Alger, 29/05/99 (aps)
Alger, 29/05/99 (aps)
Le président de la république, M. Abdelaziz Bouteflika a adressé samedi soir un discours télévisé au peuple algérien dont voici le texte intégral :
Peuple algérien,
Lorsque vous m’aviez témoigné votre confiance en m’élisant à la présidence de la république, je n’ignorais pas les attentes légitimes de la collectivité nationale, comme vous connaissez, tous, la profondeur et les dimensions multiples de la crise qui meurtrit le pays.
En m’adressant à vous, pour la première fois depuis ma prise de fonction, je veux vous faire part de certaines décisions que j’ai prises et d’orientations que j’ai fixées, mais principalement, vous préciser le cadre général et les priorités de l’action que je compte mettre en ouvre, ainsi que les conditions qui me paraissent commander impérativement sa réussite.
Parmi celles-ci, le ferme soutien des citoyens et leur implication effective constituent le point essentiel, et il n’est que naturel, qu’ayant à peser essentiellement sur les processus de réalisation de son avenir, le peuple algérien soit informé régulièrement et le plus exactement possible de l’état et de la marche des affaires de la nation.
Peuple algérien,
Depuis de longues, de trop longues années, maintenant, notre pays est en proie à de dures épreuves, marquées par le déchaînement des démons de la haine et de la division, la détresse de larges couches de la population vouées à la précarité sociale, l’angoisse et le désarroi de millions de jeunes frappés par l’échec scolaire, confrontés au chômage, à l’absence de perspectives d’intégration, exposés au spectacle quotidien de la dégradation des valeurs sociales.
Voyons où nous ont conduit certaines politiques irréfléchies qui ont gaspillé des chances et les ressources de la nation. Des politiques aventuristes qui ont exacerbé les frustrations et les antagonismes au sein de la société, fissuré la cohésion sociale, affaibli l’état et affecté la confiance de la nation en elle-même et en sa capacité à sécréter ses valeurs.
Au point de faire chercher ailleurs qu’en nous-mêmes une façon de vivre notre foi, pourtant millénaire.
Au point de vouloir faire, ici et la, en appeler à l’étranger comme arbitre de nos dissensions.
Voyons, tous, ce que nous ont coûté ces déchirements en vies humaines et en destructions.
Comment exprimer toute l’horreur de ces actes d’une barbarie inouïe ?
Comment mesurer les douleurs et les peines indicibles des proches des victimes de ce terrorisme odieux ?
Comment compatir à ces détresses infinies ?
Que dire à l’épouse qui a perdu le père de ses enfants ?
Que dire à la mère torturée par la mort de ses fils ?
À ces familles traumatisées, ravagées dans leur honneur et dans leurs affections ?
Comment soulager ces souffrances, comment les apaiser á jamais ?
Et faut-il que, sans fin, dans notre pays bien-aimé, la douleur et la mort appellent la mort et la désolation ?
Voyons ou ont été réduites les espérances nées de la grandiose victoire de l’unité nationale qui avait consacré l’indépendance du pays.
Celles qu’avaient suscitées les conquêtes sociales et la mise en ouvre des conditions de la pleine réalisation du droit de chacun à la dignité.
Voyons la régression que nous avons subie sur tous les plans de notre vie économique et sociale. Voyons de quel abaissement dans nos positions dans le monde et dans le prestige international de notre pays nous avons payé nos divisions et l’affaiblissement de la conscience nationale.
Voyons à quel péril extrême a échappé notre pays quand la folie criminelle des uns, les calculs égoïstes des autres – faisant le jeu des ingérences extérieures – ont menacé l’état d’effondrement et la nation d’éclatement.
Grâce au ressaisissement des algériennes et des algériens, qui condamnaient, largement et sans équivoque, les voies de la violence, et grâce à l’action de l’armée nationale populaire et des forces de sécurité, était alors conjuré le péril imminent de l’anéantissement national, préservées l’intégrité du territoire et l’unité du peuple, affirmé le refus d’abdiquer la souveraineté nationale, le principe républicain, en même temps qu’allait être consolidé le processus démocratique.
Face à ceux qui ont voulu contester à la nation, menacée dans ses fondements, le droit de se défendre et à l’état celui d’assumer son devoir impérieux de veiller à l’ordre et à la sécurité publique, je veux affirmer, au nom de la collectivité nationale, sa considération, sa reconnaissance et sa solidarité à l’égard de l’action de l’armée nationale populaire, des forces de sécurité et des patriotes d’hier et d’aujourd’hui qui, dans le cadre de la loi, ont mis en ouvre leur droit à la légitime défense.
Cette action a comporté de leur part un sens élevé du devoir et de grands sacrifices.
Je tiens à déclarer hautement, face aux déclamations politiciennes et aux donneurs de leçons à la mémoire courte et à l’attention sélective, que l’armée nationale populaire et les forces de sécurité ont bien mérite de la patrie.
Peuple algérien,
Aujourd’hui l’heure est venue d’un nouvel élan dans le réveil de la conscience nationale, qui permettra d’éliminer la violence dans les actes et dans les esprits, de rétablir pleinement la concorde civile et de dépasser ainsi une crise à l’origine de laquelle la déliquescence de l’état a eu une part considérable.
Cet élan est possible.
Il est possible pour peu que nous achevions de nous convaincre, tous les patriotes de ce pays, que l’Algérie appartient à tous ses enfants, qu’elle a besoin de chacun d’eux et qu’elle a une place pour chacun d’eux.
Il est possible pour autant que nous réalisions, tous, que ce n’est qu’en s’assumant dans toutes ses diversités que notre pays pourra s’ouvrir les chemins d’un avenir fécond.
Il est possible si nous admettons, tous, que l’ordre républicain et démocratique, les droits constitutionnels aux libertés publiques et individuelles et leur respect, constituent le socle intangible du pacte social qui, seul, peut permettre à la nation de préserver son unité et de réaliser les espérances communes de progrès et de prospérité.
Cet élan est possible pour autant que nous sachions assumer avec responsabilité et sérénité les séquelles du déchirement national, c’est-à-dire dans la compassion et dans la justice, dans la compréhension, dans la clémence et dans la générosité.
La compassion active pour les victimes des actes odieux du terrorisme.
La justice et sa rigueur pour la barbarie criminelle.
Mais aussi la clémence.
Mais aussi la compréhension.
Pour ceux qui ont été pris dans la tourmente mais dont la conscience a réprouvé les voies de la violence aveugle.
Pour ceux qui refusent être les ennemis de leur peuple.
Pour ceux que leur seule conviction ne doit pas exclure de la communauté nationale.
Exprimant les valeurs profondes de tolérance et de générosité de notre peuple et sa volonté d’affirmer son unité pérenne, je dis solennellement à ceux-la que je suis pleinement disposé, et dans l’immédiat, à initier les mesures qui leur permettront, dans le cadre des lois de la république, d’aspirer à reprendre leur place au sein de la société et de concourir à la réalisation des espérances communes.
En ouvrant, ainsi, les chemins où pourront s’exprimer les voix de la sagesse et celles du ressaisissement, j’ai conscience de répondre au vou profond de la nation, à son aspiration à la paix, la stabilité et la sécurité, ainsi qu’au sentiment de ceux qui ont à cour de se dissocier clairement d’une barbarie criminelle qui a souillé toutes les valeurs sacrées et humaines, et contre laquelle l’état, fidèle à son devoir, continuera de lutter avec toute la détermination et toute la rigueur nécessaires au plein rétablissement de l’ordre et de la sécurité.
Tout malheur doit avoir une fin, et la concorde nationale, il faut que chacun s’en convainque, ne sera et ne saura être pleinement rétablie que si l’on réponde notamment aux quatre impératifs suivants, à savoir :
Le strict respect de la constitution en se conformant à ce qu’elle autorise et à ce qu’elle bannit et en appliquant par là-même les lois de la république, La solidarité agissante de la communauté nationale avec les veuves, avec les orphelins et les autres victimes, La reconnaissance du rôle des institutions étatiques et des patriotes qui ont sauvé le pays d’un chaos irrémédiable, L’ouverture de la voie de retour, au sein de la communauté nationale, à ceux dont la route s’en est écartée, et ce en toute probité, en toute loyauté, avec le courage de la conviction, avec noblesse et dans le respect de la parole donnée.
Que dieu assure nos pas, à tous, dans cette bonne voie.
Peuple algérien,
L’aspiration à la dignité et à l’égalité était au cour de la guerre de libération.
C’est dire que les droits qu’elle comporte sont des principes fondateurs de l’état national c’est comprendre, aussi, comment leur mépris a entamé gravement la légitimité des institutions étatiques et a contribué, essentiellement, à nourrir le déchirement et la violence au sein de la société.
Je le déclare nettement : l’état est malade.
Malade dans ses institutions.
Malade dans son administration.
Malade des pratiques à large échelle du passe-droit, du clientélisme, des abus de force et d’autorité, de l’inefficience et de la vanité fréquentes des recours, des privilèges inconsidérés, du gaspillage et du détournement impunis des ressources collectives, toutes circonstances qui ont affaibli l’esprit civique dans la nation, éloigne des compétences et des probités de la gestion des affaires communes et perverti gravement le sens de l’état et du service public.
J’ai indiqué dans le programme que j’avais soumis à votre appréciation que la régénération de l’état conditionnait essentiellement le retour durable de la stabilité comme le resserrement de la cohésion sociale, et qu’elle constituait la fondation indispensable sans laquelle ne pourra être construit durablement quelque progrès que ce soit dans la vie économique, sociale et culturelle de la nation.
Rebâtir la confiance en refondant l’état sur la base du droit et de la promotion des intérêts collectifs de la nation, dans la seule distinction par le mérite et la compétence, dans l’efficacité et la qualité sans cesse accrues des prestations du service public et dans l’égalité stricte à leur accès, telle est la finalité du second axe de l’action que je me suis engagé à mettre en ouvre.
Les taches à réaliser dans cette perspective sont immenses, les obstacles sont nombreux et les résistances risquent être acharnées.
Aussi vous demanderai-je d’assurer avec constance votre soutien à la mise en ouvre de cette vaste entreprise que, pour ma part, fidèle à mon engagement et au mandat du peuple, je me déclare résolu, avec l’aide de Dieu et la votre, à poursuivre sans ménager mes efforts ni relâcher ma détermination.
C’est avec l’aide de tous les citoyens sincères, ceux qui n’ont jamais cessé de croire en l’Algérie et en sa capacité à se relever des plus dures épreuves, que nous montrerons que les ressorts profonds de notre grand pays n’ont pas été définitivement brisés et que les valeurs de justice et de solidarité de la glorieuse révolution de novembre n’ont pas été complètement anéanties.
Dans ce cadre de la réhabilitation de l’état et du service public, des décisions rapides s’imposent.
Elles seront prises en pleine connaissance de cause.
La démarche d’ensemble, quant à elle, devra être globalement réfléchie, se garder de toute improvisation et éviter les actions velléitaires sans lendemain.
C’est pourquoi j’ai décidé, pour la mise en ouvre de ce dessein, comme pour les dossiers décisifs du renouveau national, tels que, notamment, le système éducatif et les grandes mutations des modes d’organisation et de fonctionnement de l’économie, de mettre en place des cadres spécifiques temporaires, qui seront largement ouverts aux compétences nationales réelles, sans distinction de statut ou d’appartenance, a l’effet de procéder à un bilan objectif de nos expériences et de nos erreurs, à une évaluation rationnelle des situations réelles et de leurs causes profondes, à l’effet, également, de cerner les options ouvertes dans leurs conséquences immédiates et lointaines et dans les moyens qu’elles requièrent.
À partir de ces travaux préparatoires auxquels sera fixé un terme impératif, et dans le cadre des orientations du programme que vous avez ratifié en m’élisant, seront arrêtés – après sanction du parlement le cas échéant- des plans d’action cohérents et coordonnés à la mise en ouvre desquels les pouvoirs publics devront s’attacher avec toute la rigueur, la fermeté et la constance que commande l’enjeu en cause :
La construction d’un Etat fort et juste qui sera le catalyseur des efforts de la société et le ressort essentiel de la réalisation des aspirations de la nation.
Dans le processus qui sera ainsi mis en ouvre, la réhabilitation de la justice et son élévation au niveau des exigences et des aspirations nouvelles, auront une priorité particulière.
Parce que c’est la justice, fondement de tout pouvoir, clé de voûte de l’état de droit, qui, seule, peut garantir réellement la protection du citoyen contre les abus d’ou qu’ils viennent qui, seule, peut réaliser concrètement le principe de la primauté de la loi et l’égalité devant elle qui, seule, peut permettre aux plus humbles et aux plus faibles de faire valoir tous leurs droits.
Pour l’immédiat, le respect de la présomption d’innocence, les modalités de la détention préventive, les conditions de la réparation de l’erreur judiciaire, notamment au plan moral, en ce qu’elles attentent au bien le plus précieux de l’individu, à sa liberté, sa considération, sa dignité et l’honneur de ses proches, et parce qu’elles donnent lieu de manière criante, à des dépassements et à des situations anormales, ont appelé mon attention de manière pressante.
À cet égard, et pour le plus grave, il serait totalement contraire à l’esprit qui inspire l’énonce, par la constitution, des droits individuels fondamentaux de algérien que puisse être consacrée une interprétation de la loi qui conférerait à des magistrats le pouvoir de prolonger indéfiniment la détention des prévenus.
Il doit être impérativement et rapidement mis fin à cette anomalie.
Aussi, et en ma qualité de garant de la constitution, je demande au gouvernement d’initier en urgence -s’il devenait nécessaire au regard de ce double impératif- auprès du parlement, les moyens de droit propres à lever une ambiguïté qui aurait fondé une jurisprudence attentatoire aux droits fondamentaux du citoyen.
La même détermination qui sera appliquée à l’oeuvre de régénération de l’état, devra être employée à préparer les chemins de l’avenir.
Ceux-ci passent par l’adaptation aux exigences multiples, complexes et combien exaltantes d’un monde entraîne dans un mouvement de plus en plus rapide et qui condamne de plus en plus impitoyablement ses retardataires.
Dans ce cadre, et en toute priorité, je déclare solennellement à la nation que l’heure est venue de cette reforme véritable de l’école et du système d’enseignement que commandent les exigences du développement intellectuel et moral de notre jeunesse, que commande la situation de ces dizaines et ces dizaines de milliers de jeunes rejetés annuellement par le système scolaire, sans perspective, pour le plus grand nombre, d’accéder à une qualification professionnelle, de plus en plus indispensable à l’intégration sociale dans les réalités d’aujourd’hui.
L’heure est venue de mesurer, au regard de ces enjeux, la vanité et tout le dérisoire des appréhensions ressenties ici et la, de dépasser les pesanteurs et les controverses stériles et de s’attacher, ensemble, à définir, à ériger puis à consolider sans cesse l’école qui permettra à nos enfants de conquérir leur avenir par une intégration active au progrès universel, dans le respect du génie particulier de la nation et de ses valeurs propres.
Au côté de la famille, l’école constitue l’autre creuset où se forge la spécificité du citoyen et de la société toutes les deux les façonnent.
La question de nos valeurs et des fondements de l’identité algérienne a été tranchée définitivement, et il ne saurait être toléré une quelconque remise en cause ou occultation.
Cela ne doit pas, cependant, nous conduire à un repli sur soi régressif et à un sectarisme borné, étranger aux valeurs mêmes dont nous nous réclamons, et qui ne pourrait que nous faire tourner le dos au progrès.
Il importe que nous nous remettions en cause et que nous nous enrichissions, assurés de ce que nous sommes et forts de ce que nous voulons, sans surenchère, sans fatuité, de toutes les expériences celles de pays voisins et frères qui partagent nos appartenances civilisationnelles et toutes celles qui, dans le monde, sont susceptibles d’élargir notre vision, de nous écarter de la médiocrité et de renforcer notre démarche en vue d’assurer aux générations futures une place digne et active dans le monde technologique de demain.
Etant musulmans, berbères ou amazigh et arabes, toute tentation politicienne rejetée, nous ne pouvons nous considérer plus musulmans, plus berbères ou amazigh, plus arabes que les autres peuples d’appartenance commune.
Des normes et des moyens de développement nouveaux prévalent désormais dans le monde.
Nous ne saurons en être qu’en nous y adaptant, loin de toute surenchère, sans excès ni entêtement, sans égoïsme ni narcissisme.
Nous faisons partie de ce monde le système d’enseignement repose sur l’expérimentation et l’acquisition des connaissances il ne peut prétendre à la spécificité par un simple satisfecit qui ne change en rien la réalité des faits.
Tout acquis à sa part de notre considération, mais pas au point d’en faire un dogme non susceptible d’adaptation et d’évolution.
C’est la loi de la vie.
Que l’on se mette, avec humilité et simplicité, sans fatuité, ni faconde, ni entêtement, à l’école des autres pour apprendre ce que nous ne pouvons apprendre auprès des autres.
Loin de moi l’idée de provoquer quiconque, car, moi-même, j’ai longtemps célèbré la fierté de notre grand peuple.
Mais, j’ai, depuis, acquis la conviction que cette fierté devient d’autant plus légitime et méritée lorsqu’on se distingue, en rivalisant avec les autres dans les domaines de la compétition, de la qualité et de la performance. Ce qui vaut pour l’école vaut également pour d’autres domaines.
On ne démontre pas son patriotisme par de simples slogans. Le patriotisme est une valeur concrète qui s’exprime dans la quotidienneté, en tous lieux, en tous temps et dans tous les domaines.
Il ne suffit, il ne suffira pas du tout, pour peu qu’on s’autorise à monopoliser cette valeur, pour peu que l’on admette de laisser quiconque en aura mérite un jour, de faire du patriotisme une rente viagère, pour que l’on s’érige en conscience de la société, en tuteur des autres ou en vigile zèle du passe, du présent et de l’avenir du pays.
L’évolution nous dicte de nous adapter à notre temps. La voie à suivre est celle de l’effort d’innovation que n’assumeront que les seules compétences qualifiées et reconnues.
S’il est légitime d’afficher la confiance en soi et de tirer orgueil de son passé, nous ne pouvons prétendre, même à supposer que nous sommes le peuple élu de Dieu, a une place honorable dans le monde sans rompre avec la médiocrité et faire l’effort de nous hisser au niveau de nos espérances.
Cette attitude d’ouverture et de dépassement des frilosités, nous devrons dans un prolongement tout naturel, l’appliquer aux domaines de la culture, à la création intellectuelle, à l’expression et au débat libres, car c’est seulement par là que nous saurons nous là que nous pourrons valoriser notre identité et enrichir la personnalité nationale dans toutes les dimensions qu’a forgées notre histoire.
Cette liberté et la diversité qu’elle implique, est-il besoin de le souligner, ne peuvent prendre leur sens et trouver leur effet qu’en procédant fondamentalement du souci de la promotion et de la défense des intérêts de la nation, ainsi que du renforcement de son unité.
Dans ce cadre, je veux affirmer que la nation a besoin, a crucialement besoin de ses élites.
De toutes ses élites et dans tous les domaines.
L’Algérie a le droit de compter sur ses cadres, qu’ils aient été marginalisés ou qu’ils se soient expatriés.
Mais l’état a le devoir de leur garantir les conditions de la pleine expression de leurs ressources intellectuelles et techniques, comme celles de leur accomplissement individuel.
Je lance un appel à la mobilisation de toutes les élites de l’Algérie au service de leur patrie, en les assurant que j’aurai fortement et constamment à cour de créer les conditions de leur pleine intégration au mouvement de développement économique, social et culturel que doit impulser la nation.
Peuple algérien,
Le second volet douloureux de la crise que nous vivons, ce sont nos difficultés économiques et leurs conséquences sociales : le chômage et l’extension de la précarité et de la pauvreté qui engendrent tant de frustrations et de difficultés et qui exposent aux périls du désespoir.
Si des reformes ont été engagées – à un prix social particulièrement élevé- dans la voie de l’instauration d’une économie ouverte et soumise aux mécanismes du marché, de nombreuses conditions structurelles et organisationnelles restent à réunir et de nombreux obstacles à franchir pour permettre la pleine expression de nos ressources et de nos possibilités.
Ainsi de l’adaptation intégrale et efficiente de notre système financier aux mutations générées par le passage à économie de marché, une économie de marché véritable, et non la consommation stérile et aliénante d’une rente, « économie de bazar » comme on dit, et qui, hélas, a pris fortement corps dans les comportements et les mentalités.
Ainsi de l’allégement de la complexité des procédures, des contraintes et des lourdeurs bureaucratiques qui entravent encore l’essor de l’investissement.
Ainsi du démantèlement des monopoles de fait et de leurs réseaux occultes qui éloignent l’investissement national non résident et l’investissement étranger. Ainsi de la restructuration industrielle qui doit être clarifiée dans ses options et résolument mise en ouvre.
Ainsi des conditions organisationnelles de la gestion compétitive des entreprises stratégiques et des entreprises à fort potentiel d’entraînement sur économie, qui resteront en tout ou partie sous contrôle de l’état.
Ainsi de la législation fiscale qui doit être adaptée afin de concourir à une réorientation du capital national prive des activités d’importation vers la production, afin d’exploiter les gisements fiscaux jusque-la inexplorés et de donner de nouveaux moyens de lutte contre la corruption, ce fléau qui mine la cohésion et les valeurs sociales et qui défigure notre pays aux yeux de étranger.
Ainsi, encore, de l’organisation de l’administration fiscale qui doit être réaménagée en fonction des nouvelles orientations de la législation et débarrassée des pratiques malsaines qui découragent nombre d’initiatives.
Dans la conduite de ces actions et dans la mise en ouvre de la relance de l’activité économique, devenue vitale aujourd’hui, nous devons nous garder des erreurs du passe et veiller, notamment dans cette perspective, au maintien des grands équilibres dont le rétablissement a été si chèrement paye.
Nous devons, aussi, dans la réalisation des reformes nécessaires que nous avons été contraints, pour certaines, d’initier sous la pression, accorder une place plus large à l’exigence de justice sociale et assurer une plus grande équité dans la répartition des sacrifices.
Mais nous devons agir dans la cohérence, accepter pleinement les exigences nouvelles et mettre fin aux atermoiements. Dans ce cadre, en particulier, il est intolérable que les garanties et les encouragements particulièrement importants accordés par la loi à l’investissement privé soient remis en cause par des attitudes restrictives, des desseins troubles, ou par le jeu intérêts particuliers s’abritant derrière des lourdeurs bureaucratiques ou des lenteurs judiciaires suscitées.
Je déclare ma volonté de lutter de manière implacable contre de tels comportements.
J’affirme solennellement le choix des pouvoirs publics pour l’efficacité, et dans ce cadre et en particulier, leur volonté d’accueillir l’investissement privé national résident et non résident sans autre considération que pour l’élargissement de la base productive du pays et le développement de l’emploi. J’affirme leur détermination à mettre concrètement en ouvre toutes les garanties et toutes les facilités consenties par la loi aux investissements privés et à les adapter et les élargir pour ce qui concerne les exportateurs.
Dans ce cadre, je lance un appel pressant à toutes les ressources d’initiatives et aux capacités financières des algériens afin qu’elles se mobilisent au service du développement national.
J’affirme, aussi nettement, notre disponibilité à réaliser avec nos partenaires étrangers toutes les opportunités d’action commune dans le cadre d’une économie ouverte et du respect scrupuleux des engagements.
Peuple algérien,
Parmi les leçons de nos erreurs, nous devons mesurer ce que la faible priorité à l’agriculture au long de décennies nous coûte en termes de dépendance et de ponctions sur des ressources en devises, combien nécessaires au développement économique et social de la nation.
La modernisation de notre agriculture, l’aménagement et la conquête rationnelle de nouveaux espaces doivent constituer dorénavant un axe majeur de notre action et de la préoccupation des pouvoirs publics.
Nos actions doivent reposer sur une vision globale cohérente qui tienne compte de toutes les données, des réalités particulières et si diverses des situations, qui évalue et qui se donne les moyens nécessaires à l’orientation, à l’évaluation et au contrôle et qui prémunisse contre les effets pervers de décisions louables dans le principe, mais mal conçues à l’origine et dans leurs modalités.
La clarification du statut des terres agricoles, qui conditionne le progrès global du secteur, pose un problème particulièrement délicat au regard des multiples considérations antagonistes qu’il convient d’aménager.
À cet égard, s’il est impératif d’assurer aux agriculteurs les moyens, notamment, d’accéder aux circuits de financement dans les nouvelles conditions de l’organisation de l’économie, il est non moins indispensable de garantir en toutes circonstances – et elles peuvent être multiples- que le patrimoine foncier agricole ne soit pas détourné de sa vocation ou d’éviter des enrichissements indus au détriment de la collectivité.
C’est pourquoi j’ai ordonné que soit approfondie la réflexion sur ce point, préalablement à sa présentation à la sanction du parlement.
Pour l’immédiat, j’ai demandé au gouvernement d’étudier, à la lumière des contraintes du trésor public, les modalités de mise en ouvre, dès cette année, de l’engagement que j’ai pris devant les électeurs relativement à l’allégement de la dette des agriculteurs.
Le problème de l’eau qui contraint fortement le développement économique et l’amélioration des conditions de vie des populations se pose tout naturellement en priorité de la politique nationale.
Il devra faire l’objet de solutions plus imaginatives dans la conception des projets et dans leur adaptation aux spécificités des situations.
Il devra faire l’objet, également, dans la mise en ouvre des actions arrêtées, d’une plus grande maîtrise et d’une rigueur accrue.
Peuple algérien,
La cohésion sociale dont nous payons si chèrement l’ébranlement est tributaire de l’effort de solidarité de la nation, particulièrement dans cette conjoncture où se sont multipliées les détresses matérielles et les désarrois.
L’Etat, expression de la collectivité nationale et de son unité, doit s’attacher à faire revivre l’espoir et la dignité chez ceux que le chômage, le dénuement, ou la diminution physique livrent au sentiment atroce d’exclusion.
Dans ce cadre il se doit, d’abord, de veiller à ce que les citoyens les plus favorisés s’acquittent de leur devoir et que les ressources de la solidarité nationale soient employées adéquatement.
Dans cette perspective, il importe essentiellement que la fraude et l’évasion fiscales, qui atteignent des proportions inconcevables, soient désormais, dans le jugement social et dans nos lois, et lorsqu’elles sont avérées, considérées pour ce qu’elles sont : un vol, d’autant plus indigne qu’il est commis au détriment des plus déshérités.
S’il est tout à fait légitime que l’initiative, le risque et l’effort trouvent leur récompense matérielle, il est intolérable que ceux-la qui en sont justement bénéficiaires s’exonèrent de leur devoir vis-à-vis de la collectivité et de leur contribution aux charges communes de la nation dont ils jouissent des retombées autant et plus que leurs compatriotes.
À la mesure que je suis déterminé à lutter fermement, par tous les moyens, contre certains agissements de l’administration qui lèsent et entravent l’initiative privée, je serai intransigeant, dans le cadre de mes prérogatives, à égard des comportements de ceux qui continueraient de prétendre jouir des droits que leur procure la citoyenneté sans s’acquitter des devoirs qu’elle comporte.
De son côté, l’état devra s’attacher à mieux cibler l’application de l’effort de solidarité en assurant que les prestations versées au titre du budget social de la nation sont surbordonnées impérativement à une condition de ressources.
Ainsi, encore, dans cette phase difficile de la vie de la nation, l’état, dans ses institutions et ses démembrements, se doit de réduire son train de vie dont certains éléments insultent à la détresse des plus démunis, comme il se doit de mettre fin à la multiplication redondante et coûteuse de ses structures et aux privilèges injustifiés.
Plus généralement, il convient, au regard des besoins vitaux des plus faibles, de rechercher avec application tous les moyens d’élargir les ressources de la solidarité nationale, sans incidence négative sur l’emploi ni sur l’activité économique.
Et comment ne pas évoquer dans ce chapitre le drame du logement avec la cohorte de frustrations, d’expositions aux misères sociales, d’entraves à l’accomplissement individuel, à l’harmonie et à la dignité de la vie familiale qu’il provoque.
Avec la longue histoire des détournements de la finalité sociale des efforts de la collectivité, des enrichissements éhontés et des défaillances inqualifiables auxquels il a donne lieu, auxquels il donne lieu ?
La politique du logement, et particulièrement du logement social doit être profondément réaménagée. Ensemble nous devons venir à bout de gigantesque défi qui conditionne aussi gravement la stabilité sociale, et dont les solutions offrent un levier à la croissance économique et à l’emploi.
Le logement social devra faire l’objet d’une approche nouvelle adaptée à sa finalité et fondée sur des règles équité.
La mobilisation et la canalisation des ressources d’épargne devront être stimulées et développées en même temps que devront être réunies les conditions d’une plus grande efficacité dans les processus de réalisation associant le secteur public et le secteur privé.
Dans ce cadre, en particulier, les principes d’inaliénabilité, d’incessibilité et d’interdiction de la sous-location du parc de logements sociaux devront être consacrés. les pouvoirs publics, à tous les niveaux, devront assurer avec rigueur, conviction et vigilance la mise en ouvre des nouveaux dispositifs.
Ils le feront, j’y veillerai, avec le concours et l’implication responsable de tous les citoyens.
Dans le domaine social de l’action des pouvoirs publics, les jeunes doivent faire l’objet d’une préoccupation accrue.
Il importe, d’abord, de procéder à une évaluation objective des dispositifs en ouvre afin de procéder aux redéploiements et aux correctifs utiles.
Par ailleurs, il conviendra de promouvoir la participation citoyenne par, notamment, l’incitation, l’encouragement et l’aide matérielle au regroupement organisé des jeunes, qui peut offrir un cadre approprié pour la mobilisation du potentiel d’enthousiasme et de générosité que porte cette force de la nation, et pour son application à l’utilité publique.
Plus particulièrement, la reconquête des espaces intérieurs en proie à une stérilisation accélérée du fait de l’exode rural, qu’il convient impérativement de freiner, et la réalisation des immenses potentialités du sud du pays devront pouvoir offrir à la jeunesse un champ d’action à la mesure de sa vitalité.
La multiplication des mécanismes d’intégration sociale et, essentiellement, le développement quantitatif et qualitatif de la formation professionnelle, sa valorisation, son articulation cohérente avec les paliers du système éducatif, et son adaptation aux exigences du développement technologique seront un axe majeur de l’action des pouvoirs publics.
Dans cette même perspective, l’aménagement des facteurs qui peuvent affecter négativement l’insertion sociale devra être impérativement et systématiquement recherché.
Au regard de cette orientation, j’ai décidé qu’une attention particulière soit accordée à la situation des jeunes vis-à-vis du service national. Ainsi, des dispositions pratiques seront incessamment arrêtées en vue du règlement de la situation des personnes âgées de 27 ans au 31 décembre 1999, à l’exclusion des sursitaires et des insoumis, dont la situation sera examinée au cas par cas selon des modalités pré-definies.
Cette mesure touchera près de 800.000 jeunes.
En tout état de cause, les dispositions adéquates seront prises pour que tous les citoyens incorporables et qui ne l’auraient pas encore été voient leur situation régularisée dans le courant de année 2000.
Peuple algérien,
C’est dans le sentiment profond de la justesse des choix pour une société apaisée, s’assumant dans ses diversités dans la concorde civile, pour un développement économique, social et culturel en prise avec les exigences de notre temps, et c’est en nous attachant à les réaliser sans laisser part au doute, que nous consacrerons dans le monde le respect de notre détermination à être nous-mêmes et à rester maîtres de notre destin.
L’élection du 15 avril a marqué à cet égard une date éloquente et péremptoire.
Nous entendons désormais mettre en ouvre les choix décidés librement par le peuple loin de toute ingérence.
Nous entendons redevenir pleinement l’Algérie, avec ses réalités et ses difficultés certes, mais avec ses espérances, ses atouts conséquents pour les réaliser et sa volonté de les réussir.
Sur cette base, nous sommes pleinement disposés à développer, tournés seulement vers l’avenir, dans le respect mutuel et la réciprocité, et dans toutes leurs possibilités, les relations qui découlent des appartenances communes, des traditions d’échanges économiques et humains, ainsi que des intérêts partagés.
Nous sommes résolus à affirmer notre appartenance au Maghreb arabe, laquelle nous dicte d’ouvrer, par delà les difficultés conjoncturelles, à combler l’immense retard pris par le processus d’union, d’autant que les relations avec l’union européenne offrent un champ particulièrement important au déploiement de la solidarité des pays de la région.
Notre appartenance au monde arabe nous fait un devoir de concourir à la solution des graves problèmes qu’il connaît et d’ouvrer activement à la réconciliation en son sein.
Notre place en Afrique nous commande naturellement la solidarité avec les détresses, les espoirs et les revendications qui s’y expriment.
Dans ce cadre, il nous faudra répondre, bientôt, à l’honneur que nous fait le continent de se réunir à Alger. Nous aurons à cour, conformément à nos traditions, d’assurer les meilleures conditions pour le plein succès des travaux de ce sommet.
Au regard de la position géographique de l’Algérie, il nous faut, aussi, être conscients de ce que représente notre pays pour la paix et la sécurité dans la région et en Europe, et revendiquer notre part, notre juste part, dans la définition et la mise en ouvre des processus collectifs qui s’amorcent dans l’ensemble euro-mediterranéen.
Il va sans dire que nous serons activement attentifs aux développements des rapports internationaux qui affectent la paix et la stabilité dans le monde, comme nous serons soucieux, au plan bilatéral, de développer, partout dans le monde, en Amérique, en Asie, en Europe, les intérêts mutuels fondés sur les principes équité, de paix et de coopération, dans le cadre de la promotion du mouvement vers la complémentarité et la solidarité universelles.
Peuple algérien,
Plongée dans une mer d’épreuves que lui ont imposées le destin et le mauvais génie des hommes, l’Algérie n’a pas sombré.
Il faut en rendre grâce à Dieu.
Et, aujourd’hui, s’éclairent les chemins du dépassement d’une crise qui n’épargne ni le sang, ni les larmes, ni les souffrances des algériens, et surtout les plus humbles.
Que tous nous suivions le cap que nous indiquent le patriotisme et la sagesse.
Que tous nous acceptions les exigences que nous dicte le devoir vis-à-vis de la nation et de son unité.
Alors, plus forts de la leçon de nos épreuves, nous pourrons conjuguer pleinement nos efforts, mobiliser les ressources de notre vaste pays et celles du génie national pour faire revivre l’espoir et édifier la société de justice et de progrès à laquelle, après tant de vicissitudes, a droit notre pays.
Car le malheur, je veux vous l’assurer mes chers compatriotes, n’est pas notre fatalité.
Nous l’avons prouvé hier.
Ensemble, avec l’aide de Dieu, nous le démontrerons aujourd’hui.
À la grâce de dieu. Je m’en remets à lui. Il est mon recours et mon soutien.
« …On m’a commandé de faire la justice entre vous. Dieu est notre seigneur tout comme votre seigneur. À nous nos ouvres et à vous vos ouvres. Pas d’argumentation entre nous et vous. Dieu va réunir nous et vous. Et vers lui le devenir. » (Coran-consultation-15).
« …ton seigneur suffit, comme guide et secours. »
(Coran-discernement-31).
Gloire à nos valeureux martyrs.
Vive l’Algérie.