Alger : les forces de sécurité bloquent les manifestants
Alger : les forces de sécurité bloquent les manifestants
Le Monde, 5 juillet 2001
La marche des délégués de Kabylie, interdite par les autorités, a tourné court, jeudi 5 juillet. Arrêtés aux portes d’Alger par un impressionnant dispositif de sécurité, les 5 000 manifestants se sont heurtés aux nombreux barrages de policiers déployés à Thénia, à Naciria et à Alger. La manifestation des Kabyles a bien eu lieu, mais la marche a dû tourner court devant l’imposant dispositif de sécurité mis en place de la Kabylie à la capitale, Alger. Les quelque 5 000 marcheurs, attendus de toute la Kabylie (est d’Alger), ont été contraints à rebrousser chemin par des centaines de gendarmes déployés en de nombreux barrages filtrants sur toutes les routes menant de la Kabylie à la capitale.
Ce dispositif avait été mis en place dès mercredi 4 juillet pour prévenir toute infiltration par avance. Toutefois, quelques délégués ont réussi à gagner Alger dès lundi 2 juillet et ont participé à un sit-in place du 1er-Mai, lieu de ralliement des manifestants à Alger. Les délégués des comités de villages et des arch (tribus) kabyles, organisateurs de la marche, avaient affirmé leur intention de « marcher pacifiquement » et de remettre une plate-forme de revendications à la présidence de la République algérienne.
A Thénia, à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Alger, peu après la jonction des routes venant de Tizi Ouzou, la capitale de la Grande Kabylie, de Béjaïa, la capitale de la Petite Kabylie, ainsi que de Bouira, troisième ville de Kabylie, un imposant barrage a permis le contrôle systématique des véhicules. D’importants barrages de gendarmes, parfois avec des chiens et des automitrailleuses, avaient été aussi installés tout au long de l’autoroute menant d’Alger à Tizi Ouzou (110 km à l’est d’Alger), a constaté l’AFP.
Les autocars étaient systématiquement contrôlés avant d’être autorisés à poursuivre ou contraints de faire demi-tour.
A Naciria (30 km à l’ouest de Tizi Ouzou), un barrage de gendarmes a refoulé des délégués qui ont d’ailleurs manifesté avant d’organiser un sit-in, a constaté l’AFP. Ces manifestants ont affirmé qu’ils étaient « déterminés à poursuivre le combat, puisque le pouvoir persiste à les traiter en agresseurs » mais qu’ils « ne cherchent pas l’affrontement ». Des barrages filtrants ont aussi été mis en place sur la route nationale dans la région de Bouira et Lakhdaria (70 km à l’est d’Alger), selon des témoins.
A Alger, quelques centaines de manifestants se sont, quand même, rassemblés place du 1er- Mai et se sont dispersés dans le calme dans l’après-midi.Cette place d’où devait s’ébranler la marche vers la présidence de la République à El Mouradia, sur les hauteurs d’Alger, était entourée par d’importantes forces de police. La capitale était également quadrillée par de nombreuses unités anti-émeutes surveillant notamment tous les accès venant de l’est et du sud.
Les comités de villages et des arch de Kabylie devaient faire venir quelque 5 000 délégués à Alger malgré l’interdiction des autorités, renouvelée le lundi 2 juillet par le chef du gouvernement, Ali Benflis, ainsi que par le ministère de l’intérieur. M. Benflis avait indiqué qu’il voulait éviter les « dérapages » de la manifestation du 14 juin à Alger, qui avait rassemblé des centaines de milliers de manifestants venant de Kabylie et avait tourné à l’émeute, faisant six morts et un millier de blessés. M. Benflis avait souligné sa disponibilité à recevoir une « délégation mandatée », mais s’était opposé à des manifestations de rue.
De grandes manifestations qui ont parfois dégénéré en émeutes ont éclaté en Kabylie après la mort d’un lycéen, le 18 avril, dans la gendarmerie de Beni Douala, près de Tizi Ouzou. Elles se sont ensuite étendues à d’autres régions d’Algérie et ont fait au moins 60 morts et 2 000 blessés. Cette marche avortée a, cependant, éclipsé à Alger les festivités du 39e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962. Le président Abdelaziz Bouteflika a simplement déposé une gerbe de fleurs au monument des martyrs de la guerre d’indépendance (1954-62) et promu la veille, six généraux.
Avec AFP