Le nouveau président Bouteflika sera un interlocuteur difficile pour la France
Le nouveau président Bouteflika sera un interlocuteur difficile pour la France
vendredi 16 avril 1999, 19h23
PARIS, 16 avr (AFP) – Nationaliste ombrageux, le nouveau président algérien Abdelaziz Bouteflika a averti vendredi la France qu’il n’acceptera pas de « tutelle » étrangère, dans une réplique aux « préoccupations » exprimées par Paris face aux conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections présidentielles algériennes.
Tout en ne ménageant pas ses critiques contre la France, le nouveau président s’est déclaré, au cours de la campagne électorale, déterminé à travailler à un rapprochement fécond entre Alger et Paris. Pourtant, l’extrême réserve exprimée officiellement en France sur le déroulement de l’élection, d’où six des sept candidats se sont retirés à cause de leurs soupçons de fraude, a provoqué une vive réaction du chef de l’Etat.
A la suite des « préoccupations » exprimées vendredi par le gouvernement français sur les circonstances de l’élection, Abdelaziz Bouteflika s’est déclaré « profondément choqué » et a précisé qu’il « n’acceptera ni tutelle ni ingérence », dans les futures relations de son pays avec l’étranger.
Le nouveau président connaît bien la France qu’il a combattue pendant la guerre d’Indépendance, et dont il fut ensuite le principal interlocuteur en 1965 et en 1971 pour la révision des accords d’Evian sur l’indépendance, puis la nationalisation des sociétés françaises d’hydrocarbure.
Pendant la campagne électorale, Abdelaziz Bouteflika a, à la fois, tenu des propos très durs contre l’ancienne puissance coloniale, et manifesté le souhait de sortir des contentieux, souvent passionnels, qui marquent les rapports entre les deux pays depuis l’indépendance algérienne, en 1962.
Sur un ton très direct probablement destiné avant tout à l’usage interne, le nouveau chef d’Etat a accusé la France, il y a une semaine à Béchar (sud), de « génocide à l’égard du peuple algérien ». « Nous pourrions rouvrir nos dossiers et constater que les Français aussi ont été à l’origine de crimes contre l’humanité. C’est facile de se laver les mains et de dire que l’on est du pays de Rousseau », a-t-il remarqué.
Face aux médias français, ses critiques ont été autrement moins vives, mais il a regretté, il y a quelques jours, la qualité des relations entre Paris et Alger pendant la présidence de Houari Boumédiène, dont il fut un très proche collaborateur puis un ministre. La nature de ces relations a été ensuite déséquilibrée, selon lui, parce que Paris n’avait plus en face de lui, en Algérie, qu’un « vide » du pouvoir. « Le vide est terminé », a-t-il estimé sur la chaîne de télévision française LCI. Il a ajouté que « plus fort sera le régime algérien, plus les interêts français seront préservés ».
Sans apporter de précision sur ce que pourra être précisément son approche des relations algéro-françaises, Abdelaziz Bouteflika a déclaré aux quotidiens français Le Parisien et Le Monde que, tout d’abord, les vieux contentieux passionnels hérités de l’Histoire doivent être définitivement abandonnés pour permettre « un rapprochement fécond ».
Il a estimé que la rénovation des rapports franco-algériens doit être fondée « politiquement sur le respect mutuel, économiquement sur l’échange fécond et équilibré, socialement sur la libre circulation des hommes », et « culturellement sur la coopération technique et scientifique ».
La campagne électorale et l’élection du président Bouteflika ont été suivies avec une extrême discrétion par les gouvernants français compte tenu de l’extrême sensibilité des relations franco-algériennes.
Deux heures après l’annonce du résultat, vendredi, le ministère français des Affaires étrangères, a annoncé que la France est « préoccupée » par les circonstances de l’élection présidentielle et « continue d’espérer que les aspirations à la démocratie du peuple algérien puissent s’exprimer dans un cadre pluraliste ».
Le nouveau président s’est déclaré « profondément choqué » par cette position, et le ministère algérien des Affaires étrangères a souligné que l’Algérie « rejette ce jugement de valeur qui est injustifiable dans la mesure où il représente une interférence inacceptable dans les affaires intérieures » algériennnes.