Hocine Ait Ahmed: « L’élection d’avril arrive en fin de parcours d’une stratégie qui a échoué »

HOCINE AIT AHMED

«L’élection d’avril arrive en fin de parcours d’une stratégie qui a échoué»

Fayçal Metaoui et Mohamed Tahar Messaoudi, El Watan, 21 et 22 mars 1999

Le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, revient dans cette interview sur les raisons qui ont motivé sa participation à l’élection présidentielle. Il explique sa démarche politique et lève le voile sur certains faits d’histoire, relatifs notamment à l’arrêt du processus électoral en janvier 1992.

Avez-vous reçu des garanties pour vous présenter à l’élection présidentielle ? Existe-t-il un deal entre vous et le pouvoir ?
Ecoutez, pour moi, le seul deal, c’est celui de la paix. Je n’ai jamais fait dépendre mes options politiques des tractations secrètes. Pourquoi je me présente aujourd’hui ? C’est très clair. En 1995, c’était la première élection qui devait initier, c’est paradoxal, toute une stratégie totalitaire. Il était évident qu’un candidat présenté par l’Armée avec un consensus, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, était sûr de passer. Par ailleurs, j’ai pu avoir à l’avance les résultats de ce scrutin pluraliste. Résultats que j’ai remis au président italien de la commission sénatoriale des Affaire étrangères. Lorsqu’il a appris les résultats proclamés, il m’a dit qu’il aurait dû les mettre chez un notaire.
Personne ne me croit aujourd’hui. C’était joué d’avance. Et je rappelle que nous avons appelé au boycott, c’était la seule manière de rejeter cette option. Nous n’avons pas pu avoir accès aux médias comme les autres candidats et partis. Nous avons été empêchés de nous exprimer. L’élection d’avril, à la différence du scrutin de 1995, arrive en fin de parcours d’une stratégie qui a échoué. Aussi bien le contexte national qu’international est différent. Il ne vous échappe pas qu’on a fait croire aux partenaires de l’Algérie que l’élection de 1995 allait ouvrir la voie à la stabilité et à un processus de parachèvement démocratique. Or, la dernière crise au sommet a prouvé le contraire. On peut dire que le régime est sous surveillance internationale du fait que les réalités vont à l’encontre de tout ce qu’il avance. Le président sortant a affirmé qu’il ne se représenterait pas. Il a évoqué comme excuse la nécessité d’aller vers l’alternance. Je n’avais pas le droit de lui faire un procès d’intention. J’ai entendu les déclarations de hauts responsables de l’Armée sur la neutralité de cette institution et surtout sur la volonté d’organiser un scrutin sans fraude. Tout cela a fait qu’une brèche était ouverte pour moi, comme en 1989, pour m’exprimer. En aucune manière je n’étais séduit par le fait de me présenter à l’élection présidentielle. Depuis l’interruption du processus électoral en 1992, nous n’avons cessé d’appeler à la paix. Je m’étais dit que la campagne électorale devrait se concentrer sur la paix et la réconciliation.

Croyez-vous qu’il existe un candidat du consensus, d’autant plus que l’on parle de Bouteflika ?
Jusqu’à maintenant aucune déclaration de l’institution militaire ne confirme cela. Vous connaissez les diatribes entre les différents clans du système. Le chef de l’Etat a réaffirmé que l’Armée n’a pas de candidat. C’est le ministre de la Défense. On ne peut pas prendre au sérieux cette option du consensus. On n’a pas pu substituer le consensus politique au consensus militaire. Cela a été un échec. Faute de n’avoir pas pu les convaincre, on a fait des mini-coups d’Etat aux partis afin qu’ils soutiennent ce candidat.

Des partis se sont quand même ralliés à Bouteflika comme Ennahda, le FLN et le RND…
«Se sont ralliés» est une bonne expression. Le FLN a reçu l’ordre de se rallier. La veille même Benhamouda laissait entendre qu’il allait être candidat. Revirement total. Il y a eu donc pressions. Il en est de même pour le RND et Ennahda.

D’où proviennent ces pressions ?
Je ne sais pas. Je doute que ce soit l’Armée en tant qu’institution. Je ne connais pas la source véritable. Les intéressés ont quand même révélé qu’ils avaient subi des pressions. Donc, il est ni le candidat de l’Armée ni des partis politiques. Il s’agit là d’une tentative de fraude.

D’un clan du pouvoir ?
Oui, d’un clan ou de quelques officines.

Vous avez évoqué des luttes entre des clans du pouvoir après le départ de Zeroual. Qu’en est-il réellement ?
Le départ anticipé de Zeroual est le résultat de pressions internes. C’est connu. Mais pour ce qui est de la candidature de Bouteflika, nous avons l’impression que deux ou trois officiers veulent mettre tout le monde devant le fait accompli. On a voulu vendre à la France cette candidature en disant que c’était celle de l’Armée alors que ce n’était pas le cas. Au retour, on a voulu la revendre à l’institution militaire en disant que cette candidature était soutenue par la France. C’est une espèce d’immense fourberie. Reste qu’on a abouti à un résultat significatif : dans la presse le sujet de l’Armée n’est plus tabou.

On dit aussi que l’Armée était menacée par l’éclatement…
Il y a eu de grandes divergences autour de cette question de candidature. On inflige au peuple les conséquences d’une crise interne alors qu’il connaît la misère et la mort. Aujourd’hui que l’alternance est proclamée par le président de la République, nous ne voulons pas que ces problèmes viennent perturber l’échéance électorale.

Croyez-vous qu’au sein de l’Armée il existe un courant opposé à l’alternance prônée par le président Zeroual ?
C’est une institution presque impénétrable. Surtout dans une période de crise comme celle-ci. Il existe une opacité autour du pouvoir depuis toujours. Au niveau de cette institution particulièrement. Nous ne savons pas exactement quels sont les enjeux internes. Nous savons que le chef de l’Etat n’a pas décidé de partir sans l’existence de pressions. L’Armée appartient à la même société que nous. L’Armée est fatiguée du fait de cette situation. Des officiers sont sur le terrain et risquent leur vie alors que d’autres, à un niveau supérieur, s’adonnent à des préoccupations commerciales. Des officiers et des sous-officiers ne vivent pas en famille depuis sept ans. Ils n’entrent pas chez eux. L’absence de toute perspective de paix ne fait qu’imposer la nécessité d’une solution politique à la crise, y compris au sein de cette institution.

Le journal français Le Canard enchaîné a révélé que le général Smaïl aurait appelé l’attaché militaire de l’ambassade d’Algérie, le général Senhadji, pour intervenir et demander au candidat Ghozali de se retirer. Comment appréciez-vous pareilles révélations ?
C’est un fait d’ingérence. Ce qui n’est pas une nouveauté. Beaucoup de politiques ne font pas confiance au suffrage universel et ils jouent avec les missions et le rôle de l’Armée.

En un mot, on veut impliquer l’Armée dans les affaires qui ne la concernent pas ?
Le fossé qui se creuse entre la population et l’Etat, l’institution militaire et les citoyens, était inquiétant du fait qu’on a prêté à l’Armée la volonté d’avoir interrompu le processus électoral et d’avoir été responsable de cette politique. La première des réconciliations, c’est entre l’Armée et les citoyens. C’est l’Etat qu’il faut reconstruire. L’Armée doit rester unie. Nous voulons une Armée forte. Je l’ai dit et le redis. Nous soutenons tous les efforts, quels qu’ils soient, pour donner à l’Armée les moyens de sa professionnalisation.

L’Armée s’ingère-t-elle dans le domaine politique ?
Ce sont quelques officiers qui gèrent le pays. Cette vérité a éclaté à l’occasion du départ de Zeroual. A l’étranger, on a compris qu’il ne servait à rien de mettre en place des institutions parce que cette crise s’est passée en dehors des institutions.

Avez-vous évoqué ce genre de question avec le président Zeroual lorsque vous l’avez rencontré ?
Ce n’est pas décent de parler de cela avec lui. Nous avons abordé des problèmes plus actuels et plus urgents.

Vous avez parlé des garanties ?
Il a parlé des engagements.

Pensez-vous qu’il puisse tenir ses engagements ?
Nous souhaitons qu’il puisse se donner les moyens pour cela.

A-t-il tous les moyens ?
Je commence à en douter. Notamment en ce qui concerne l’appel aux observateurs étrangers et puis, récemment, le refus de la réunion prévue par le comité méditerranéen de l’Internationale socialiste. Comme nous connaissons l’itinéraire de ceux qui sont autour du président, nous nous posons des questions. Je pense toutefois qu’il a fait preuve d’une audace extraordinaire en annonçant l’alternance.

Peut-on dire que Zeroual a échoué dans sa démarche initiée depuis 1995 ?
Pour répondre à l’offre de paix de 1995, qui a montré qu’il existait une alternative à la solution militaire, les tenants du pouvoir ont pris le temps de mettre en place une stratégie fondée sur l’élargissement de la politique d’éradication. Ils ont recruté des miliciens pour assurer des élections destinées à donner une légitimité au régime.
Pourquoi, selon vous, la trêve avec l’AIS est-elle intervenue ?

Voilà un dossier dont nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants. Tout comme le rééchelonnement de la dette. Avez-vous, en tant que journalistes, des informations la-dessus ? Personne ne sait. Il faut en finir avec ces pratiques occultes et ces négociations secrètes. Le mérite du contrat national, c’est qu’il a fait des partis islamistes des interlocuteurs publics.

Le contrat national est-il toujours d’actualité ?
Les principes de Rome sont toujours valables. Ils sont éternels. Le rejet de la violence pour arriver au pouvoir ou s’y maintenir, le respect de la personne humaine, le droit à l’alternance…

Et la réhabilitation du FIS ?
Le problème n’est pas la réhabilitation du FIS. A l’époque (1995) on voulait l’amener à s’associer à une dynamique de paix. On ne peut pas faire des procès d’intention, surtout qu’on a appris que l’AIS a proclamé unilatéralement la trêve. Sauf que cette tentative a échoué puisque le problème reste irrésolu. Il faut ouvrir le champ politique, lever l’état d’urgence, permettre aux gens de s’exprimer librement. Il faut essayer de décanter la mouvance islamiste de sorte à impliquer ceux qui sont contre la violence et qui appellent à la paix et à réduire ceux qui s’y refusent.
Dans un pays qui a connu les plus grands malheurs et les plus grandes horreurs, les mots paix et réconciliation deviennent tabous. La paix est devenue subversive parce qu’elle dérange des intérêts et ouvre la voie à la démocratie. Sans paix il ne saurait y avoir de démocratie. Quelque part, la violence est gérée par des secteurs apparemment prépondérants qui veulent assurer la pérennité de ce système. Par le refus de la transition démocratique.

S’agit-il d’attitudes mafieuses ?
Des tenants du pouvoir sont prêts à dire les mafieux, la mafia politico-financière, pourvu qu’on ne dise pas X ou Y. Sur ce plan, il existe un consensus. On ne personnalise pas. On n’est pas en économie de marché mais en économie de mafia. L’intégrisme ultralibéral ajouté à des techniques totalitaires donnent une économie de mafia. On revient à des monopoles au niveau privé.

Vous avez toujours affirmé que trop d’armes circulent dans le pays. Ne craignez-vous pas que ces armes puissent être utilisées pour faciliter la fraude lors du prochain scrutin ?
Bien sûr. Le danger n’est pas seulement la fraude. Dans une société où il existe tellement d’antagonismes, de frustrations et d’instincts de vengeance, donner ces armes veut dire quoi ? Entre-tuez-vous. L’expérience a montré, dans plusieurs régions, que ceux qui ont reçu des armes se conduisent comme des seigneurs de la guerre. On a vu leur rôle au cours des élections locales.

On vous a reproché d’avoir qualifié les groupes d’auto-défense de miliciens. Cela a été mal perçu…
Cela a été mal perçu parce que cela a été manipulé. Tout ce que je dis est manipulé. Quand vous dites «ouayloun li el moussallin» et vous vous arrêtez, c’est comme si vous dites malheur à ceux qui font la prière. Alors qu’il faut continuer «oua lladhina ân salatihim sahoun». Nous ne nous sommes jamais opposés au principe de l’autodéfense. Nous avons même pris des initiatives pour encourager la population à se défendre.

Personne ne savait que vous avez pris ces initiatives
Vous le savez maintenant. Cela dit, le risque est de distribuer des armes de guerre à des gens qui ne sont pas entraînés, sans chaînes de commandement, dans un pays où il existe des pulsions de pouvoir et des féodalités. J’ai une certaine formation militaire. J’aurais bien voulu discuter des options en tant que militaire. Mais je peux dire qu’on s’est trompés. On ne pouvait pas aller à une solution militaire dans les conditions où se trouvait l’Armée, avec des effectifs réduits. Je ne fais pas de comparaison absolue, mais au temps de la colonisation, l’Armée française avait un demi-million de soldats avec une administration très forte. Malgré cela, la colonisation n’a pas pu quadriller le pays. Je ne connais pas le nombre de l’effectif de l’Armée et des services de sécurité. Les effectifs opérationnels ne sauraient, en tout cas,
dépasser les 120 000 hommes. Dans un premier temps, l’Armée a privilégié l’auto-sécuritaire et a assuré la sécurité de l’Algérie utile, le pétrole. Tout se passait comme si on avait dit qu’il fallait laisser «les indigènes» s’assumer jusqu’au moment où il y a eu l’offre de paix. Les autorités se sont réveillées et se sont dit qu’elles ne pouvaient pas aller vers une élection présidentielle dans les campagnes sans avoir les instruments. Elles ont installé des milices. Mieux vaut les appeler par leur nom. Nous redoutons qu’à l’occasion de cette élection (avril 1999) il puisse y avoir des dérives de la part de ces troupes.

Si vous êtes élu, allez-vous désarmer ces troupes ?

Vous posez une question d’anticipation. Ceux qui ne veulent pas de solution politique posent des problèmes accessoires. Que pensez-vous de la réhabilitation du FIS ? Que pensez-vous du désarmement ? Que pensez-vous de l’amnistie ? Il faut créer une dynamique. Des solutions politiques.

Lesquelles ?
C’est le dialogue.

Avec qui ?
Avec tous ceux qui représentent quelque chose.

Le FIS dissous peut-il être un interlocuteur pour le pouvoir ?
Je n’ai pas entendu, jusqu’à maintenant, une déclaration du FIS sur ce problème. S’ils veulent constituer un parti ou pas. Il est de notoriété publique qu’il existe des divisions. Les personnalités ou les représentants de cette tendance doivent mobiliser toutes les chapelles politiques et idéologiques qui veulent le retour à la paix.

On remarque que votre discours est devenu plus conciliant par rapport à ce qu’il était auparavant. Avez-vous perçu un changement d’attitude de la part du pouvoir ?
Si vous analysez l’itinéraire du parti et de sa stratégie, vous comprendrez que de tout temps nous avons essayé d’avoir une opposition claire, pacifique et radicale. D’une radicalité qui n’est pas la violence. J’ai dit, à mon retour en 1989, qu’il fallait empêcher que le monopole de l’opposition revient aux islamistes. Il fallait un langage crédible. Pas de critique systématique. Nous avons fait des propositions. On ne peut pas nous faire de reproche. Chaque fois que nous avons perçu une lueur d’espoir, on s’est précipité pour que le pays en tire avantage. On n’a pas attendu les déblocages. Nous avons pris des initiatives après le coup d’Etat de 1992, avant la mort de Boudiaf, auprès des militaires, des autres acteurs politiques, pour trouver une solution. On ne peut pas nous faire le grief d’avoir été fidèles à notre ligne. Nous avons toujours dénoncé la violence, qu’elle émane des islamistes ou du pouvoir. La défense des droits de l’homme est pour nous une démarche idéologique. En 1996, j’ai affirmé, devant le général Zeroual, que pour proclamer la paix, je suis prêt à aller à Batna. A chaque fois qu’il y avait possibilité d’ouverture nous avons essayé de nous impliquer. Sinon, on n’est pas sérieux. La cohérence politique du FFS s’est imposée. Vous croyez que c’était facile pour nous d’accepter d’aller aux législatives et d’être réduits à notre simple expression ? Nous savions très bien que le pouvoir voulait se donner un Parlement à la solde, créer de nouveaux partenaires politiques en effaçant les résultats électoraux de 1991. Quand les visiteurs étrangers venaient au Parlement, on leur disait que le FFS avait tort de parler de dictature puisque l’APN est pluraliste. Nous avons fait des concessions. Le FFS est le dernier parti que le pouvoir n’a pas réussi à casser. Nous représentons l’espoir. Il faut être sérieux dans l’analyse politique. Il ne faut pas prendre les choses à la légère. Ce n’est pas parce que je suis géographiquement ici que j’ai un langage plus souple. Rappelez-vous que j’ai écrit un livre sur l’assassinat de Mecili où j’ai mis en évidence le rôle de la police politique et je suis venu tout de suite après en Algérie. Nous trouvons anormal le contrôle par le haut de la population. C’est des pratiques des années 30. Le contrôle devrait être renversé. C’est à la population de contrôler les institutions. Ce qui nous ramène à la nécessité de prendre le virage de la transition démocratique, et d’une manière beaucoup plus concrète. Mettre en place une assemblée constituante.

Que s’est-il passé entre vous et le pouvoir au lendemain de l’interruption du processus électoral ?
Vous avez sûrement dans vos archives la déclaration que j’ai faite au lendemain de la rencontre avec Nezzar. Il y a eu après un écrit de Malika Boussouf au Soir d’Algérie où il est affirmé que le général Nezzar m’avait proposé un poste. Ce qui est faux. Mais j’ai senti aussi que c’était là la démarche. Sans proposition concrète. Mais peut-être parce que d’emblée j’avais demandé à ce que l’Armée n’intervienne pas après le premier tour.

Il y a aussi la marche. Alger était presque bloquée. Il y a eu un million de manifestants…
Les Algériens aiment beaucoup les chiffres (rires).

On se rappelle les slogans «Non à la République islamique, non à l’Etat policier». Vous avez affirmé que l’élection était truquée. Pourquoi ?
Il y a eu une rencontre entre les deux tours. J’ai souligné au général Nezzar que si le FIS l’a emporté, la faute incombait au régime, pour de nombreuses raisons. J’ai dit qu’il allait y avoir un second tour et un trosième tour. Combien avaient-ils de recours devant le Conseil constitutionnel ? Ce même Conseil s’est empressé d’annoncer les résultats de l’élection. Je ne savais pas que les choses allaient évoluer comme cela. Je pensais qu’on allait vers le deuxième tour puis vers le troisième. De toutes les manières le FIS allait avoir une majorité relative. C’était gérable politiquement. Le président de la République avait des pouvoirs de dissoudre l’assemblée si des dérives venaient à se manifester comme promulguer une loi attentatoire aux principes de la Constitution, par exemple. Nezzar m’a fait croire que le coup d’Etat était dans l’air. Ils avaient tout ficelé. Je lui ai dit laissez-nous organiser une manifestation parce que vou avez arrêté celle du 6 juin (1991). Les gens oublient parce qu’il y a eu une telle rapidité dans l’Histoire. Six mois auparavant, le FIS, qui avait déclaré la grève, a demandé l’interruption du processus électoral. Nous pensions que cette grève générale était un prétexte. Ces élections (prévues le 27 juin 1991) n’allaient pas donner une victoire écrasante au FIS. C’est pour cela que ses dirigeants ont demandé d’arrêter le processus des législatives et ont demandé à la place une présidentielle anticipée. Après, Ghozali a mis en place un découpage électoral défavorable au FFS. J’ai dit au général que nous devions organiser la marche le 6 juin alors que la veille l’Armée avait occupé Alger, avec l’état de siège et le renvoi de Hamrouche. J’ai dit, cette fois-ci, s’il vous plaît laissez-nous faire. A l’époque, je savais que des gens voulaient peut-être manipuler notre manifestation de janvier 1992. Incapables de mobiliser Alger, ils voulaient nous laisser faire et puis manipuler les images. Lors de la rencontre FFS-FLN-FIS, tenue à ma demande le premier jeudi qui a suivi le coup d’Etat, j’avais dit que le coup d’Etat était un malheur mais ne réagissez pas comme vous l’avez fait en juin, vous avez appelé à une grève, et c’était le prétexte pour l’Armée d’intervenir. Un membre du FIS m’a demandé si notre manifestation était contre le pouvoir ou contre l’opposition. Je lui ai répondu qu’il fallait lire les mots d’ordre. Il m’a demandé que voulait dire l’intégrisme. Je lui ai répondu que l’intégrisme était le modèle iranien, l’oppression politique, le totalitarisme, la torture. A l’étranger, on dit que les Algériens étaient contre les islamistes alors que nous ne voulions pas faire le jeu du pouvoir. Si véritablement le pouvoir voulai s’opposer à une idéologie, ce n’était pas de cette manière. La manifestation indiquait que la société n’était pas soumise. Il y a eu sept millions d’abstentions. Pourquoi ? La transition démocratique était parasitée par trop de manipulations.
On a créé combien de partis ? Il existait aussi de faux journalistes dans le champ médiatique. Tout ceci a fait que les gens disaient que voter ou ne pas voter, ceci n’allait rien changer. Il y a eu un sursaut extraordinaire et c’est nous qui avons saisi cette occasion. J’ai rencontré Hamrouche en juin et je lui ai dit que ces troubles étaient destinés à arrêter le processus électoral. Prenons donc des initiatives, maintenez le FIS dans une ou deux places. On allait s’organiser.

Ne croyez-vous pas que le FIS a été lui-même manipulé ?
C’est très possible. De toutes les manières, il y avait prétexte à l’Armée pour intervenir alors que les choses se déroulaient pacifiquement.

Est-ce que le pouvoir a préparé l’arrêt du processus électoral de décembre en refusant la proportionnelle par wilaya qui était une de vos revendictions ?
M. Ghozali a refait le découpage électoral partout pour défavoriser le FFS. En juin 1991, si les élections avaient eu lieu, il y aurait eu un gouvernement de coalition FFS-FLN réformateurs. On en parlait dans les chancelleries. L’aternative ghozalienne était de diminuer l’importance du FFS pour ne pas avoir à gérer le pays avec lui. Ils étaient tellement sûrs de passer qu’il fallait ouvrir la voie au FIS, lequel devait développer l’effet repoussoir. Lors du premier découpage, El Biar était une circonscription FFS, on lui a ajouté, en décembre Dely-Ibrahim et Ben Aknoun. Aïn Benian était une circonscription FFS, on a ajouté Ouled Fayet et Chéraga. A Oran, on nous a enlevé deux circonscriptions. Cette élection a été préfabriquée dans le but d’aider au triomphe du FIS et de se donner la légitimité politique d’intervenir.

Et ceux qui avaient appelé à arrêter le processus électoral à travers le CNSA…
Ceux-là ont fait partie du complot. On leur a demandé de prendre des initiatives politiques d’abord. Je vous dirai qu’il y a eu des appels à la violence pour arrêter le processus électoral. A travers notre marche, nous voulions le deuxième tour. Certains ont voulu créer l’arrêt du processus. Nous avons dit qu’il fallait continuer et ne pas les suivre.

Vous aviez dit que si le FIS avait une majorité relative, la situation aurait été gérable. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
Le pouvoir a tout ficelé parce qu’il aurait pu laisser le Conseil constitutionnel faire son travail et étudier les dossiers de recours. On voulait faire acroire à l’opinion internationale que le pouvoir a mis fin au totalitarisme islamiste. C’était une vraie manipulation politique. J’ai dit que c’était gérable. Vous savez, en Turquie, par exemple, le parti islamiste est arrivé au pouvoir pendant une certaine période et l’armée est intervenue après. Je ne veux pas dire que je soutiens l’armée turque dans sa tentative. Quand il y a une armée laïque, ce n’est pas le cas chez nous, avec un background historique de l’Etat, on fait attention. Que la majorité soit relative ou pas, l’aternative était la violence. Pouvait-on admettre cela, dans un pays piégé par la frustration et par le désir de vengeance ?

Peut-être que la situation était voulue pour faire démettre Chadli…
Chadli est un problème accessoire par rapport à la volonté de faire basculer l’Algérie dans la violence.


Des hommes politiques disent, aujourd’hui, que le scrutin d’avril ressemble à l’élection de 1991…
C’est des racourcis totalitaires. On ne peut revenir à 1991, il y a eu plus de 100 000 morts. On a dit: et si le FIS avait pris le pouvoir. On a oublié ce qui s’est passé.

Y a-t-il eu entre vous et l’Armée des contacts avant l’arrivée de Zeroual aux commandes en 1994 ?
Il n’y a pas eu de contacts à propos du HCE (Haut comité d’Etat, autorité collégiale). C’est nous qui avons pris les initiatives du dialogue. Et lorsqu’ils ont voulu organiser une conférence nationale le 5 juillet 1994, on m’a envoyé le général Touati. J’avais dit qu’on ne pouvait pas parler de conférence nationale parce que l’ordre du jour était arrêté puisque les interlocueurs étaient choisis. C’est une réunion stalinienne. Comme ils n’avaient pas changé de contenu et qu’on n’était pas arrivé à accepter la véritable notion de dialogue avec les gens qui représentent quelque chose, avec la volonté de faire ensemble l’ordre du jour, j’ai préféré faire une contre-proposition. J’ai demandé qu’on fasse une réunion pour trouver une formule de préparation d’une vraie conférence.

Entre 1991 et 1994, il y a eu l’assassinat de Boudiaf…
Une fois que la violence s’installe et qu’il y a engrenage, tout s’explique. Il n’y a rien de rationnel dans tel ou tel évènement. Simplement, pour les hommes politiques, il existe des responsabilités. Ce qui me sidère, c’est l’absence totale de l’esprit de responsabilité dans ce pays y compris de la part de certains partis. On fait appel à l’Armée puis on s’étonne qu’il y ait la violence. Mais, il faut assumer. Il faut reconnaître que cet appel est une des causes qui ont fait que nous sommes dans une impasse. Aujourd’hui, le problème n’est plus là. Il ne faut plus qu’il y ait de chasse aux sorcières. La stratégie suivie jusqu’à maintenant a montré toutes ses limites et tous ses dangers.

Que pensez-vous de ceux qui aujourd’hui appellent au report des élections ?
Moi, je fais confiance à la population pour avoir le jugement qu’il faut

Admis lors de l’élection présidentielle de 1995, pourquoi, selon vous, Nahnah n’a-t-il pas été retenu cette fois-ci ?
Chaque élection a sa logique. A l’époque, il fallait d’abord convaincre l’opinion internationale que c’était une élection pluraliste.

Ne croyez-vous pas que Nahnah savait d’avance qu’il participait au jeu du pouvoir ?
Je ne sais pas s’il le savait d’avance, mais il y a participé. Le pouvoir avait besoin d’un pluralisme de façade, c’est pour cela qu’il a fait appel à lui. Conjoncturellement, pour l’élection d’avril, on a jugé que la présence de Nahnah n’était pas souhaitable. Ils ont trouvé ce pretexte qui me paraît absolument dérisoire. Presque 40 ans après l’indépendance, on ressort cette question.

Mais Nahnah savait qu’il existait une disposition qui lui faisait obligation de présenter une attestation prouvant sa participation à la Révolution…
Nous sommes sérieux et nous avons de la cohérence. Nous avons rejeté la Constitution de 1996 parce que nous savions qu’elle allait être génératrice de toutes les dérives. C’est le CNT(parlement désigné) qui a tout préparé.

Hamas siégait au CNT…
Cela ne justifie en aucune manière la façon avec laquelle est traitée la question de Nahnah. Il y a des choses qui se payent. On nous dit qu’on est contre le pouvoir. On n’est pas contre le pouvoir, on est pour la démocratie. A chaque fois qu’on constate une avancée, on la salue et on essaye de l’exploiter. On ne doit pas accepter l’exclusion de qui que ce soit. Tôt ou tard, on sera victime de l’exclusion.

Vous êtes un chef historique qui a beaucoup de choses à dire sur la Révolution. Que pensez-vous de la résurgence de certains réflexes comme celui du wilayisme ?
C’est une réalité ce retour au wilayisme, au régionalisme, au tribalisme, au copinage et au népotisme. On a refusé de donner la chahada (l’attestation) au peuple algérien pour avoir été le vrai artisan de la libération. On a refusé cette chahada collective. On a confisqué sa souveraineté. Tout découle de là. Et à partir de là pas de politique. La politique est assurée par les notables du régime. On a fait du mauvais travail en enlevant de la mémoire des gens les vrais repères. Et on a exploité l’appartenance à la lutte de Libération pour des intérêts personnels. C’est miraculeux que la jeunesse algérienne soit toujours fière de sa révolution. J’ai eu l’occasion de proposer aux anciens moudjahidine d’ouvrir les dossiers de l’Histoire, d’essayer de discuter et de connaître nos forces et nos faiblesses. Notre devoir est de raviver cette mémoire et de dire que ce sont les Algériens qui ont libéré le pays. Avec le quadrillage qui existait avec un demi-million de soldats, au temps du colonialisme, les dirigeants ne pouvaient pas faire marcher les choses de l’extérieur. Même prise au piège, la population a pris des initiatives à plusieurs niveaux. On n’a pas encore fait la sociologie de la Révolution algérienne.
Je me sens honteux d’être considéré comme historique. Historique de quoi ? J’ai fait de la diplomatie. Je n’ai rien dirigé. Je n’ai pas donné des consignes. Lorsque l’armée française a déclaré zones ouvertes de nombreuses régions du pays, c’est la population qui a trouvé l’astuce pour soutenir le maquis. Les gens sont sortis travailler. Il n’y a jamais eu de consignes.
Peut-être terrorisée, la population qui a vu qu’il y avait un début de division au sein de l’Armée est sortie dans la rue. Les manifestations de Belcourt, par exemple, n’ont jamais fait l’objet d’une instruction. Tous les Algériens ont apporté leur contribution, l’un prend le fusil, l’autre le renseigne. C’est déjà injuste de donner des médailles aux uns et d’oublier les autres. C’est déjà injuste de priver des gens qui ont mérité leur citoyenneté pendant la guerre.

Le fait de demander aux gens une attestation n’équivaut-il pas une forme d’exclusion ?
Bien sûr. Il n’y pas que cela. Rappelez vous : la loi organique sur les partis visait qui ? Elle visait le FFS en la personne de son président entre guillemets auquel est faite l’obligation d’habiter en Algérie. Ensuite, l’interdiction de faire partie d’une organisation internationale (l’Internationale socialiste), l’interdiction d’avoir des relations avec le mouvement associatif. Nous nous sommes défendus. Nous étions le seul parti qui s’opposait à la normalisation. Mobutu ne pouvait pas faire cela. Ils n’avaient qu’à interdir les partis politiques.

Ne pensez-vous pas que l’on doit dire des vérités historiques à la génération d’aujourd’hui ?
Il faut dire beaucoup de choses pour mettre fin aux escroqueries. Tout se passe comme si l’histoire de l’Algérie ne sert qu’à organiser des commémorations. On a fait l’impasse sur toutes nos faiblesses. Et sur toutes les liquidations qui ont été faites à tort parce qu’il y a eu des infiltrations des services secrets français. Il y a eu aussi des officiers féodaux au sein de l’ALN et du FLN qui se sont permis d’exercer l’arbitraire et de faire exécuter certains de leurs éléments. Parce qu’il n’est pas d’accord avec lui, parce qu’il veut lui prendre la katiba. Ils disaient : «Qatlou chraâ».

Vous avez été l’une des victimes de Boumediène. Ces derniers temps, on remarque le retour du discours boumediéniste. Cela est dû à quoi ?
Cela n’augure rien de bon. On revient à la notion de l’Etat fort. C’est l’Etat de Mussolini. C’est l’Etat de tous les dictateurs. Un Etat fort de toutes les faiblesses de la société qu’il a entretenues et développées. Il a enlevé le vaccin aux Algériens qui leur permettait de s’immuniser contre toute espèce d’idéologie totalitaire. On va donc encore avoir droit au contrôle redoutable du citoyen. Ce qui a marqué le boumediénisme, c’est la coercition et la propagande. Si les Algériens ne font pas attention, ils vont voir arriver un autre dictateur.

Vous n’avez pas été tendre avec la presse. Vous avez dit que certains journalistes étaient passibles de la cour pénale internationale…
C’est toujours «ouayloun li el moussaline». Je ne voudrais pas que les jeunes journalistes algériens, qui sont admirables, puissent suivre les journalistes du Rwanda. Ceux de la Radio des mille collines qui ont versé dans l’incitation au meurtre. On a diabolisé tout ce qui peut permettre aux Algériens de se retrouver. On veut détruire dans le vocabulaire les vrais repères. Où sont les vrais démocrates ? Vous m’obligez à dire que moi je suis un bon démocrate, l’autre est un mauvais démocrate. Engager un faux débat donc. Tout cela est malsain. Il y a une occupation du champ sémantique par le fait de l’exercice du terrorisme intellectuel. J’ai pris la chéchia de Djaballah. Je suis comme ça. Je ne peux pas comprendre que les gens soient tellement sérieux. Je ne savais pas qu’on allait me prendre en photo. J’ai fait ce geste pour plaisanter.

On parle souvent du pôle démocratique. Le FFS en fait-il partie ?
Il est difficile de nous mettre dans un tiroir (rires).

On a dit qu’il y a eu une tentative de rapprochement entre vous et Saïd Sadi…
Quand ?

Récemment. On a parlé aussi des rapprochements avec certains ex-militants de votre parti…
Je crois qu’il faut sortir des jeux d’appareil. Ce qui est important c’est que les citoyens assument leurs devoirs. Qu’ils votent comme ils veulent. Mais dans le comportement des uns et des autres, dans leurs idées, face à cette conjoncture, il peut y avoir des convergences.

Depuis quelque temps, on a évoqué l’affaire des disparus. Comment l’Etat algérien peut-il régler ce problème ?
C’est une grande déchirure. On ne peut pas faire l’impasse là dessus. Les familles, les femmes, les veuves, les mamans ont perdu les leurs. Il faut que les autorités prennent les choses au sérieux et qu’elles s’associent avec les ligues des droits de l’homme pour faire la lumière sur cette affaire. Qu’on ne laisse pas les familles dans l’angoisse. Si les personnes disparues sont décédées, qu’on le leur dise. Cela fait partie de la spirale de violence qui a déferlé sur le pays. Les problèmes vont rebondir. Actuellement, le Comité des droits de l’homme de l’ONU est en réunion à Genève. Il ne sert rien au gouvernement algérien d’être agressif. La meilleure réponse est que le régime ait la volonté politique d’aller vers la paix. Ces problèmes pourront trouver une approche plus sérieuse.

Les autorités ont souvent été critiques à l’égard des ONG comme Amnesty International et la FIDH du fait qu’elles considèrent les groupes armés comme des groupes d’opposition…
Le prestige et la crédibilité de ces organisations sont reconnus à l’échelle mondiale. C’est maladroit de s’attaquer à ces organisations qui sont représentées par des milliers de gens dévoués au service des victimes des violences aussi bien du côté des opposants armés que des Etats. Tôt ou tard, on découvrira le rôle bienfaiteur de ces organisations. Celles-ci sont nées après la défaite du nazisme et du fascisme. Les relations internationales ont cessé d’être le monopole de l’Etat. C’est le panétatisme. Hitler voulait faire une Europe panétatique. Le retour des droits de l’homme signifie le droit à chacun de participer à la vie internationale. On peut être victime d’un Etat. Les islamistes découvrent les droits de l’homme parce que cela les arrange.

L’extrémisme religieux aspire – des hommes politiques le disent – à absorber les convictions démocratiques de la société. Qu’en pensez-vous ?
Nous allons prouver sur le terrain qu’on ne peut pas accepter un pouvoir totalitaire quel qu’il soit. On semble s’aveugler sur les réalités d’aujourd’hui et s’arrêter uniquement sur les hypothèses. Pour nous, il faut enraciner la politique de la tolérance et l’éthique. Il existe un créneau islamiste, non majoritaire dans le pays j’en suis persuadé, qui a le droit de s’exprimer. Pour nous, il faut créer des règles de jeu à propos, notamment, de l’alternance, de garanties du droit à la minorité. Je ne parle pas de la démocratie en termes de choix du peuple. Ce terme me rappelle les critiques des politologues à l’égard des doctrines de Rousseau, celle relative à la loi de la majorité. Quelles sont les garanties à donner à la minorité ? C’est cela le problème. Il faut faire évoluer la société.

Il existe aussi beaucoup de blessures…
Les blessures resteront. La convalescence va durer. Il y a sept ans, lorsque nous avions appelé au dialogue, il existait des chances à saisir. Dans une rencontre avec Nezzar et ses amis, en délégation et au ministère de la Défense, le général m’avait demandé de lui donner les noms d’islamistes modérés. J’ai répondu que quand je verrais une volonté politique de discuter, je donnerais ces noms. Plus le temps passe, plus il est difficile d’aller vers une vraie réconciliation. On n’a pas le droit de laisser nos enfants se laisser jeter des accusations de traîtrise. Il faut aller vers des initiatives. C’est le moment. L’élection présidentielle est une occasion de mobiliser la société.

La question de l’amnistie revient souvent ces derniers temps…
C’est une question qui mértite un approfondissement. Quelle aministie ? Est-ce celle reconnue au président de la République ou celle que doit décréter le Parlement ?Dans quelles conditions ? Tout cela doit faire l’objet d’études sérieuses. Il faut trouver les moyens de cicatriser les blessures. Notre devoir est de ne pas léguer des querelles de cent ans à nos petits-enfants.

Est-ce qu’on peut parler d’échec des partis ou est-ce dû aux menaces, évoquées notamment par Louisa Hanoune, sur le multipartisme dans la mesure où six candidats sont indépendants ?
Qu’est-ce que la normalisation ? Comment s’est-elle manifestée après l’accord de Rome ? C’est détruire tout ce qu’on ne contrôle pas. On a commencé à s’attaquer aux éléments les plus modérés du FIS. Lors de la convention du FFS de 1995, la télévision avait diffusé la séquence de cette fameuse chéchia. On a dit que Aït Ahmed avait agi tout seul à Rome. On voulait provoquer un coup d’Etat au sein du parti. Ils n’ont pas réussi. Au congrès de 1996, on ne s’attendait pas à mon retour. Je suis venu parce que je savais ce qui se tramait. Une réunion du comité central du FLN s’est transformée en champ de manipulation avec l’éviction de Mehri. Vous connaissez ce qui s’est passé dernièrement avec Ennahda, le FLN et le RND. C’est un système qui ne veut pas d’un vrai pluralisme. Comme il est coincé et que la société est difficile à gérer, il y a eu des fuites en avant.
A un moment donné, j’ai entendu dire que le MSP posait problème. On nous a tellement demandé pourquoi nous prenions place aux côtés des islamistes, je n’ai pas trouvé à redire. Mais je sais que sept ministres du gouvernement sont islamistes. Quand un parti prend de l’importance, on tente de le casser. Ce n’est pas normal. C’est l’héritage de la déculturation et de la dépolitisation. Ces deux phénomènes alimentent la violence..

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