Mustapha Mazouzi: « Nous amorçons un grand virage »
« Nous amorçons un grand virage »
Propos recueillis par A. Djamila, Le Jeune Indépendant 6 décembre 2001
Des sit-in auront lieu aujourdhui en Kabylie devant les brigades de la Gendarmerie nationale. M. Mustapha Mazouzi, délégué à la présidence tournante de la CADC (Coordination des aârchs, daïras et communes) de Tizi Ouzou, sexplique sur cette action arrêtée lors du 16e réunion intercommunale des aârchs, ainsi que sur la situation du mouvement.
LE JEUNE INDEPENDANT : Quelle signification donnez-vous à laction daujourdhui ?
M. Mazouzi : Cest clair que laction daujourdhui entre dans le cadre dune réponse au pouvoir afin de lui démontrer que nous sommes les représentants légitimes de ce mouvement et que les délégués quil invite à dialoguer avec lui ce soir sont sa propre création. Aujourdhui, il aura la réponse définitive : la Kabylie ne sombrera jamais dans la compromission avec un pouvoir qui na pas hésité à utiliser les balles explosives pour affronter des jeunes sans armes. Quant à notre action daujourdhui, elle est très symbolique dans la mesure où les sit-in qui auront lieu devant les brigades de la gendarmerie seront une occasion pour dire à ces éléments armés du pouvoir : vous êtes la cause de notre malheur.
Comment cela a été décidé ?
Laction a été décidée suite à des propositions émanant de la base. A Tizi Ouzou, cest laction qui a fait le plus lunanimité. Cela dit, Bouira et Béjaïa ont eu la même attitude. Cela prouve que la plate-forme dEl-Kseur nous unit réellement.
Pourquoi avez-vous localisé cette action en Kabylie seulement ?
Nous aurions aimé que laction prévue pour contrecarrer les manuvres du pouvoir soit décidée lors dune réunion inter-wilayas. Ce qui nest malheureusement pas le cas. Nempêche quil y a déjà trois wilayas qui ont décidé la même chose, à savoir des sit-in devant les sièges de la gendarmerie. Sajoute à cela, et au moment où je vous parle [NDLR, hier] des réunions se tiennent à Bordj Bou Arreridj et Sétif pour se concerter sur la même action.
Les caravanes de sensibilisation nont apparemment rien donné…
A Illilten, les représentants nous ont confirmé que leur délégué a été exclu et quil ne représente plus cette commune. Pour ce qui est de Bouzguen, il y a eu une manipulation de la part des délégués « dialoguistes » qui ont monté tous les présidents des comités de village, en leur disant quils ont été exclus non pas à cause de leur position, mais parce quils ne sont pas représentatifs. Alors que cest faux. Ils ont été « mis à la porte », car ils ont dévié de la ligne du mouvement. Ils veulent dialoguer et ils veulent mener le mouvement vers la compromission, voire vers la scission. Quant au cas de Yattafen, officiellement, le délégué de cette commune ne représente que lui-même.
A part les sit-in daujourdhui, quelles sont les autres actions que votre mouvement compte mener pour le futur ?
Je pense que la réunion de Tizi Ouzou du week-end dernier a défini les perspectives du mouvement. Nous allons sortir les grands « armements » politiques pour amorcer un grand virage. Je pense que toutes les actions seront denvergure. Nous sommes dans un point de non-retour, nous allons faire pression sur le pouvoir pour quil réponde officiellement et publiquement à la plate-forme dEl-Kseur pour laquelle plus dune centaine de jeunes ont payé de leur vie.
Au cas où la délégation dite « Taïwan » qui rencontrera le chef du gouvernement aujourdhui arrive à décrocher la reconnaissance de la plate-forme dEl-Kseur, quelle serait votre attitude ?
Cest une manipulation très flagrante. Si le pouvoir voulait satisfaire réellement la plate-forme, il suffisait au président de la République dannoncer à la télévision que la plate-forme est acceptée. Sinon, pourquoi les « délégués Taïwan » ont été approchés par des émissaires et non pas eux et pourquoi il nont pas pris attache avec les vrais délégués… Donc, cela montre que cest un jeu. Nous sommes persuadés quil y aura de la manipulation. La plate-forme dEl-Kseur ne sera jamais satisfaite dans sa totalité et nous savons que certains points seront écartés lors de la rencontre daujourdhui.
Vous dites vouloir peser sur les prochaines élections. Est-ce que le mouvement a pris langue avec les partis politiques ?
La décision qui a été prise à Tizi Ouzou relative à la non-tenue des élections en cas de la non satisfaction des revendications citoyennes contenues dans la plate-forme dEl-Kseur a été réaffirmée à maintes reprises, notamment avec les partis politiques. Et je demeure convaincu que ces derniers comprendront notre décision. Quant aux contacts avec les forces politiques, jusquà maintenant je vous avoue que ce sont des contacts officieux entretenus avec les militants de ces partis qui sont dans notre mouvement.
Quelle est votre appréciation sur la situation actuelle du mouvement ?
Malgré les attaques subies, le mouvement est tellement sincère et porteur despoir que personne ne pourra le casser, ni les manuvres répétées du pouvoir, ni les attaques de ses relais, ni certains organes de presse qui, en fin de compte. Nul ne peut briser cette dynamique citoyenne, car elle émane des profondeurs de la société. Les délégués exclus de votre mouvement disent que la décision de lexclusion nest pas de votre ressort…
Nous avons des principes directeurs et un code de lhonneur. Si ces délégués exclus se sentent lésés, ils nont quà demander la révision de cette décision pour que leur cas soit étudié. Nous restons persuadés, au sein du mouvement, que ces exclus ont violé le code de lhonneur en faisant des déclarations, alors que cela relevait de la compétence de la présidence tournante. Aujourdhui, nos chemins sont différents. Ces éléments ne sont plus reconnus comme des représentants dun mouvement qui a fait serment de rester fidèle au combat tel quil a été tracé dès le début. A. D.