Fraudes et appel à une marche
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16.4.99, 14 heures
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(Corr, AFP, AP, ATS, Le Matin 15.4, 16.4). Selon les résultats officiels de l’élection présidentielle, Abdelaziz Bouteflika a obtenu 73,79 % des suffrages, Ahmed Taleb Ibrahimi 13 %, Hocine Aït Ahmed 3,17 %, Mouloud Hamrouche 3 %, alors que seul le premier était encore candidat et que les partisans des autres ont déserté les urnes après l’annonce de leur retrait.
Le taux officiel de participation s’est élevé à plus de 60 % (65,25 % en Algérie même). Selon Mouloud Hamrouche, le taux réel devrait tout au plus atteindre le tiers du taux officiel. Selon un membre du comité de soutien du FFS, à Alger, le taux de participation à s’élevait, à 17h00 heures à 28 % à Tlemcen, fief d’Abdelaziz Bouteflika, et de 2 à 3 % à Tizi Ouzou, en Kabylie, fief de Hocine Aït Ahmed (et du RCD). A la même heure, lorsque le taux officiel de participation atteignait 50,84 % en moyenne nationale, Mouloud Hamrouche l’évaluait à moins de 20 % (et à un peu plus de 5 % dans les deux wilayas de Kabylie). A Alger et Tamanrasset, les bureaux de vote sont restée ouverts une heure de plus que prévu. Les journalistes étrangers ont partout constaté une participation très basse.
La participation a été également très faible en France, l’abstention atteignant probablement 70 %, même si le taux de participation officieux indiqué par les autorités algériennes se situait à 31,28 % deux heures avant la clôture du vote. A Genève, où votaient les Algériens de Suisse romande, le taux de participation était de 26 % à la mi-journée et devait atteindre officiellement 40 % à la fermeture du local de vote.
Djamel Zenati, directeur de campagne de Aït Ahmed, a déclaré : « Nous avons contesté toutes les élections depuis 95. Cette fois-çi nous avions exigé des garanties du gouvernement qui ne se sont pas traduites sur le terrain. Or nous n’avons pas l’intention de cautionner cette mascarade. Pendant la campagne l’espoir était là, ce rendez-vous historique pouvait désarmorcer la dynamique de crise mais la dictature, la mafia au coeur du système, a fait barrage à la volonté du peuple. Tout était en place pour que Bouteflika, le candidat de la Mafia, passe, avec la collaboration des médias et de la TV (…). Cette mascarade va faire basculer le pays dans le chaos mais il est encore temps d’arrêter tout ça et de faire l’économie de nouvelles nuisances et de nouveaux massacres ». Le FFS avait appelé à une « marche pacifique » contre « la dictature » le 16 avril à 14h30 Place du1er Mai. L’appel en faveur d’une « Algérie libre et démocratique » se conclut par un « Non à la dictature ». La marche a été interdite par les autorités. Des rassemblements pourraient avoir lieu également à 14h30 à l’heure de la sortie des fidèles des mosquées de la grande prière du vendredi.
Mouloud Hamrouche a récusé la « légitimité » de l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, qu’il a invité à « se retirer ». Pour Mouloud Hamrouche, le retrait des six candidats « marque un renforcement du mouvement démocratique (…) une victoire morale et un échec d’une tentative de fraude ». « Il s’agit d’un acte majeur dans la vie publique de notre pays. La démocratie est en marche », estime l’ancien Premier ministre dans un entretien au « Figaro » du 16 avril.
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Les six candidats d’opposition ont appelé le 15 avril leurs sympathisants à « continuer le travail commun dans le calme ». Dans un communiqué commun, Hocine Aït Ahmed, Abdallah Djaballah, Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche, Youssef El Khatib et Mokdad Sifi déclarent « se réserver le droit de prendre toute initiative » en vue d’instaurer en Algérie une démocratie véritable ».
Les partisans d’Abdelaziz Bouteflika ont salué avec une certaine discretion la victoire de leur candidat. Dans un entretien à la chaîne de télévision française France-2, Abdelaziz Bouteflika a jugé « inexplicable » le retrait de ses six adversaires, et les accusé d' »absence totale de maturité » par rapport « aux enjeux de la République ». Le candidat élu a comparé l’élection à « un combat de boxe qui se termine par le jet de l’éponge », et a affirmé que s’il n’obtenait pas « un soutien franc et massif du peuple algérien », c’est que celui-ci « doit être heureux dans sa médiocrité » et que lui-même n’était « pas chargé de faire son bonheur malgré lui ».
Le président de la Commission nationale indépendante de surveillance des élections (CNISEP), M. Bedjaoui, a précisé que le président de la République ne pouvait pas annuler le scrutin avant que celui-ci se soit terminé, dès lors que les six candidats qui se sont retirés l’ont fait après que les opérations de vote aient commencé.
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