Place du 1er Mai : des Algériens tentent de protester contre « la dictature »
Place du 1er Mai : des Algériens tentent de protester contre « la dictature »
vendredi 16 avril 1999, 18h31
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ALGER, 16 avr (AFP) – Sous la pluie battante qui s’écrase sur l’asphalte de la ruelle algéroise, ils sont quelques centaines à scander « à bas la dictature », « Pouvoir assassin », lors d’une manifestation, interdite, contre l’élection à la présidence de la République algérienne de Abdelaziz Bouteflika.
Depuis une heure, par petits groupes, ils tentent de s’infiltrer à travers l’impressionnant dispositif policier qui barre tous les accès à la Place du 1er Mai, non loin du centre-ville d’Alger.
Ils sont impitoyablement refoulés dans les allées du vaste hôpital Mustapha, qui longe la place, par des policiers en civil, pistolet automatique de gros calibre passé dans la ceinture, ou des membres des brigades anti-émeutes casqués et munis de longues matraques de bois.
Tout le centre de la place est occupé par des fourgonnettes grillagées, des camions munis de canons à eau et des véhicules anti-barricades à lame de métal. Une « marche pacifique contre la dictature » y avait été appelée par le Front des forces socialistes (FFS-opposition), un parti à dominante kabyle (berbère), très implanté à Alger. Le FSS d’Hocine Aït Ahmed voulait ainsi protester contre l’élection, contestée par l’opposition, de l’ancien ministre Abdelaziz Bouteflika.
Les six autres candidats à la présidentielle, qui se sont retirés le 14 avril de la compétition électorale, ne reconnaissent pas la légitimité de l’élection et dénoncent les fraudes.
Le pouvoir a interdit la marche et la police a pris les grands moyens pour stopper toute tentative de rassemblement. Pourtant, à 14H30 (13H30 GMT), heure prévue pour le début de la marche, une cinquantaine de manifestants parviennent à se regrouper derrière les grilles de Mustapha, le plus grand établissement hospitalier d’Alger. Au nez et à la barbe des policiers, ils crient en français « à bas la dictature ».
Les forces de l’ordre, surprises un instant, se regroupent et partent à leur poursuite. Un homme d’une soixantaine d’année, bras tordu dans le dos, est emmené sans ménagement vers le commissariat de police local distant de quelques mètres. Il s’exclame : »Mais je n’ai rien fait ! ».
Au bout de la rue où se trouve le poste de police, des groupes de jeunes réussissent à se rassembler. Ils scandent en arabe: « Algérie libre et démocratique » et se dispersent dans les rues dès que les policiers en civil s’approchent un peu trop près d’eux ou parviennent à se saisir de manifestants isolés.
Parfois frappés, la plupart du temps bousculés, ceux-ci sont emmenés à bord de voitures banalisées vers le commissariat.
Après une brève mais vigoureuse charge de police, le gros des manifestants se disperse. Les véhicules anti-émeutes sont toujours en place et les rues qui mènent à la place du 1er Mai sont surveillées par des policiers casqués.
A quelques centaines de mètre de là, devant une permanence de M. Bouteflika, des sympathisants s’affairent à coller des portraits du candidat désormais président sur le pare-brise de deux voitures. Dans Alger, où le soleil est revenu, on commence à entendre des concerts de klaxons de caravane motorisées pro-Bouteflika.
Celui-ci a annoncé vendredi à Alger qu’il acceptait la présidence algérienne.
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