résistance des policiers, nombreux sur ces lieux, a fini par se dégénérer en de terribles affrontements. Les délégués Belaïd Abrika et Mohamed Nekkam ont été emmenés au commissariat central de police pour être relâchés cinq minutes après. Ils nous ont confié qu’ils ont été malmenés par des policiers.

Au niveau de la localité de Naciria, de violents affrontements ont éclaté entre jeunes manifestants et gendarmes durant la journée d’avant-hier. Plus de 50 blessés dont 20 par balles de caoutchouc ont été dénombrés parmi les émeutiers. Du côté des gendarmes, on a dénombré 5 blessés dont un grave. En effet, celui-ci a été grièvement atteint de brûlures après avoir été la cible d’un cocktail Molotov. Par ailleurs, la daïra a été complètement incendiée et les locaux de l’APC entièrement saccagés. S. T.

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Le meeting de la CCCWB se termine en émeutes à Bouira

De notre correspondant Mourad O.

La Coordination des comités de citoyens de la wilaya de Bouira (CCCWB) a organisé jeudi un rassemblement à la place des Martyrs, auquel ont pris part des milliers de citoyens, venus des quatre coins de la région. M. Mahmoud Toumi, du CC de M’chedallah, indiquera que «voter aujourd’hui serait une énième trahison envers les chouhada de la guerre de libération, de la démocratie et des plates-formes de la Soummam et d’El-Kseur, porteuses du même message : la restitution de l’Algérie aux Algériens». Pour Kaci Yahiaoui, représentant le comité de Bachloul, «le mouvement est certes radical, mais rassembleur autour des mêmes revendications pour tous les citoyens de la nation». Il ajoutera que la mobilisation des citoyens «a fait fuir les démons qui, dans un passé récent, emmenaient les haches aux universités pour combattre les étudiants républicains démocrates». Il faisait sans doute allusion aux militants d’El-Islah qui venaient juste d’annoncer à travers des affiches placardées dans les rues de Bouira, l’annulation du meeting que devait animer leur leader, Abdallah Djaballah. Le dernier intervenant, Djaâfar Abdenour, de Taghzout, a qualifié le régime de «pyromane», qui est en train de mettre le feu à sa propre demeure (…), et d’ajouter : «Qu’attendre d’un pouvoir qui, au moment où de vaillants citoyens sortent dans la rue pour crier haut et fort leur ras-le-bol, les accueille avec des balles réelles ?».

A la fin du rassemblement, un millier de jeunes, qui n’ont pas écouté l’appel au clame des organisateurs, ont initié une marche de la place des Martyrs vers le siège de la wilaya, en traversant l’artère principale de la ville et en scandant des slogans hostiles au pouvoir. Les lampadaires et les feux de signalisation qui se trouvaient sur leur passage ont été saccagés. Les policiers présents ont discrètement suivi la marche sans faire d’interpellation. Mais à l’intersection vers Aïn Bessem, les brigades anti-émeute ont chargé les manifestants à coups de grenades lacrymogènes. Même le camion chasse-obstacles a fait son apparition pour frayer un chemin aux CNS qui avaient occupé les coins stratégiques de la ville de Bouira. Aux environs de 14 heures, le calme est revenu. M. O.