Sept « présidentiables » en Algérie
Quatre candidatures ont été invalidées par le Conseil constitutionnel.
José Garçon, Libération 13-14 mars 1999
On attendait la confirmation de six candidats par le Conseil constitutionnel. Ils seront finalement sept à briguer la présidence de la République pour succéder à Liamine Zeroual lors du scrutin anticipé du 15 avril prochain, loin de la cinquantaine de postulants qui avaient annoncé leur entrée dans la course. Les contraintes d’une loi électorale, exigeant que chaque candidat obtienne 600 signatures d’élus ou 75 000 signatures de citoyens réparties dans 25 des 48 willayas (préfectures), ont finalement eu raison de la plupart des ambitions réelles ou encouragées pour renforcer l’impression d’une élection ouverte.
Invalidations.
Seuls, en effet, onze dossiers ont été déposés auprès du Conseil constitutionnel qui, au final, en aura rejeté quatre: ceux, sans réelle surprise, de l’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, de Nourredine Boukrouh, le chef d’un (petit) parti islamo-libéral, et de Luiza Hanoune qui n’ont apparemment pas réussi à obtenir les parrainages suffisants, même si la popularité de cette porte-parole d’une minuscule organisation trotskiste dépasse celle des deux autres candidats malheureux. Le cas de l’islamiste «modéré» Mahfoud Nahnah, qui était arrivé en seconde position derrière Liamine Zeroual lors du scrutin présidentiel de 1995, est très différent. Certes, son éviction s’appuie sur la Constitution adoptée en 1996 qui exige un certificat attestant de la participation à la guerre d’indépendance pour les candidats nés avant 1942. Nahnah n’ayant pas obtenu ce document, le Conseil constitutionnel a le plus normalement du monde invalidé son dossier. Il est cependant difficile de penser que l’application stricte de cet article de la Constitution dans un pays où nombre de dirigeants auraient sans doute des difficultés à exhiber un tel certificat, n’ait pas une connotation plus politique. Comme si les autorités algériennes redoutaient de le voir trop améliorer son score de 1995.
«Grosses pointures».
Au bout du compte, sur les sept candidats qui brigueront les suffrages des Algériens, trois ne devraient pas se retrouver à un éventuel second tour, sauf à croire à une volonté du pouvoir de favoriser clairement l’un d’entre eux: Youssef El Khatib, un ancien proche de Liamine Zeroual et chef prestigieux de la willaya 4 pendant la guerre de libération; Mokdad Sifi, un grand commis de l’Etat et ancien Premier ministre d’avril 1994 à décembre 1995, qui a surpris quelque peu en réunissant les 75 000 signatures requises, et l’islamiste Abdallah Djaballah, même s’il fait un bon score dans le Constantinois, voire au-delà. Ils affronteront quatre hommes considérés, pour des raisons différentes, comme de «grosses pointures». Abdelaziz Bouteflika, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Boumediene, présenté comme le «candidat du pouvoir», notamment en raison du soutien de hauts responsables militaires, ce qui constitue à la fois un atout dans un pays où le poids de l’armée est déterminant et un handicap face à une population qui déteste cordialement le pouvoir. Ahmed Taleb Ibrahimi, lui aussi ancien chef de la diplomatie algérienne, fils d’un dignitaire religieux qui devrait rafler beaucoup de voix islamistes. Mouloud Hamrouche, ancien Premier ministre «réformateur» qui n’a jamais caché être «un enfant du système» mais contre lequel il s’est «rebellé», qui l’a évincé en 1991, et qui, dit-on, regarderait aujourd’hui à nouveau de son côté. Enfin Hocine Aït-Ahmed, un opposant de toujours qui, en dépit de l’hostilité que lui voue le pouvoir, a un double atout: le prestige lié au fait qu’il fut l’un des neuf «chefs historiques» de la révolution et une popularité qui, aux dires mêmes de ses détracteurs, ne se limite pas à sa Kabylie natale. Jusqu’à présent, Aït-Ahmed et Hamrouche sont les seuls à avoir multiplié les sorties sur le terrain, particulièrement dans les quartiers populaires de la capitale, une attitude qui tranche avec le silence et la quasi absence de Bouteflika.
«Charte électorale».
Difficile de penser, compte tenu de ces candidatures, qu’un président pourra être élu dès le premier tour. Sauf si le scrutin devait n’être ni «honnête ni transparent», ce à quoi s’est fermement engagé et à plusieurs reprises le chef de l’Etat Liamine Zeroual. En attendant, quatre candidats – Aït-Ahmed, Hamrouche, Ibrahimi et Djaballah – ont signé une «charte électorale» qui réclame notamment une présence «massive» d’observateurs internationaux.