Mis à nu, le « système » n’est pas beau à voir

Mis à nu, le « système » n’est pas beau à voir

Baudouin Loos, Le soir, 16/04/99

Ce n’est pas demain que les Algériens se choisiront un président en toute liberté. Certains optimistes avaient cru la chose possible. Avaient cru que les urnes allaient livrer leur verdict en toute transparence. Le président Zéroual ne l’avait-il pas promis? Mais voilà, le régime a la vie dure, malgré les lézardes qui apparaissent à son sommet. Et les candidats, à l’exception naturelle du poulain choisi par la majeure partie de la haute hiérarchie militaire, ont donc refusé en dernière instance de cautionner la mascarade concoctée dans les officines du pouvoir.

A quelque chose malheur est bon, toutefois. L’extraordinaire journée de mercredi, qui a vu les concurrents de Bouteflika se draper dans leur honneur bafoué par la fraude et renoncer à la compétition électorale restera dans les annales algériennes comme le jour où le pouvoir s’est trouvé pris à son propre piège. Le « système » a été mis à nu. Et il n’est pas beau à voir. Les faux-semblants démocratiques n’abusaient déjà que peu d’Algériens. Les voilà qui éclatent à la figure des généraux parrains du « système ».

A-t-on pour autant assisté à la naissance d’une opposition tout à la fois démocratique, consistante, radicale, cohérente et pacifique? Il est trop tôt pour se prononcer. Des signes en indiquent la formation. Comme les mots d’un Mouloud Hamrouche, candidat réformateur, ex-Premier ministre et « enfant du système », qui osa sublimer sa traditionnelle prudence, mercredi soir, dans une diatribe sans détours: « La bureaucratie totalitaire qui tient l’Etat en otage s’est mise au service de réseaux d’intérêts prébendiers et a choisi à la place du peuple. Elle a opté pour la division et l’exclusion des citoyens du choix de leurs gouvernants et du contrôle de l’exercice du pouvoir. Son refus du compromis est une manifestation de peur ». Ces choses-là, les Algériens les savaient bien, mais quel a dû être le plaisir de ceux qui ont pu aussi se l’entendre dire.

Ce pouvoir peut-il se réformer? Non, sans doute, il draine trop d’intérêts, et trop de puissances étrangères — on dit poliment « les partenaires économiques » — s’en accommodent. Mais il peut entrer dans une phase de déliquescence fatale. A deux conditions: que la hiérarchie militaire connaisse une sûre accentuation de ses apparents déchirements actuels, et que s’affermisse, de manière concomitante, le processus de maturation politique auquel accèdent les Algériens, comme la belle liberté de ton de la campagne électorale a pu en donner un avant-goût prometteur.

En attendant ces jours meilleurs sans doute encore lointains, les Algériens continueront à subir l’étau des mafias et des terroristes. Mais qui s’en soucie?

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