Plus de 300 personnes interpellées

Plus de 300 personnes interpellées

Par Sihem H., Le Jeune Indépendant, 6 otobre 2001

Plus de 300 personnes susceptibles d’adhérer à la marche de la Coordination des aârchs prévue hier à Alger ont été arrêtées par les services de sécurité. En effet, dès les premières heures de la journée d’hier, les policiers se sont livrés à une véritable chasse au faciès parmi la population présente aux alentours du lieu qui devait constituer le point de départ de la manifestation, c’est-à-dire la Grande-Poste. Tout citoyen soupçonné de ne pas être Algérois mais d’être, par exemple, originaire de l’une des wilayas de la Kabylie, était systématiquement embarqué. Les policiers, qui semblaient avoir reçu des instructions strictes, n’épargnaient personne. Tous âges confondus, les «suspects» étaient systématiquement contrôlés et leurs papiers d’identité vérifiés. Une jeune fille, membre de la coordination d’Alger, nous a confié après sa libération qu’elle était assise dans un salon lorsqu’un policier, qui a affirmé l’avoir reconnue pour être une habituée des marches, l’a interpellée et l’a transférée vers le commissariat central. Une autre déléguée arrêtée dans les mêmes conditions ne cachera pas son hostilité vis-à-vis de ce comportement «indigne» Etant fille de chahid, elle dira qu’elle n’était pas du tout fière que son père se soit sacrifié pour une Algérie indépendante pour qu’un jour ses enfants soient interdits d’une libre circulation dans cette même patrie. Djamel Ferdjallah, député RCD, qui a fait le tour des commissariats dans le but de libérer les interpellés, se dit, quant à lui, outré par cette manière de procéder du pouvoir pour empêcher la marche.

«On ne peut pas arrêter un citoyen pour la simple raison qu’il a un accent kabyle ; c’est complètement aberrant », dira-t-il. M. Boucetta, représentant de la coordination de Boumerdès, a estimé, pour sa part, que ces agissements que l’on croyait révolus «vont dans le sens de la détermination du pouvoir à étouffer tout mouvement populaire, pacifique et organisé». D’ailleurs, pour notre interlocuteur, c’est la peur qui a motivé le pouvoir à rendre public un communiqué «intox» rendant compte d’une présumée rencontre avec les aârchs. «Nous refusons de sombrer dans la clandestinité ; c’est pourquoi nous défions et le pouvoir et les prétendues personnes reçues par le chef du gouvernement de se présenter au grand jour et de dévoiler leurs véritables intérêts qui n’ont servi qu’à tromper l’opinion publique.» M. Boucetta conclura que cette marche avortée était peut-être l’ultime tentative pour remettre la plate-forme d’El Kseur au président de la République. Il se demande de quelle manière faudra-t-il alors procéder pour faire entendre leur voix. Et dire que le consensus sur la marche de ce 5 octobre a été arraché difficilement lors de la réunion d’Ath Djenad, après plus de 24 heures de négociations entre les différents délégués. S. H.

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Les délégués des aârchs bloqués à Naciria

Vers la radicalisation du mouvement ?

Par Saïd Tissegouine, Le Jeune Indépendant, 6 otobre 2001

Les délégués des wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira dont le nombre se situe entre 3 500 et 4 000, ont été bloqués hier à Naciria par l’impressionnant dispositif de sécurité mis en place, à la grande surprise des représentants du mouvement civil. En effet, personne ne s’attendait à trouver sur son passage un telle «forteresse-obstacle». Derrière le premier bouclier humain occupant toute la largeur de la chaussée étaient stationnés en deux colonnes parallèles et à perte de vue les engins motorisés ou les camions lance-eau. Les transporteurs de troupes et les redoutables automitrailleuses se côtoyaient. Selon des informations que nous avons recueillies, ce dispositif de sécurité a été mis en place à Naciria dès 3 heures du matin, alors que les délégués des aârchs ne sont arrivés sur les lieux du blocage qu’à 8 h 30. Devant l’impossibilité de franchir le barrage, les manifestants ont improvisé un sit-in sur place. Cette manifestation durera jusqu’à midi. Cependant, malgré les chants patriotiques entonnés en chœur par les manifestants et les slogans hostiles au pouvoir, les gendarmes restèrent de marbre. De retour à Tizi Ouzou, un meeting a été animé par certains délégués des aârchs devant la salle Kateb-Yacine de Tizi Ouzou. Il sera suivi d’une réunion extraordinaire à laquelle ont pris part seulement les délégués principaux. L’ordre du jour de cette rencontre a porté sur la déclaration et le communiqué de presse que devaient faire en commun les délégations de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira ainsi que la fixation de la date et le lieu de la réunion extraordinaire de l’inter-wilayas. Pour ce qui est de ce dernier point, les représentants des aârchs ont décidé que ce rendez-vous aura lieu les 11 et 12 de ce mois à Béjaïa. Par ailleurs, les différents intervenants ont fermement condamné «l’attitude du pouvoir à l’égard du mouvement civil porteur du message de l’espoir». En dépit de sa courte durée, cette rencontre a permis aux délégués de faire connaître leurs avis selon lesquels «la stratégie de lutte adoptée jusqu’à ce jour doit être sérieusement revue». Des propos lourds de sens dès lors que des voix ont plaidé pour la radicalisation du mouvement. «Ce pouvoir têtu et clandestin, ont dit certains, ne comprend que le langage de la force». Concernant la délégation des aârchs que M. Ali Benflis aurait reçue, «ce n’est selon certains intervenants, qu’un mensonge fabriqué de toutes pièces par le pouvoir car personne n’a discuté de la plate-forme d’El-Kseur» . Un délégué de Tizi Ouzou a lancé même un défi au chef du gouvernement de «rendre publics les noms de ces personnes qui ont négocié au nom des aârchs le document d’El-Kseur» . Pour ceux qui croient un tant soit peu aux propos du secrétaire général du FLN, ces négociateurs ne sont que «des lâches, des traîtres et des vils». «Les seuls représentants des aârchs, ce sont nous qui parlons à haute voix et au su de tout le monde», ont-ils ajouté. Une 3e force que nous avons écoutée en aparté est celle des émeutiers. Ces interlocuteurs considèrent que la victoire ne peut être assurée que par la rue. «Et ce sera pour bientôt», nous ont-ils juré. Donc l’avenir demeure plus que jamais incertain en Kabylie. S. T.

 

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