Bouteflika promet une main de fer
Un discours anti-émeute
Noureddine Azzouz, Le Quotidien d’Oran, 22 janvier 2002
Hier, au Club des Pins, les huit cents invités au séminaire attendaient du chef de lEtat, un discours sur lAfrique et ses défis face à la mondialisation. Ils ont eu droit à une intervention de politique intérieure, hors contexte et très musclée.
La cible, les ârouch «radicaux» traités de «manifestants forcenés» et dacteurs dont le manque de sérieux na dégal que leur promptitude à occuper la rue. Contre eux, a-t-il martelé, «jappliquerai la loi» et «jirai jusquau bout de ma politique». «Je ne tolérerai pas lintrusion de la violence comme moyen politique ou de pression», a-t-il ajouté en utilisant, par ailleurs, toutes les formules nécessaires à son intention de sévir : «Dorénavant, a-t-il ajouté, jappliquerai la loi dans sa toute rigueur». «Contre les adeptes des manifestations arbitraires, il y aura la loi», a-t-il martelé.
Avec eux, les acteurs de la fronde sociale, pêle-mêle ! Les manifestants de rue, les «casseurs dédifices publics et des biens privés ne seront pas pardonnés». «Plus question de laisser quiconque casser ce quil veut, quand il veut». LEtat va «utiliser les moyens adéquats», a-t-il dit. Un discours sans nuances et dune franche sévérité, si lon peut excepter le mot de la fin où le chef de lEtat a dit : «celui qui aime bien, châtie bien». Il nempêche que, cest la première fois que le chef de lEtat utilise, selon les observateurs présents hier au Palais des Nations, des mots aussi durs. Et ce, à propos dévènements que les autorités ont, en dépit de tout, pris soin dintégrer dans le climat général de la crise économique et politique. Cest vrai pour les émeutes qui agitent le pays depuis plusieurs mois. Ça lest encore davantage pour la Kabylie : la tension qui y règne, incite les grands acteurs au sein du gouvernement à plus de prudence. Pourquoi le président de la République na pas fait, selon lavis général, dans le détail ? Largument quil a défendu, hier, est que les troubles que connaît le pays menace sa stabilité. Or, toute sortie de crise, a-t-il dit, passe par un Etat fort, pré-requis et garantie «uniques», pour que lAlgérie respecte ses engagements stratégiques. Pour que le pays, a-t-il dit, «négocie sereinement» les bouleversements internationaux et les réformes quils imposent. Cependant, il y a lieu de croire que, par ses «digressions agressives», le président de la République na rien fait dautre que de mettre à jour le vieux débat opposant les grands acteurs au pouvoir sur la gestion des résistances et des foyers de crise, quils espéraient voir disparaître avec larrivée de Abdelaziz Bouteflika à la tête de lEtat et la mise en route des grands chantiers des réformes. Entre laisser-faire et répression, Abdelaziz Bouteflika a penché, hier, en faveur de la seconde option.
Comme pour le président sud-africain, Thabo Mbeki, qui a, lui aussi, défendu cette idée sous ses propres cieux, mais avec dautres mots, lobjectif principal pour M. Bouteflika semble être la stabilité coûte que coûte. Les deux chefs dEtat usent-ils de la même stratégie et ont-ils la même vision ? Difficile de juger le président de la République sur un simple discours, prononcé de surcroît dans un contexte socio-politique inquiétant. En revanche, il est important de signaler quaprès le 11 septembre, bon nombre déléments ont évolué. Quau delà de la sévérité affichée hier par Abdelaziz Bouteflika, il y a lieu de relever un fait politique important : à la veille déchéances redoutables, le pouvoir semble éprouver des difficultés à sassocier le maximum de forces politiques et autres.
Hier, le président de la République a, en fin de discours, demandé laide de tous. Une semaine auparavant, son premier ministre, Ali Benflis, avait fait la même chose lors de son voyage dans les Hauts-Plateaux. Dans cette logique, tout porte à croire que le gouvernement multipliera les initiatives «fédératives» : 2002 est une année délections, certes. Mais cest aussi une année-test, durant laquelle le président Bouteflika doit convaincre ses partenaires principaux de la solidité de ses options et de la fiabilité de sa politique.