A Bab el Oued: vote « moyen » dans un quartier islamiste

jeudi 15 avril 1999, 17h15

A Bab-El-Oued: vote « moyen » dans un quartier islamiste

ALGER, 15 avr (AFP) – A l’école Massinissa de Bab-El-Oued à Alger, le responsable de dix-neuf bureaux de vote, Moussa Bechmoun, hausse les épaules quand on lui demande le taux de participation au scrutin présidentiel algérien.

M. Bechmoun, qui appelle toujours l’école par son nom d’avant l’Indépendance, Condorcet, se risque à un pronostic en lançant, « Oh, c’est moyen ». Il se ratrappe aussitôt en disant: « Oui mais, traditionnellement, beaucoup de gens vont venir voter à partir de 14 heures ».

A Massinissa, comme dans le reste du quartier, la foule n’est pas encore au rendez-vous en début d’après-midi.

Dans les cinq bureaux de vote réservés aux femmes et les quatorze ouverts aux hommes, les assesseurs sont désoeuvrés. On vote au compte-gouttes. Le président du bureau 098 explique, sans donner plus de détails, que la participation chez lui tourne autour de 20%.

Les rares votants sont des hommes d’âge mur ou des femmes enveloppées dans des voiles blancs, le bas du visage masqué par le haïq, la voilette que portent les algéroises respectant la tradition.

Sur la porte de l’école est affiché le règlement électoral.

« Nul ne peut pénétrer dans la salle du scrutin porteur d’une arme apparente ou cachée, à l’exception des agents de la force publique légalement requis », est-il indiqué.

Dehors, plusieurs policiers et gendarmes armés montent la garde. De la fin des années 80 jusqu’à une période récente, le FIS (Front Islamique du Salut) puis les islamistes armés tenaient le haut du pavé dans ce faubourg populeux du bord de mer.

« Avant c’était chaud ici, maintenant c’est calme », confie le policier qui escorte le journaliste dans tous ses déplacements.

Nombre de ses collègues ont laissé leur vie dans les rues défoncées qui serpentent entre la Méditerranée et les collines piquetées de cités insalubres, viviers, il y a quelques années encore, de l’islamisme armé local.

Aujoud’hui, même si la présence en grand nombre d’hommes vêtus de kamis (robe afghane) et portant la barbe taillée à l’islamique témoigne de l’influence forte du fondamentalisme sur ce quartier, les sympathisants islamistes sont plus préoccupés de religion que de politique, selon des habitants.

Bab-El-Oued, comme le reste de la ville blanche, est comme morte en ce jour de scrutin inhabituel, alors que l’orage menace et qu’une chaude torpeur parait avoir enveloppé la cité.

On ne voit personne aux balcons, d’où pend du linge, des immeubles décrépis où vivaient, jusqu’à l’Indépendance de 1962, tout un petit peuple de « pieds-noirs »: Français de métropole, Italiens, Espagnols ou Maltais.

La quasi totalité des magasins ont tiré leur rideau et la circulation automobile est nulle.

Au jeudi après-midi férié s’est ajouté la fermeture des écoles et des marchés.

Au dessus de Bab-El-Oued, sur le mur du cimetière d’El Kettar, où une famille met en terre un des siens, une main anonyme a écrit à la peinture « Ici demeure Bouteflika » (le candidat restant seul en lice) et « Bouteflika, voleur, traitre ».

En face du cimetière, un poste de police, protégé par des plaques d’acier et des cubes de béton contre les voitures piégées, contrôle l’accès à la grande cité de Climat de France, qui fut longtemps un des principaux repaires des groupes armés islamistes.

Sur la petite route qui longe le commissariat-forteresse, trois jeeps de l’armée passent à petite allure, fanion frappé des couleurs algériennes claquant au vent.

A leur bord des soldats en armes, sanglés dans des treillis léopard, surveillent attentivement les alentours.

ej/bb/pyj t

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