Deuxième jour d’émeutes à Ain Benian

DEUXIÈME JOUR D’ÉMEUTES À AÏN BÉNIAN

Violents affrontements dans la ville

L’Expression, 15 août 2002

Les brigades de la gendarmerie ont donné l’assaut, usant de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

Après une nuit passée à la belle étoile par les quelques familles expulsées de leurs habitations de fortune, le domaine Si Haouès de Aïn Bénian a été pris d’assaut, hier matin, par les brigades d’intervention de la gendarmerie. Des tirs de sommations ont été opérés par les gendarmes pour disperser la foule déterminée à ne pas se laisser faire. Devant leur refus de se soumettre, les éléments de la gendarmerie ont effectué une intervention «musclée» à l’aide de bombes lacrymogènes et de tirs de balles en caoutchouc. Dans la confusion qui s’en est suivie, les forces de l’ordre ont procédé à une série d’arrestations.
Les affrontements, d’une rare violence, ont duré plus d’une heure. Aucune victime n’est à déplorer, fort heureusement. Mais le climat reste extrêmement tendu. Des risques de nouvelles émeutes, plus violentes encore, continuaient de planer hier. Visiblement ému, un citoyen s’est interrogé sur le fait que «les autorités aient fermé les yeux sur les manoeuvres fallacieuses de celui qui nous a vendu le terrain.»
L’intervention des forces de l’ordre venues en grand nombre, renforcées par les chasse-neige et autres camions munis de canon à eau, s’est soldée par une dizaine de blessés touchés par les bombes lacrymogènes et les balles en caoutchouc. Deux enfants en bas âge ont été évacués vers le dispensaire après l’inhalation de gaz lacrymogènes. Un des pères, les larmes aux yeux, nous exhibe une ordonnance pour prouver le préjudice causé à son enfant. Tous ont pointé un doigt accusateur en direction de l’APC pour «son incapacité à prendre des mesures contre le véritable responsable de cette dramatique situation, qui aurait vendu ces trois hectares en litige à une personne influente». On croit savoir que l’acquéreur aurait été convoqué par la brigade de gendarmerie dans le cadre de l’enquête ouverte à ce sujet. Le secrétaire général de l’APC, questionné de nouveau, s’est confiné dans un silence troublant, malgré l’insistance des innombrables journalistes présents sur les lieux. Les citoyens se demandent pourquoi «certains ont été recensés par les équipes de l’APC et ont reçu des garanties d’être relogés pour ensuite se faire démolir leurs demeures sans le moindre dédommagement».
La grogne a atteint un degré tel que les victimes de cette décision émise, selon certains, par le wali d’Alger, sont résolues à observer un sit-in devant l’APC. Tous les mots ne suffisent pas pour dire le désarroi des familles expulsées. Pour l’heure, la situation est explosive.
Un foyer de tension qui risque de dégénérer en émeutes, si aucune solution n’est trouvée dans un très proche avenir. Le risque est de voir la commune de Aïn Bénian de vivre une deuxième émeute autrement plus grave que la précédente si rien n’est fait pour y remédier. Hier, à l’heure où nous mettions sous presse, ces citoyens se préparaient à passer leur deuxième sit-in nocturne à la belle étoile alors que les forces d’intervention continuaient à boucler tout le secteur, prêts à toutes éventualités.

Djamel MENTOUIRI