Y a-t-il un froid entre Alger et Washington ?
BOUTEFLIKA HAUSSE LE TON A PARTIR DE CONSTANTINE
Y a-t-il un froid entre Alger et Washington ?
Par Fayçal Metaoui, El Watan 17 avril 2002
Le discours prononcé hier par le président de la République à luniversité Mentouri de Constantine annonce une sérieuse révision des positions de lAlgérie à légard de certaines questions qui ne risquent pas de plaire outre-Atlantique.
Dabord, Bouteflika a tenu à saluer son «frère et ami», Hugo Chavez, président vénézuélien, qui a su traiter «avec sagesse» des événements «difficiles et sensibles». «Nous exprimons tout notre respect au peuple vénézuélien bolivarien qui, avec les forces armées, a su déjouer les complots qui visaient ses intérêts», a-t-il déclaré. Lexpression «les forces armées» nest pas mentionnée dans le discours officiel dont une copie a été remise à la presse. «La volonté du peuple est invincible (
), le président Chavez a consacré les traditions du respect de lordre constitutionnel et de la souveraineté populaire», a ajouté Bouteflika. Hugo Chavez, dont la politique est très critiquée à Washington, a fait lobjet récemment dune tentative ratée de coup dEtat. Il y a comme un parallèle que Bouteflika a voulu faire entre sa propre situation et celle de Chavez. Doù linsistance sur «la volonté populaire». Des voix sétaient élevées dernièrement, celle notamment de Chérif Belkacem, ancien membre du Conseil de la révolution (installé après le putsch contre Ben Bella en 1965), qui a appelé à un coup dEtat contre Bouteflika et à lintervention de larmée. Ensuite, le chef de lEtat a exprimé une certaine évolution de la position dAlger par rapport à ce qui se passe au Moyen-Orient, une position assez flottante jusque-là. Il a critiqué linitiative, proposée par Riadh et soutenue par Washington, en faveur dune solution médiane au conflit israélo-arabe et qui a été discutée lors du sommet raté de Beyrouth des chefs dEtat arabes. Linitiative a été qualifiée dinjuste par Bouteflika qui était présent au sommet de Beyrouth. Il a dénoncé «la guerre dextermination» menée par le gouvernement Sharon contre le peuple palestinien dont «le seul tort est de vouloir vivre sur la terre de ses ancêtres». «où est la conscience humaine ? où sont les ONG des droits de lhomme (
) ? Pourquoi le Conseil de sécurité ne brandit-il pas lépée du droit ? où est le rôle de lONU ?», sest interrogé le chef de lEtat. Selon lui, lentité israélienne a été isolée par les peuples et les gouvernements qui ont exprimé leur soutien aux Palestiniens, et a été «prise en flagrant délit de violation des droits de lhomme».
«La véritable stratégie est celle de la paix pas celle de la guerre. La violence appelle la violence. Ni larme nucléaire ni les chars ni les avions israéliens ne sont une véritable garantie pour que le peuple israélien puisse vivre en sécurité et en paix aux côtés des autres peuples arabes», a-t-il déclaré. «La véritable garantie» est, à ses yeux, le respect des droits de lautre dexister. «Il faut cesser la pratique de la culture de la tuerie et du terrorisme au nom du maintien de la sécurité de lEtat hébreu», a-t-il souligné. La sécurité dIsraël est une constante dans la politique extérieure des Etats-Unis. Bouteflika qui a exprimé son soutien au président Arafat, bloqué à Ramallah par les Israéliens, a estimé que le peuple palestinien doit être rétabli dans ses droits de construire un Etat indépendant avec El Qods comme capitale. Il a rappelé les positions habituelles dAlger à propos du conflit au Moyen-Orient dont le retrait des troupes israéliennes du Golan et du Liban. «Le silence des pays arabes nexprime pas une complicité avec lextermination du peuple palestinien, une peur ou une complaisance avec quiconque. Les peuples connaissent les rapports de forces. Ce qui nest pas possible aujourdhui, le sera peut-être demain», a déclaré le chef de lEtat avant de céder : «Il nous est douloureux de rester les bras croisés par devant le malheur du peuple palestinien (
). Nous devons dire à nos partenaires quil existe des lignes rouges.» Il na avancé aucune précision sur ces «lignes rouges». Favorable à la mondialisation des valeurs humaines, Bouteflika a exprimé son hostilité de «la mondialisation de la terreur et de loppression». Il a rendu hommage à «la vive conscience humaine» qui sest exprimée à Seattle (USA), Gênes (Italie) et Porto-Alegre (Brésil). Ces trois villes avaient connu dimportantes manifestations des militants anti-mondialisation et ceux qui luttent contre «la marchandisation du monde». Cest la première fois, depuis son arrivée à la tête de lEtat, que Bouteflika exprime sa reconnaissance à légard du mouvement des antimondialistes de plus en plus grandissant dont témoigne le dernier forum social qui sest tenu à Porto-Algere qui a regroupé presque 50 000 personnes et qui a été boudé par lAlgérie officielle. Par ailleurs, Bouteflika a souligné dans son discours, dont une bonne partie a été consacrée au combat réformiste de BenBadis, que les questions décisives de la nation ne peuvent pas faire lobjet de marchandage. «Elles ne peuvent tolérer la violence comme moyen de dialogue», a-t-il dit. Fait-il allusion à la crise en Kabylie ? Possible. Il a estimé que la violence ne peut consacrer «lévolution démocratique de la nation, ni son ouverture sur le monde». Il a plaidé pour que luniversité retrouve son rôle de «locomotive» de la société vers les horizons de «la civilité et la citoyenneté». Celles-ci tirent leur légitimité, selon lui, «dun pacte social» où séquilibrent droits et devoirs.